Le FLN réaffirme son plein soutien aux positions diplomatiques judicieuses de l'Algérie    Cible principale, l'Algérie et les Algériens    Guterres "horrifié" par la mort d'un employé de l'ONU dans une frappe sioniste contre Ghaza    Ghaza: plus de 40 martyrs dans de nouveaux bombardements de l'armée sioniste    Ghaza: le Hamas dit poursuivre ses négociations avec les médiateurs pour mettre fin à l'agression sioniste    Mondial 2026: l'équipe nationale intensifie sa préparation avant le match contre Botswana    CHAN 2024: premier entraînement à effectif complet depuis le début du stage    Secousse tellurique de Médéa: une réplique de 4,0 degrés enregistrée    Merad en visite de travail à Constantine    Décès de Fatima Ould Khissal, ancienne journaliste et animatrice à la Radio nationale    A l'horreur s'ajoute l'asphyxie humanitaire    Les condoléances de Tebboune pour la mort en martyr du pilote Bekouche Nasser    Appel à la vigilance des agriculteurs    Tournoi de la presse : Les 8es de finale lancés    A Gaborone pour la victoire...    Coupe d'Algérie 2025 (1/4 de finale) : Les dates et les stades connus    Nadir Larbaoui préside une réunion du Gouvernement    « L'Algérie est un modèle à suivre en matière de lutte contre le terrorisme »    Plus de 800 g de kif traité saisis, une arrestation    Plus de 100 g de kif traité, 401 comprimés de psychotropes saisis, trois arrestations    De la viande avariée impropre à la consommation saisie à Hassi Mamèche    Près de 100.000 personnes ont dû fuir des violences armées    L'autre lutte pour le recouvrement de l'indépendance    Guelma accueille la 9e édition    Dans l'imaginaire littéraire et artistique algérien    Le documentaire "Les prisonniers algériens de Sainte-Marguerite" projeté à Alger    Enseignement supérieur: lancement de la première édition du Prix du président de la République du chercheur innovant    Boughali reçoit l'ambassadeur du Mozambique à Alger    63ème anniversaire de la fête de la victoire: diverses activités dans l'Est du pays    Le président de la République présente ses condoléances suite au décès en martyr du pilote Lieutenant-Colonel Bekkouche Nasr    Textiles et cuirs: le chiffre d'affaire du groupe public Getex augmente en 2024    Les revenus générés par les produits forestiers dépassent le milliard de dinars    Le ministre tunisien de l'Intérieur visite la Direction des titres et documents sécurisés d'El-Hamiz    Mondial 2026/Botswana-Algérie: premier entraînement des Verts à Gaborone    «Loyauté envers les martyrs»    Manifestations à Washington et New York pour exiger la libération d'un étudiant miilitant palestinien        L'Algérie happée par le maelström malien    Un jour ou l'autre.    En Algérie, la Cour constitutionnelle double, sans convaincre, le nombre de votants à la présidentielle    Algérie : l'inquiétant fossé entre le régime et la population    Tunisie. Une élection sans opposition pour Kaïs Saïed    BOUSBAA بوصبع : VICTIME OU COUPABLE ?    Des casernes au parlement : Naviguer les difficiles chemins de la gouvernance civile en Algérie    Les larmes de Imane    Algérie assoiffée : Une nation riche en pétrole, perdue dans le désert de ses priorités    Prise de Position : Solidarité avec l'entraîneur Belmadi malgré l'échec    Suite à la rumeur faisant état de 5 décès pour manque d'oxygène: L'EHU dément et installe une cellule de crise    







Merci d'avoir signalé!
Cette image sera automatiquement bloquée après qu'elle soit signalée par plusieurs personnes.



Fictions ou réalités
L'officialisation du berbère en Algérie
Publié dans Liberté le 23 - 02 - 2016

