C'est l'histoire d'un face-à-face terrible où l'héroïsme est neutralisé. Le Puits, le premier long métrage fiction de Lotfi Bouchouchi, projeté hier à la salle Ibn Zeydoun à Alger, en avant-première nationale, replonge dans les tourments de la Guerre de Libération nationale. Un village algérien, qui n'a pas de nom dans le film, est encerclé par une section de l'armée française, menée par un lieutenant (Laurent Marel), décidé à retrouver des moudjahidine et des soldats d'une autre section. Il n'hésite pas à recourir à la torture en lâchant un chien contre un jeune transporteur d'armes algérien et à suivre les traces de pas d'un âne pour retrouver le chemin du village. Village où la soif fait des ravages car le seul puits qui existe n'est plus utilisable : des cadavres de militaires français y ont été jetés. Fréha (Nadia Kaci), Khadidja (Leïla Metssitane), les vieux Benaouda et Belgacem (Zahir Bouzerar et Ourais Achour) et les enfants résistent à l'envie de boire comme ils le peuvent. Dans la logique de survie, Fréha se montre dure avec son fils. En face, postés sur des collines ocres, les militaires ne veulent rien savoir : ils tirent sur tout être vivant qui sort du village. C'est la logique implacable de l'occupation et c'est la descente aux enfers. Tous les sentiments humains sont présents dans ce film où l'histoire se déroule dans un huis clos ouvert et où la tragédie grecque n'est pas loin. Le regard sur les soldats, qui représentent l'armée coloniale, n'est pas réprobateur. Pas de moudjahidine en armes dans le film. Autre façon d'aborder la Guerre de Libération nationale au septième art ? La géographie est impersonnelle et l'accent des différents personnages est «uniformisé». La résistance à l'occupation française fut nationale. «Je ne voulais être ni du Sud, ni de l'Est, ni de l'Ouest. C'était voulu, y compris pour le choix des costumes. Un parti pris. Tout un peuple a résisté. J'ai essayé de rassembler, dans ce petit village, toutes les tendances algériennes», a expliqué Lotif Bouchouchi lors du débat, après la projection à la presse. Le Puits souffre de lenteurs, du jeu parfois trop théâtral des comédiens, de petites ambiguïtés dans la construction du scénario et d'absence de sous-titrages dans les deux langues. Yacine Mohamed Benelhadji a écrit le scénario du film à partir d'une nouvelle de Mourad Bouchouchi, ancien lieutenant de l'ALN et oncle du cinéaste. Produit par l'Agence algérienne pour le rayonnement culturel (AARC) et le Centre national de cinéma et de l'audiovisuel (CNCA), Le Puits sera sur les écrans en Algérie en 2015, après être projeté dans des festivals.