Le gouvernement veut éviter un changement brutal. Alors que des experts alertent sur une gestion surannée du système des subventions, recommandant que la question doit être examinée dans les meilleurs délais, l'Etat ne veut pas y toucher. En un mot, "les subventions sont maintenues en 2017", confie une source sûre. Mis à part, a-t-elle ajouté, les subventions au titre des différentes actions du programme Ansej qui seront revues à la baisse, dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017, le système dans sa globalité ne sera pas touché par la cure d'austérité. Ainsi, la crise financière que vit le pays ne signe pas la fin des subventions. Elle va toutefois contrarier sérieusement la générosité de l'Etat providentiel. Comment, dans pareille situation, va-t-il s'y prendre ? Il ne peut pas faire deux choses à la fois, c'est-à-dire qu'il serait compliqué de concilier action économique et sociale, en ces temps de baisse de la ressource. Ferhat Aït Ali est expert en finance. Il s'explique : quand on veut être présent partout en période faste, on se retrouve convoqué sur tous les fronts en période difficile. Et l'équation est, selon lui, simple : relancer l'économie par des avantages à l'investissement va plomber la politique sociale (qui du reste englobe un bon "paquet" d'avantages sociaux dont font partie les subventions) rentière du gouvernement, et l'inverse va plomber ses chances de favoriser la création d'une économie productive. Et d'ajouter : la tentation de faire les deux n'étant plus possible, celle de plomber les deux est plus proche des moyens du bord et des penchants de notre bureaucratie. Le gouvernement joue en fait la prudence dès lors qu'il s'agit de subventions. Dans ses mémorandums internes et dans ses entrevues avec les experts du FMI, par exemple, il explique qu'un changement brutal est synonyme d'un "grand danger", que le changement doit se faire d'une manière "progressive". Et qu'il est impossible d'arrêter une échéance d'une année ou même de dix ans. Pourtant, les besoins sociaux et les subventions qui vont avec augmentent d'année en année. Les subventions implicites et explicites coûtent 45 milliards de dollars à l'Algérie. Smaïn Noureddine, expert en finance, estime qu'au fil des années, beaucoup de choses ont changé dans le pays, mais que sont restées immuables les subventions. Est-ce normal ? De son avis, le pays ne peut se permettre éternellement des subventions généralisées à un seuil indéfini. Et d'ajouter que de nombreux pays, y compris des pays à niveaux de revenus moyens, ont revu leur politique de subventions, sans pour autant se départir de leur rôle de protecteur social envers les couches les plus fragiles de la population. Ce point de vue se trouve conforté par d'autres, notamment celui développé par le Collectif Nabni, pour qui le modèle actuel des subventions directes et indirectes est "injuste", "inefficace" et "non soutenable" financièrement. Le collectif rappelle que de plus en plus de pays de la région et dans le monde mettent fin aux subventions universelles de produits alimentaires et énergétiques en compensant les plus démunis. Pourquoi l'Algérie en serait-elle incapable ? Cela, note-t-il, peut s'opérer dans le court terme et graduellement via les mécanismes des allocations familiales et des bourses en tout genre, en mettant en parallèle un système de ciblage qui soit "juste" et "crédible". Souhil Meddah, spécialiste des questions financières, estime de son côté que l'idée de suppression des subventions généralisées, proposée par plusieurs experts, y compris par ceux du Cnes, converge vers une nouvelle politique des transferts sociaux basée sur une réorganisation totale du modèle des subventions pour les produits de large consommation. Cette nouvelle politique, souligne-t-il, sera axée sur les trois principaux facteurs que sont : suppression de quelques subventions massives et indirectes qui sont indexées actuellement sur les prix des produits de large consommation ; une affectation équitable des subventions au profit des couches les plus défavorisées à travers des transferts monétaires directs et sur la base d'un identifiant national et personnalisé ; réduire le coût des transferts sociaux supporté par le budget fonctionnement de l'Etat. Y. S.