Comme on pouvait le prévoir après la reconnaissance de "l'amazighe" comme seconde langue officielle par la constitution marocaine de 2011, l'Algérie vient à son tour d'accorder le statut de "langue nationale et officielle" à tamazight à l'occasion de la révision constitutionnelle adoptée par voie parlementaire le 7 février 2016. Les termes et les conditions de cette reconnaissance dans les deux pays sont largement convergents, ce qui confirme qu'il existe bien, depuis le début années 1990, une interaction permanente entre l'Algérie et le Maroc dans la gestion de la "question berbère". Que faut-il penser de cette "officialisation" algérienne ? – progrès, avancée significative, réorientation de la politique linguistique... ? – ou leurre, gesticulation et manipulation politiques ? On laissera les envolées lyriques sur les "avancées et les acquis" aux naïfs et aux relais officiels et officieux des pouvoirs politiques. Une réponse sérieuse suppose : 1) une analyse du texte constitutionnel, 2) un examen du contexte juridique global, 3) un examen des données factuelles, de la mise en œuvre et de l'impact concret sur le terrain.
1. Le texte de la révision constitutionnelle algérienne : une officialité étrange, contradictoire et "à venir".
L'article 3 bis de la nouvelle constitution énonce : "Tamazight est également langue nationale et officielle". Mais l'article précédent confirme : "L'arabe est la langue nationale et officielle. L'arabe demeure la langue officielle de l'Etat." L'usage de l'article défini ("la langue", en français comme dans la version arabe) exclut toute ambigüité : l'arabe est bien la seule langue officielle de l'Etat. La succession de ces deux articles ne peut que plonger le lecteur dans une profonde perplexité. La notion de "langue officielle" signifie très précisément : "langue de l'Etat et de ses institutions". Si "l'arabe demeure la langue officielle de l'Etat", on ne peut que se demander de quoi et où tamazight serait "langue officielle" ? La formulation est donc incohérente, au minimum sibylline. On peut imaginer que le législateur a voulu signifier par là que tamazight, sans être "langue officielle de l'Etat", pourrait être tolérée, à côté de l'arabe, dans certaines institutions (locales ?), ou bien que les usagers pourraient l'utiliser dans leurs relations avec les institutions d'Etat. Mais il ne s'agit là que d'interprétations, charitables, qui essaient de donner du sens à un texte constitutionnel, censé poser des principes clairs sur lesquels seront basées de dispositions législatives et règlementaires ultérieures... Mais l'incohérence est au cœur même de la nouvelle constitution. Car le préambule – dont il est dit avec force qu'il "fait partie intégrante de la présente constitution" – réaffirme que "l'Algérie est un pays arabe" – on précisera que la version arabe parle même de "terre arabe ('ard arabî)". Voilà donc un "pays arabe" qui a pour langues nationales et officielles l'arabe et tamazight ! Quant à la mise en œuvre de l'officialité de tamazight, la fin de l'article 3 bis précise : – L'Académie algérienne de langue tamazight "... est chargée de réunir les conditions de promotion de tamazight en vue de concrétiser à terme, son statut de langue officielle". "Les modalités d'application de cet article sont fixées par une loi organique." Ainsi, non seulement "l'officialité" de tamazight à côté de l'arabe "langue officielle de l'Etat" est mystérieuse, mais elle est explicitement posée comme "à venir", "à construire", "à définir ultérieurement"... Le parallélisme avec la démarche et la formulation de la constitution marocaine (voir son art. 5) est flagrant. Dans les deux cas, au lieu de poser, comme on l'attend d'une constitution, un principe et un champ clairs d'officialité, on annonce une "officialité à définir" par des lois organiques ultérieures. On rappellera que la constitution marocaine a été promulguée le 1er juillet 2011 et que l'on attend toujours les lois organiques censées fixer les conditions et champs d'application de l'officialité de l'amazighe dans ce pays... On connaissait les "calendes grecques", le Maroc et l'Algérie ont inventé les "calendes berbères".

