«Victoire diplomatique», «historique», «Le Grand retour», la presse marocaine n'a pas lésiné sur les qualificatifs, hier matin, pour saluer la réintégration du Maroc au sein de la première institution africaine. Après une longue absence de 33 ans de l'organisation panafricaine, le royaume chérifien est depuis le 30 janvier officiellement 55e membre de l'Union africaine. Au Maroc, cela a été vécu comme une victoire historique. Elle intervient après une offensive diplomatique et une campagne de lobbying particulièrement virulente. En perte d'influence et de crédibilité dans le continent noir, à cause notamment de sa politique de colonisation, il a finalement révisé sa politique et opté pour une posture plus apaisée (en théorie). Officiellement, le pays de Mohamed VI réintègre l'UA sans préalable. En signant l'acte constitutif de l'UA, il siège désormais au même titre que la République arabe sahraouie démocratique (RASD). Dans les faits, rien ne permet de dire que ces retrouvailles avec l'Afrique annonceront un certain dégel de la situation de tension permanente entre le Maroc et la RASD. 80% des territoires sahraouis sont toujours sous occupation marocaine. Les droits légitimes du peuple sahraoui sont quotidiennement bafoués et foulés aux pieds. «Avant son retour officiel à l'UA, le Maroc s'est beaucoup investi dans des campagnes de lobbying afin d'obtenir l'exclusion de la RASD de l'UA. Après avoir rencontré une forte résistance de la part de l'Algérie connue pour son soutien à la cause sahraouie et de la part de l'Afrique du Sud, pays anticolonialiste, le Maroc a changé de stratégie. Il a fini par ne plus poser de conditions à son entrée dans l'UA», analyse un observateur indépendant. Pour lui, cela ne veut pas dire que le Maroc reconnaît la RASD. «Bien au contraire, le royaume chérifien redoublera d'efforts, mais cette fois-ci, il le fera à l'intérieur même de l'UA et tentera tout pour isoler la République sahraouie. Ce qui de toute évidence promet des luttes féroces au sein même de l'organisation africaine», croit savoir notre interlocuteur. Des luttes qui semblent avoir été déjà enclenchées alors que le sommet de l'UA n'avait pas encore touché à sa fin. Après son discours devant les chefs d'Etat africains, le roi du Maroc Mohamed VI n'a pas jugé utile de saluer l'algérien Smail Chergui, qui venait d'être reconduit à la tête de la commission paix et sécurité. Autre signe de cette tension, la sortie publique de l'ANC, parti sud-africain du défunt Nelson Mandela. Ce parti a, aussitôt l'adhésion du Maroc confirmée, exprimé ses «regrets». Le Congrès national africain d'Afrique du Sud n'a pas digéré la réintégration sans condition du Maroc. Il a de tout temps conditionné le retour du Maroc dans le giron de l'UA par un arrêt de la politique de colonisation dans les territoires sahraouis.