L'opération «réhabilitation» de l'ancien ministre de l'Energie et des Mines, Chakib Khelil, atteint son rythme de croisière. Accueilli avec les honneurs à l'aéroport d'Oran en mars dernier — ce qui était déjà interprété comme un «non-lieu politique» en sa faveur — l'ancien ministre, qui avait fait l'objet d'un mandat d'arrêt international émis par un tribunal d'Alger avant d'être annulé par on ne sait quelle autorité, est allé, vendredi dernier, solliciter la «baraka» (bénédiction) de la zaouïa Si M'hamed Ben Merzouk de Djelfa. Les cheikhs de cette confrérie locale, qui sort ainsi de l'anonymat, ont honoré l'ancien ministre pour «services rendus à l'Algérie». Mais ce geste suscite moult interrogations. Les responsables de cette zaouïa ont-ils agi seuls ? Ont-ils préparé cette cérémonie sur commande ? Rien n'est moins sûr. Mais cette sortie médiatique de Chakib Khelil, la première depuis son retour au pays, livre des messages politiques très importants. Pour les tenants du pouvoir qui ont orchestré cette mise en scène, la réhabilitation de l'homme ira jusqu'à son retour aux affaires, près de six ans après avoir quitté le gouvernement. C'est ce qu'a laissé entendre le concerné dans une interview improvisée diffusée par Ennahar TV : «Je suis très heureux d'être dans mon pays. Je suis prêt à aider dans n'importe quel domaine.» Et d'ajouter : «J'ai été et je suis toujours au service de mon pays, notamment dans le secteur où j'ai travaillé.» L'ancien ministre clame également son innocence : «Quand je suis parti (aux Etats-Unis), je pensais que j'allais revenir rapidement, mais je ne m'attendais pas à tout cela. Ils ont fabriqué l'histoire de la nationalité et du passeport.» Pour lui, les affaires dans lesquelles son nom ou les noms de membres de son entourage étaient cités, notamment en Italie et en Suisse, sont «des histoires préfabriquées par les journaux». Dans son entreprise, l'ex-ministre se montre très prudent en refusant d'abonder dans le sens de la même propagande lancée par des satellites du pouvoir et leurs relais médiatiques pour charger le DRS et son ex-responsable, le général Toufik, dans le but d'absoudre tous les responsables accusés dans des affaires de corruption. En effet, malgré l'insistance de l'intervieweur pour l'amener sur le terrain balisé par le secrétaire général du FLN, Amar Saadani, Chakib Khelil, a eu une seule réponse : «Je ne sais pas. Je n'ai pas d'information là-dessus.» Dérision et colère sur les réseaux sociaux L'annonce de cet «hommage» a eu l'effet contraire, visiblement. Destinée, sans nul doute, à préparer l'opinion à un proche retour de l'ex-ministre aux affaires, cette opération de com' suscite plutôt colère et dérision sur les réseaux sociaux. Plusieurs internautes se sont interrogés sur les tenants et les aboutissants de cette sortie. Des facebookers ont même rappelé la déclaration de l'ancien ministre de la Justice, Mohamed Charfi, qui avait évoqué, en 2013, l'intervention du patron du FLN pour disculper l'ancien ministre de l'affaire Sonatrach 2 : «Si Amar, vous m'avez proposé ‘‘amicalement'' d'extirper Chakib Khelil de l'affaire Sonatrach 2.» En rappelant cette déclaration, les internautes affichent leur colère contre «le jeu scabreux des tenants du pouvoir». D'autres ont tourné en dérision, à travers des caricatures et des montages photos, le passage de l'ancien ministre à Djelfa. Sur une photo montage, le siège de la zaouïa en question, floqué d'un logo de Sonatrach, est présentée comme le «mausolée de Chakib Khelil essonatraki». Plus sérieux dans l'analyse, certains internautes spéculent sur une «préparation de l'ancien ministre pour succéder à Bouteflika». «J'ai comme l'impression que Chakib Khelil est revenu avec un ordre de mission bien clair : prendre le pouvoir en Algérie», soutient l'un d'entre eux.