L'éjection d'Amar Saâdani de la tête du FLN, sous forme de démission, était attendue, en réalité, depuis son installation forcée, lors d'une session houleuse du comité central, un certain 29 août 2013 à l'hôtel El Aurassi. Trois ans et deux mois plus tard, il a été débarqué à l'occasion d'une réunion de la même instance au sein du même hôtel. C'est que Saâdani, de par ses déclarations dangereuses, est devenu un véritable facteur de déstabilisation. Ses adversaires au sein du parti, mais aussi à l'extérieur, ont alerté contre les risques qu'il fait peser sur la stabilité du pays. Depuis donc son installation à la tête du FLN, Amar Saâdani s'est distingué par un discours très violents, mêlant insulte, diffamations, menaces et dénigrement. Ses sorties intempestives ont choqué tous les acteurs politiques et l'opinion publique. Il a entamé sa carrière par des attaques qualifiées alors d'«invraisemblables» contre l'ancien patron du DRS, le général Toufik, au moment même où il était en fonction. En ce début de 2014, le général Toufik était accusé d'être opposé au 4e mandat de Bouteflika. Saâdani reproche au DRS d'avoir échoué dans la protection des moines de Tibéhirine, du président Boudiaf et de ne pas avoir anticipé l'attaque du site gazier de Tiguentourine, entres autres. Avec ces accusations, il a provoqué un séisme politique sans précédent. Entre temps, Amar Saâdani est chargé de faire la promotion de la candidature de Bouteflika pour un 4e mandat. Sans jamais cesser, au nom de l'édification de l'Etat civil, ses attaques contre le général Toufik. L'homme controversé, dont le départ est revendiqué par plusieurs courants au sein du parti, s'est aussi attelé à réhabiliter Chakib Khelil, ancien ministre de l'Energie, objet d'un mandat d'arrêt international à cause de son implication dans des affaires de corruption. Il obtient ce qu'il veut et Chakib Khelil rentre au pays comme un héros, après trois ans de fuite. Saâdani avait même demandé à l'ancien ministre de la Justice, Mohamed Charfi, d'épargner à Khelil les tracasseries de la justice. Charfi a été limogé du gouvernement en raison de son refus d'obtempérer. Le général Toufik et l'opposition politique n'étaient pas les seuls cibles du désormais ex-patron du parti majoritaire. Même le Premier ministre, Abdelmalek Sellal, n'a pas échappé à ses diatribes. Il est qualifié de «mauvais joueur en politique». Le directeur de cabinet du président, Ahmed Ouyahia a, lui aussi, fait les frais de la «furie» de l'homme. Il dira qu'il n'a pas confiance en lui et appellera à son limogeage de son poste. Pendant ce temps, les appels à la destitution de Saâdani n'ont jamais cessé. Mais le mois de mai 2015, ce dernier étend sa mainmise sur le parti, à travers un 10e congrès sur mesure. Ses adversaires sont officiellement écartés des instances du parti. Entre-temps, le général Toufik quitte son poste et le DRS est dissous. Saâdani bombera alors le torse, présentant la dissolution du DRS et le départ de Toufik comme la fin de l'Etat parallèle. Il musclera davantage son discours et attaquera sans aucun ménagement tous les adversaires politiques du pouvoir. Le général Toufik est devenu un véritable défouloir pour lui. Il est accusé de tout et de rien : de l'initiative des 19 à celle des 14, en passant par la tentative de rachat d'El Khabar par le patron de Cevital, Issad Rebrab. Certains acteurs politiques expriment alors leur crainte quant aux conséquences des accusations sans précédent de Saâdani, le qualifiant de «déstabilisateur» et d'«aventurier». Toutefois, tel un buldozer, il ne recule devant rien. Tel un bourreau, il cogne sans penser aux conséquences et sans calculs. Quelques semaines avant son départ, un groupe de moudjahidine a appelé le chef de l'Etat à mettre fin à la dérive. Des appels émanant de la base de plusieurs wilayas demandent la même chose. A chaque sortie fracassante, sa fin est annoncée. Mais le 5 octobre, il a frappé tellement fort que la darbouka a cédé. Sa fin a sonné. En s'attaquant avec une violence inouïe au général Toufik, accusé d'être derrière les dramatiques évènements de Ghardaïa, In Salah et Ouargla, et à Abdelaziz Belkhadem, ancien chef de gouvernement et représentant personnel du chef de l'Etat, accusé d'être « un militant de la France », Saâdani a signé de ses propres mains son acte de décès. «C'est un véritable danger pour la cohésion nationale», ont estimé des acteurs politiques. En effet, en accusant l'appareil sécuritaire d'être l'instigateur de dramatiques évènements et un ancien chef de l'Exécutif d'être au service d'une puissance étrangère, Saâdani a accusé l'Etat d'être défaillant. Et l'Etat a réagi. Ce 22 octobre à l'hôtel El Aurassi, Saâdani a admis qu'il est devenu un danger pour le pays. «Je vous demande d'accepter ma démission dans l'intérêt du parti et, surtout, dans l'intérêt du pays», a-t-il lancé à l'adresse des membres du Comité central.