Le projet de loi de finances (PLF) 2017, adopté mardi par le Conseil des ministres, consacre le maintien d'un système de subvention, pourtant décrié et désapprouvé par de nombreux acteurs de la vie économique. Ne répondant à aucune rationalité, la conservation des subventions tous azimuts, on le sait, profite plutôt aux riches qu'aux couches sociales démunies. Si d'aucuns s'attendaient à voir le gouvernement prendre le taureau par les cornes et lancer le chantier de la réforme de ce système, le gouvernement semble, au contraire, décidé à préserver une politique économique «populiste», alors même que les caisses de l'Etat se vident à vue d'œil. Les transferts sociaux à eux seuls représentent près d'un quart du budget de l'année 2017, avec une enveloppe dépassant les 1600 milliards DA. Quelque 400 mds DA seront alloués au soutien aux familles nécessiteuses à travers la subvention des produits de large consommation (lait, céréales, sucre et huiles alimentaires). Il est donc encore loin le temps d'un ciblage effectif raisonné et propice à l'instauration d'une politique égalitaire. Comble du paradoxe, il se trouve qu'au sein même du gouvernement, des voix s'élèvent et appellent à la révision d'un système qui, au lieu de faire de l'équilibre, creuse les inégalités. On se souvient du débat riche et opportun lancé et encouragé, l'année dernière, par l'ancien premier argentier du pays, Abderrahmane Benkhalfa, qui a eu le mérite de souligner les aberrations contenues dans une telle démarche de subventions généralisées. L'ex-ministre des Finances, en dépit des critiques acerbes et violentes auxquelles il faisait face, avait engagé une véritable réflexion autour des subventions, en proposant d'aller vers une réforme profonde, tout en veillant à préserver les couches nécessiteuses. Le gouvernement a-t-il fait, depuis, marche arrière ? Et si recul il y a, quelles en sont les raisons ? «Le gouvernement ne veut pas prendre de risque en mettant en place un système de ciblage et de ré-allocation des subventions pour deux raisons : d'abord, le gouvernement n'a pas encore préparé un dispositif technique et statistique lui permettant d'identifier les populations éligibles aux subventions. Ensuite, il ne veut pas lancer ce chantier à la veille des échéances électorales», explique Mohamed Achir, enseignant d'économie à l'université de Tizi Ouzou. Et d'ajouter : «Le gouvernement ne veut pas prendre de décisions justes et courageuses parce qu'il sait que dans une situation de mal gouvernance on ne pourrait pas espérer s'assurer une adhésion citoyenne. Les dirigeants savent bien que les subventions généralisées sont insoutenables et inéquitables mais optent pour des choix dictés par des objectifs politiques tels que le statu quo social ou l'achat de la paix sociale.» Les propositions de réformes et de nouvelles politiques de subvention ne manquent pourtant pas. Le Forum des chefs d'entreprise, FCE, est allé jusqu'à proposer la suppression pure et simple des subventions et mettre en place l'allocation d'un «deuxième salaire» aux nécessiteux. Mais à l'évidence, les priorités politiques «populiste» passent avant les priorités économiques. Mourad Ouchichi, économiste, auteur du livre Les fondements politiques de l'économie rentière en Algérie, n'en pense pas moins. Interrogé, notre interlocuteur est catégorique. Pour lui, les subventions répondent au seul souci populiste des dirigeants. «La politique de subvention en Algérie est une aberration totale. Elle est non seulement populiste mais contre-productive, dans le sens où elle provoque du gaspillage mais aussi et surtout elle maintient les inégalités sociales. Explication : gaspillage car elle profite plus aux riches mais aussi elle maintient les inégalités sociales, à partir du moment où le propre des subventions est de réduire l'écart entre les riches et les pauvres», soutient-il. Selon lui, l'argument avancé par les pouvoirs de maintenir les transferts sociaux «n'a aucune rationalité économique. C'est un argument plutôt politique et populiste».