Les doses excessivement élevées de sucre, de sel et de matières grasses contenues dans les produits alimentaires commercialisés en Algérie, semblent inquiéter les pouvoirs publics, dans la mesure où elles affectent aussi bien la santé publique que l'économie du pays. C'est du moins ce qui ressort de la dernière rencontre entre le ministre du Commerce, Bekhti Belaïb, et les associations de protection et de défense du consommateur, consacrée à la présentation de l'arrêté ministériel sur l'étiquetage nutritionnel. Lors de cette rencontre, Belaïb a reconnu, en effet, «le déficit» qu'accuse l'Algérie en matière de normes régissant l'utilisation du sucre, du sel et des matières grasses et leur teneur dans les produits alimentaires. En réalité, si le ministre a appelé à une action «urgente» pour limiter les dégâts, c'est que la situation est vraiment grave. «La protection de la santé et de l'économie nationales dépend très largement des normes que nous pouvons instituer pour se rattraper», a-t-il expliqué. Pour la représentante du ministère de la Santé, Djamila Nadir, présente à la rencontre, «entre 12% et 15% de la population algérienne est diabétique, 26% souffrent d'hypertension et un nombre élevé de cancéreux». La principale cause, selon elle, est : «Le non-respect du dosage dans la fabrication des produits alimentaires est dans sa quasi-totalité à l'origine des maladies chroniques en Algérie, cancer, diabète et maladies cardio-vasculaires», a-t-elle poursuivi. Au plan économique, malgré une légère baisse en termes d'importation de sucre à cause de la baisse des prix sur le marché international, l'Algérie a acheté, en 2015, une quantité énorme et injustifiable de 1,93 million de tonnes, pour une valeur de 714,76 millions de dollars. En commentant ces chiffres, le Centre national de l'informatique et des statistiques des douanes (Cnis) a relevé que les quantités ont augmenté par rapport à 2014, malgré un recul des montants. Si jusqu'à il y a quelques années, le diabète concernait surtout les adultes, ce phénomène touche désormais la frange des plus jeunes de la société. Vulnérables Selon le chef de service de pédiatrie du Centre hospitalo-universitaire d'Oran (CHUO), le professeur Mahmoud Touhami, une augmentation continue de cette maladie est enregistrée au milieu des enfants de moins de 15 ans, avec une «incidence de 30 nouveaux cas/an pour 100 000 enfants». «Cette maladie ne cesse de prendre de l'ampleur. Il y a 20 ans, nous enregistrions quelque 500 nouveaux enfants diabétiques chaque année. Actuellement, nous en avons plus de 3000 nouveaux cas chaque année à l'échelle nationale», a soutenu le spécialiste. Selon des études effectuées à Alger, Oran et Constantine, rapportées par le spécialiste, la prévalence du diabète infantile est de 1 enfant sur 500. La progression de la maladie serait due à plusieurs facteurs, particulièrement le changement des habitudes alimentaires de la société et la sédentarité, en plus du facteur héréditaire, expliquent les spécialistes. Parlant des normes, la représentante du ministère de la Santé publique révèle que l'Algérien consomme trois fois plus de sucre et de matières grasses que les normes mondiales. Reconnaissant que «nous consommons des produits avec excès (sucre, sel ou matières grasses) qui dépassent les normes admises à l'échelle mondiale», le ministre promet de «ramener ces ingrédients aux normes internationales». Mais avant de mettre en place tout un arsenal juridique pour limiter l'utilisation du sucre dans les produits, il faudrait commencer par de larges campagnes de sensibilisation et d'information pour expliquer à la population les dangers que constituent ces ingrédients en cas d'excès. Les associations tirent la sonnette d'alarme La menace sur la santé publique constituée par la consommation excessive de sucre, en particulier de fructose, est telle aujourd'hui qu'elle justifie la mise en place de mesures radicales pour limiter la surconsommation de ce produit. Certaines associations de défense des consommateurs demandent de revoir à la hausse la taxe sur le sucre pour les industriels de l'agroalimentaire. Il s'agit de l'Apoc, qui estime qu'une révision des taxes incitera les producteurs à injecter moins de sucre dans leurs produits finis. D'autres associations comptent axer leurs activités sur les campagnes de sensibilisation et d'information. Le cas d'El Aman est le plus représentatif. Ladite association compte organiser à Béjaïa, de vendredi à dimanche, la 2e édition de son université d'été sur le thème «La sécurité sanitaire dans l'industrie agroalimentaire». Son président, Hacène Menouar, estime que la subvention de certains produits de base, tels que le sucre et la farine, encourage en quelque sorte les industriels à en utiliser par de grosses quantités. «Les producteurs ont compris que les Algériens aiment excessivement le sucre, et comme cette matière est subventionnée par l'Etat, ils n'hésitent pas à doser leurs produits», dit-il. «Puis, les aliments sucrés, tels que les boissons, les jus, les biscuits, les chips… sont à la porté de tous. La production du miel industriel est également élargie sur le territoire national. Tout cela encourage une consommation exagérée de sucre, tout comme le sel et les matières grasses», a estimé Menouar qui appelle toutes les parties concernées, spécialistes y compris, à s'entendre sur un taux minimal de sucre autorisé en Algérie. Pour notre interlocuteur, il ne suffira pas non plus d'élaborer un arrêté ministériel, mais il faut aussi sensibiliser et contrôler les producteurs. «Notre association a eu l'accord du ministère de l'Education nationale pour organiser des journées de sensibilisation à travers les établissements scolaires du pays afin d'inviter les enfants à la modération dans la consommation de ces produits», informe-t-il, en plus de celle qui sera organisée avant le mois de Ramadhan prochain à travers les supports médiatiques, entre autres. Dans tous les cas de figure, le ministère du Commerce a élaboré un nouveau texte réglementaire encadrant l'utilisation de ces matières dans les produits alimentaires. Reste sa concrétisation sur le terrain.