Classée patrimoine mondial en 1992, la Casbah d'Alger a bénéficié de sommes faramineuses pour sa réhabilitation. Vingt-cinq ans plus tard, la prise en charge appropriée et surtout à la mesure de la vieille cité n'a pas eu lieu. La question qui s'invite de prime abord est de savoir où sont passés les fonds débloqués à cet important programme, au demeurant très suivi par l'Unesco ? Depuis le fameux gouvernorat du Grand Alger à nos jours, soit près de deux décennies, les opérations effectuées à ce sujet n'ont touché que les repères. Pire, les «maîtres de l'ouvrage» qui se sont succédé ont tous adopté le dicton bien de chez nous «lemzayen men bara…» qui veut dire qu'on s'est occupé de l'extérieur en donnant un coup d'éclat aux façades sans se soucier de l'essentiel. On a cru pourtant que l'aisance financière du début de ce millénaire allait servir la cause de la vieille cité, appuyée en cela par une armada d'associations ayant pour devise l'amour et la sauvegarde de son riche patrimoine culturel. Un engouement s'est alors installé, et dès 2004, une série d'actions d'urgence a été menée par la wilaya d'Alger ayant consisté en l'enlèvement de milliers de tonnes de gravats et autres détritus accumulés depuis de nombreuses années, la réfection de voiries et réseaux divers, l'aménagement des façades d'immeubles, le lancement d'un vaste programme de réhabilitation des bâtisses traditionnelles, et l'éradication du commerce informel aux alentours de la Place des Martyrs. De même, un certain nombre de monuments historiques ont bénéficié de réhabilitations et/ou de restauration comme les palais Dar Essouf, Mustapha-Pacha, Dar El Kadi, Dar Hassan, Dar Aziza, Ahmed-Bey, El Hamra, Khedaouedj El Amia, Bastion 23 ainsi que les mosquées Sidi Ramdane, Ketchaoua (toujours en cours), Ali-Betchine, Essafir, Sidi Mohamed-Cherif, El Barani. On peut aussi citer les mausolées ayant fait l'objet de restauration, comme Sidi Abderrahmane, Sidi Hellal, Sidi Bougdour, Sidi Braham et Sidi Abdallah. Cependant, l'engouement du début a commencé à s'estomper dès 2007/2008 avec l'annonce du plan de sauvegarde du périmètre de la Casbah, décidé suite aux injonctions de l'Unesco à poursuivre le programme de préservation de ce patrimoine culturel mondial. La réhabilitation des «douirate», compte tenu de sa complexité, s'est avéré une opération difficile à mener. Parmi les causes principales, citons la mauvaise volonté des propriétaires. Ces derniers, complices des locataires, ont compliqué davantage le travail des services de la wilaya en matière de relogement. Le programme, souligne-t-on, dédié à la vieille cité aurait pu couvrir la totalité des demandes de logement, voire plus, alors que la wilaya est toujours confrontée à ce problème. L'autre contrainte vient de la situation administrative confuse des «douirate», dont les propriétaires sont, soit morts soit absents du pays, laissant ainsi traîner des litiges entre les héritiers. Durant des années donc, la mise en application du plan de sauvegarde de la Casbah est freinée. Entre temps, les bâtisses prennent un sacré coup de vétusté. Certaines, sous l'effet des intempéries, sont en train de s'écrouler. Sur les 1 200 «douirat»e que comptait El Mahroussa, il n'en reste plus que 600 à la merci des aléas climatiques. Géré jusqu'ici par le ministère de la Culture, ce dossier a été confié par le gouvernement à la wilaya d'Alger. L'une des opérations urgentes pour le wali est de reloger les familles. Mais la mission de réhabiliter la Casbah n'est pas une sinécure pour Abdelkader Zoukh, bien que s'inscrivant dans le cadre du plan stratégique de développement de la capitale dont il a la lourde charge.