Il n'a pas fallu beaucoup de temps pour que le «médicament miracle» contre le diabète ‘‘Rahmat Rebbi'' cause des malheurs aux patients qui ont, malgré eux, tant cru à ce remède. Des diabétiques se sont mis sous ce «complément alimentaire», mettant une croix rouge sur leur insuline, pensant naïvement pourvoir guérir définitivement de cette maladie chronique, qui touche en moyenne un algérien sur deux. Certains d'entre eux sont, rapportent plusieurs sources, dans un état grave. Avaient-ils raison ou tort d'y croire ? La question n'est pas là selon plusieurs médecins et spécialistes contactés à ce sujet. «Une folle campagne de pub a été menée tête baissée par des médias et un ministre qui a encouragé la commercialisation de ce produit», s'indigne Lyès Merabet, secrétaire général du syndicat national des praticiens de la santé publique. «Produit» , dit-il, car ce fameux Rahmet rabbi dont la découverte revient au chercheur Toufik Zaibet n'a jamais été certifié par les laboratoires. «On avance des affirmations sur l'efficacité de ce produit sans même le prouver», regrette encore le Dr Merabet qui appelle à ce que les parties qui ont soutenu et fait la promotion de Rahmet rabbi rendent publics les noms de «ces spécialistes qui ont analysé ce produit et qu'ils nous disent aussi par quelles preuves ils certifient ses bienfaits». Les parties concernées sont principalement le département de Abdelmalek Boudiaf. Aussi hallucinant que cela puisse paraître, le ministre de la santé avait en effet convoqué dans son bureau pour une entrevue filmée par la chaîne privée Echourouk, Toufik Zaibet, originaire de la wilaya de Constantine. Sur la vidéo, le ministre de la Santé félicite et exprime sa «fierté» au chercheur. Le ministre avait même révélait qu'il connaissait Toufik Zaibet depuis douze ans et qu'il allait se «charger personnellement de faciliter les procédures en vue de la commercialisation du médicament». Un geste «grave», juge le Dr Lyes Merabet, comme un grand nombre de médecins, d'ailleurs. «Jamais dans l'histoire de la médecine un politique et un haut responsable n'ont lancé une campagne de publicité pour un produit médical», lance encore notre interlocuteur et d'ajouter : «Il ne s'agit pas d'un sujet politique, culturel ou sportif, on parle de science, d'un produit qui peut engendrer des conséquences graves sur la santé publique». Comme lui, d'autres médecins ont clairement interdit à leurs patients de prendre ce produit-miracle, leur demendant d'arrêter leur traitement. Médecin spécialiste à l'hôpital Mustapha Bacha, le Dr Amar témoigne avoir reçu plusieurs dizaines de patients qui ont demandé son avis sur le complément alimentaire. Sa réponse est claire : «Ne croyez pas les charlatans». J'ai à chaque fois interdit catégoriquement aux patients de prendre ce produit, je leur ai exposé le danger de mort auxquels ils s'exposaient s'ils cessaient leur traitement normal». Un ministre qui défend… Le Directeur de l'Union nationale des opérateurs pharmaceutique (Unop), Abdelwahed Kerar, avait, lors de la création de la Fédération Algérienne du médicament le 12 novembre dernier, regretté cette promotion lancée par les officiels et les médias surtout, pour faire vendre le RHB alors que, disait-il, «de vrais chercheurs mériteraient plus d'être soutenus». D'autres médecins pharmaciens sont allés jusqu'à signer une déclaration dénonçant une propagande visant à «promouvoir un faux médicament». Le ministre de la santé, toujours dans sa promotion du médicament, riposte et déclare à son tour : «C'est un remède miraculeux qui va révolutionner le monde de la médecine. Toufik Zaibet est loin d'être un charlatan, il est connu et reconnu en Europe. Laissez-le travailler !»… Mais voilà, le fait de l'avoir laissé travailler a entraîné, malheureusement, comme l'avaient prédit des médecins, de graves complications à au moins «deux consommateurs».