2. Le contexte juridique et institutionnel
Pour évaluer la portée de cette "officialisation" de tamazight, il convient aussi de la mettre en perspective dans son contexte juridique. On rappellera que tamazight était déjà "langue nationale" depuis la révision constitutionnelle de mai 2002. Or cette disposition n'a eu strictement aucun effet légal ou concret depuis son adoption, il y a plus de treize ans. Bien au contraire, le corpus juridique algérien, loin d'avoir consolidé et précisé le statut de "langue nationale" du berbère, l'a vidé avec constance de toute réalité en réaffirmant à de nombreuses reprises le caractère exclusif de l'arabe dans toutes les sphères publiques : − La loi 91-05 du 16 janvier 1991 portant "généralisation de la langue arabe", après avoir été suspendue pendant plusieurs années, a été confirmée et mise en application le 5 juillet 1998.
Cette loi organise une répression linguistique explicite généralisée : seule la langue arabe est admise dans tous les espaces officiels et publics, y compris politiques et associatifs. Ce texte, toujours en vigueur, est sans doute l'une des lois linguistiques les plus répressives au monde. Orientation confirmée après la révision constitutionnelle de 2002 :
− L'ordonnance 05-07 du 23 août 2005 relative à l'enseignement privé stipule que : "L'enseignement est assuré obligatoirement en langue arabe dans toutes les disciplines et à tous les niveaux d'enseignement."
− La loi 08-09 du 25 février 2008 relative au code de procédure civile et administrative énonce : "Les procédures et actes judiciaires [...] doivent, sous peine d'être irrecevables, être présentés en langue arabe. Les documents et pièces doivent, sous peine d'irrecevabilité, être présentés en langue arabe ou accompagnés d'une traduction officielle. Les débats et les plaidoiries s'effectuent en langue arabe"...
On peut en conclure que l'Etat algérien, en reconnaissant en 2002 tamazight comme "seconde langue nationale" a fait une concession formelle et symbolique à la contestation berbère kabyle ; mais pour le législateur, l'arabe est demeuré la langue exclusive des espaces institutionnels et publics. Concrètement, le statut de "langue nationale" se réduit à la reconnaissance d'une légitimité patrimoniale – le berbère fait partie du patrimoine historique et culturel de l'Algérie − et à la tolérance d'un enseignement facultatif là où une demande existe.
Après cette première expérience de "reconnaissance" de 2002, on peut légitimement penser que la nouvelle "étape", l'officialité de tamazight aura exactement le même impact, c'est-à-dire aucun. Ce qu'annonce a priori expressément l'affirmation selon laquelle "l'arabe demeure la langue officielle de l'Etat".
3. Les données du terrain
Plus pragmatiquement, on peut aussi se demander quels ont été/sont les effets concrets de ce prétendu caractère "national" de la langue berbère reconnu depuis 2002 par la Constitution algérienne ? Sur ce plan, les données sont claires. Le statut "national" du berbère est totalement contredit par la mise en œuvre et les faits :
– "Langue nationale" (de tous les Algériens) dans la Constitution, mais enseignement facultatif ! La contradiction est trop flagrante pour qu'il soit utile de s'y appesantir...
− Les quatre départements universitaires de berbère existants sont tous situés en zone berbérophone : Kabylie ou domaine chaoui.
− L'enseignement du berbère, dont le décret de 1995 prévoyait expressément l'extension à l'ensemble du territoire national, se limite de fait, plus de vingt ans après son lancement, aux seules régions berbérophones : selon les derniers chiffres officiels disponibles (2013), 90% des élèves et des classes sont localisés en Kabylie, le reste dans les autres régions berbérophones, principalement l'Aurès. La rétraction sur les zones berbérophones s'est même accentuée au cours des dernières années.
– Toujours selon les données internes du MEN algérien, cet enseignement touchait en 2013 exactement 234 690 élèves (primaire, collège, lycée) sur une population totale potentiellement concernée de plus de sept millions d'enfants, soit environ 3%...
Tout cela réduit quasiment à néant l'affirmation du caractère "national" de tamazight. De facto, tamazight/amazighe est bien une langue minoritaire à assise régionale. Réalité sociolinguistique d'évidence, que les textes et le discours officiels prétendent non seulement ignorer, mais carrément nier.

Qu'en conclure ?
– Le corpus juridique algérien apparaît comme un assemblage composite et conjoncturel, tissé d'incohérences, mais qui ne renonce pas à son objectif stratégique : l'arabisation. Ce que rappelle lourdement le préambule de la Constitution : "L'Algérie [est] terre d'Islam, partie intégrante du Grand Maghreb, terre arabe, pays méditerranéen et africain...". Ce postulat, qui date de l'adoption de la Constitution en 1996, a été reconduit en 2002, et il est maintenu à l'occasion de la révision de 2016.
– La Constitution n'est pas un texte de référence édictant des principes et valeurs claires dont découleraient un ensemble de dispositions législatives. C'est un texte éminemment politique et conjoncturel, dont la fonction première est de donner à chaque courant idéologique (islamistes, arabistes, berbéristes, "modernistes"...) du "grain à moudre" sous forme de satisfactions symboliques.
– "L'officialité" de tamazight, dans un tel contexte, est évidemment un leurre, de la poudre aux yeux dont la seule fonction est de neutraliser un peu plus les élites berbères, de les couper de tout projet politique berbère en accélérant leur intégration dans un appareil d'Etat qui a programmé depuis longtemps leur phagocytose – au Maroc, on dirait leur "makhzénisation".
Comme dit l'adage kabyle "ur d-ittemɣay usalas deg umagraman !"
S. C.


Cliquez ici pour lire l'article depuis sa source.