Lorsque l'on voit Ismaël Diabaté penché sur sa toile avec une plume ou un bout de roseau en train de réaliser ses figures géométriques,on est agréablement surpris par sa dextérité et son savoir-faire. Ces immenses toiles au ton terre, marron, beige qui semblent être de vrais labyrinthes sont un ravissement pour l'œil. Diplômé de l'institut des Beaux Arts de Bamako spécialité peinture, Ismaël Diabaté s'initie depuis plus de quarante ans dans le figuratif et le semi- abstrait. Depuis plus de vingt ans, il a changé de registre et explore le Bogolan. «C'est une technique artisanale des femmes maliennes de la tribu des Bambara dont la langue est la plus répandue en Afrique de l'ouest. Pour arriver à ce rendu en peinture, on récupère la terre du fleuve Niger et des écorces d'un arbre appelé angaloma que l'on pile ou que l'on fait bouillir, ce qui donne cette couleur sombre due à la terre», dit-il. «Pour ma part, par cette technique, j'ai cherché ma voie et je trouve une spontanéité dans les figures et les personnages qui ne sont pas similaires», précise-t-il. Pour cet artiste, le Bogolan s'utilisait par les femmes qui dessinaient leurs habits traditionnels. Comme plasticien, il déplore que sa palette ne soit pas éclatante. Ce sont des teintes qui virent plus vers le noir et le marron. A ce sujet, il avoue : «On est limité dans la coloration, la terre ne donne que du noir mais pour moi, c'est un défi de peindre avec des tons restreins. En outre, à Bamako on ne trouve pas l'acrylique», explique-t-il. De visu, ces signes, ces idéogrammes, ces lettres et la cosmogonie bambara plaident pour les valeurs fondamentales des sociétés traditionnelles. Ces tableaux en toile de coton naturel à base d'argile avec des motifs géométriques sont inspirés des idéogrammes des écritures Bambara ou Dogon. En sus d'être plasticien, Ismaël Diabaté est auteur et philosophe. Il estime que nul n'a le monopole de la pensée et ne se considère pas comme tel. Sa modestie ne lui permet pas de s'approprier ce qualificatif. Selon lui, tout le mode a son mode de pensée. Très zen, il exécute son travail tout en discourant sur son art qui requièrt beaucoup de concentration. Il vit de son art et compte de nombreuses expositions aussi bien au Mali qu'à l'étranger notamment en France, Espagne, Algérie et aux USA. Côté projet ? Il veut continuer dans cette voie qui lui procure beaucoup de liberté dans sa démarche. Hommage aux femmes D'une grande humilité et avec sagesse, Ismaël Diabaté ne se met pas en avant. Il est toujours en quête de découvertes et de recherches en art pictural. L'intérêt de cette technique est de préserver et de sauvegarder ce fonds culturel ancestral qui fait l'identité et constitue la mémoire des Bambaras. Ce legs culturel puisé de la culture des sociétés traditionnelles est à vivifier et à transmettre pour la conservation de ce patrimoine. Ismaël Diabaté, par sa touche personnelle et avec brio a su faire de cet art ancestral une peinture qui s'exporte et qui témoigne de l'art des femmes.