Le chantier de la réforme de la justice, lancé par le gouvernement, trouve toutes les peines du monde à se concrétiser sur le terrain. Les contraintes sont nombreuses et les questions liées à cette réforme sont parfois extrêmement sensibles. De l'aveu même du ministre de la Justice, garde des Sceaux, Tayeb Louh, «C'est une réforme profonde et difficile à mener» a-t-il reconnu, lundi passé, avant de poursuivre que l'Etat est toutefois «déterminé et mobilisé à aller jusqu'au bout». Cette réforme devrait d'ailleurs toucher, en plus du parquet, la Cour suprême. Cette dernière où s'entassent des dizaines de milliers de dossiers en attente de traitement, risque de donner du fil à retordre au gouvernement vu l'importance de la question. Le volume considérable des affaires pendantes devant la Cour suprême fait d'elle un troisième degré de juridiction. L'accumulation des affaires au niveau de cette instance judiciaire constitue, a souligné Louh, un grand problème qui n'est nullement lié au niveau des magistrats ni à leur nombre. Pour lui, «Augmenter le nombre de magistrats n'est pas la solution, c'est une fausse stratégie. On doit revoir le code de procédure pénale et civile», a-t-il dit, sans donner plus de détails. Comment parvenir à cette solution tout en évitant de tomber dans la liquidation des dossiers? Joint au téléphone, Me Bourayou reconnaît qu'il y a aujourd'hui, justement, une tendance à la liquidation des dossiers qui se trouvent au niveau de la Cour suprême. «Ce qui ne rend pas service à la justice», remarque-t-il. «Toute réforme est la bienvenue à partir du moment où elle traduit une prise de conscience. Mais encore faut-il que cette réforme soit menée de manière à garantir aussi bien l'indépendance de la justice que le droit à la défense. Pour ce faire, Il est indispensable de renforcer le rôle régulateur de la Cour suprême en développant en son sein la jurisprudence», a-t-il soutenu. Me Bourayou croit que la solution peut venir également des tribunaux. «Il faut développer tout le processus de correctionnalisation au niveau des tribunaux. C'est seulement en développant ce processus qu'on pourra espérer alléger la Cour suprême des centaines de milliers de dossiers en attente de traitement. Ceci a un double objectif : En plus d'alléger la Cour suprême, on lui permettra de traiter et d'étudier ses dossiers dans la sérénité», suggère-t-il encore. Pour Me Bouchachi, «les multiples problèmes auxquels fait face la Cour suprême ne sont pas propres à l'Algérie. Ils existent partout dans le monde», a-t-il dit, avant de prévenir contre les pressions exercées sur la Cour suprême et qui peuvent nuire à la justice. «Le fait qu'on pousse les magistrats à traiter les dossiers dans l'urgence et sous la contrainte n'est pas dans l'intérêt de la justice», a-t-il affirmé, en espérant que «la prochaine réforme va renforcer l'indépendance de la justice». Par ailleurs, pour décharger la Cour suprême du surplus de dossiers, n'est-il pas temps de décentraliser ses services, comme par exemple, la création d'annexes au niveau de chaque wilaya ?