Standing ovation, applaudissements chaleureux et youyous à outrance ont marqué la fin de la projection du film Le puits (El Bir) du réalisateur algérien Lotfi Bouchouchi avant-hier au cinéma Le Maghreb à Oran. Ce film entre dans la compétition long métrage du Festival international d'Oran du film arabe qui prend fin aujourd'hui. Réalisé en 2014, Le Puits a déjà raflé le grand prix (meilleur long métrage) de la 9e édition du festival international du film de Mascate (Sultanat d'Oman), le grand prix de la 5e édition du Festival maghrébin du film d'Oujda (Maroc) en avril dernier ainsi que quatre prix lors du 31e festival du cinéma méditerranéen d'Alexandrie (Egypte) qui s'est tenu en septembre en Egypte. Une première pour un film algérien dans un seul festival. Premier film de Lotfi Bouchouchi, Le puits (90mn) est produit par l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel (Aarc) avec le soutien du Centre national du cinéma et de l'audiovisuel (CNCA) et du ministère de la Culture dans le cadre des célébrations du 50e anniversaire de l'indépendance. D'après une nouvelle de l'oncle du réalisateur, Mourad Bouchouchi, ancien lieutenant de l'ALN, et une adaptation cinématographique signée Yacine Mohamed Benelhadj, Le puits est une œuvre qui adopte une nouvelle vision de l'histoire de la guerre de libération nationale. Les faits se déroulent en 1960 et l'histoire est celle d'un malentendu provoqué par un enfant. En temps de guerre, une simple petite faute peut entraîner de bouleversantes conséquences. Le film relate les affres du colonialisme français à travers les souffrances d'habitants d'un village du Sud algérien assiégé par des soldats de ces colons. Ces derniers suspectent les villageois d'abriter des moudjahidine ayant décimé un commando de français morts effectivement et jetés dans un puits. Les habitants de ce village manquent terriblement d'eau et se retrouvent confrontés à la soif. Une soif qui asséchera leurs âmes au point où le dilemme de la mort se pose pour eux comme dernier recours... Pas moyen de sortir ramener de l'eau car s'ils s'évadent, les snipers français leur tirent aussitôt dessus. L'émissaire envoyé, un jeune garçon Tahar, accusé de traîtrise, échoue toutefois à rétablir la vérité et voilà comment se tisse cette tragédie née d'un rapport de force faussé dès le départ. L'engagement des femmes durant la guerre de libération nationale Le puits de Lotif Bouchouchi donne la part du lion aux femmes algériennes en montrant le courage et la détermination dont elles ont fait preuve durant la guerre d'indépendance. Nadia Kaci est sublime dans le rôle d'une femme têtue limite effrontée prête au plus grand sacrifice pour sauver ses enfants. Cette mère courage, ayant la foi en l'humanisme de l'autre envoie carrément son fils, Mansour, pour tenter d'avoir une chance de s'en sortir. Hélas, confrontée encore une fois à la cruauté de l'ennemi, elle se ressaisit à temps et somme son fils de revenir. Il y a aussi Leila Metssitane (actrice marocaine) campant le rôle d'une mère qui devient folle en perdant son enfant et finit par mourir, et aussi une troisième qui décide de suivre la première dans sa rage de sauver les enfants et ce, après qu'elle ait vu sa fille Hanane décéder devant elle. La trame narrative et le dénuement de l'histoire sont dignes d'une tragédie grecque et l'unité spatiale relève du huis clos. En effet, cela se passe souvent à l'intérieur d'une maison, de ce village encerclé, sinon dehors, au milieu d'un désert rocheux (tournée à Laghouat et à Biskra), espace contrôlé et surveillé par l'armée française. Lotfi Bouchouchi a su subtilement aussi évoquer les harkis, à travers Abdelkader qui a préféré suivre l'armée française que ses frères moudjahidine. L. Bouchouchi a su aussi montrer la cruauté des français durant la guerre en évitant les bains de sang mais à travers une souffrance morale et sèche… Le puits est une production 100% algérienne, avec en prime la participation de techniciens tunisiens, donc arabes. Pour de nombreux critiques, le film est complet : l'histoire est originale, la trame tragédienne est forte, les comédiens français et algériens crédibles, la mise en scène soignée et la musique parfaite.