Une pénurie de plusieurs médicaments a été confirmée, hier, par des pharmaciens à Alger. Une virée dans quelques officines met à nu le manque, voire l'absence de plusieurs médicaments. Un constat qui dément les déclarations faites dans la matinée d'hier par Lotfi Ben Bahmed, président du Conseil de l'ordre des pharmaciens sur les ondes de la radio nationale. «Il n'y a pas de pénurie de médicaments, mais je reconnais que des problèmes d'indisponibilité sont fortement signalés», a-t-il assuré. Nous avons entamé notre tournée par une pharmacie située en face de la polyclinique de sidi Yahia à Hydra. Une jeune pharmacienne, chimiste de formation, nous a présenté toute une liste de médicaments en rupture de stock. Et cette situation risque selon elle de durer pendant quelques mois! Notre interlocutrice parle d'une panoplie de médicaments absents des étals. «Isoket 10 mg, 20 mg et Spray sont en pénurie depuis 6 mois; Medrol 16 mg 4 mg a connu 8 mois de pénurie. Flixotide 125, 50 et 250 mg sont en rupture depuis 2 à 3 mois et n'existe pas en générique. Stilnox de 5 mois n'existe même pas en générique. Zalerg manque depuis une année, et Vexol depuis 5 mois». La pharmacienne cite également Pyostacine 500 mg, introuvable depuis 3 mois, et bien d'autres médicaments. Concernant les médicaments de traitement de différents cancers et d'oncologie, la jeune femme nous a avoué que «l'Aromasin CP, l'Arimidex CP et le Buprinal injectable sont tout simplement introuvables». La gérante de l'officine nous a dressé un état des lieux concernant la disponibilité des médicaments. Elle affirme que «si vous prospectez, et vous persistez à le faire, chez les grossistes ou les importateurs et même au niveau des laboratoires publics et privés, vous allez vous perdre. Ces derniers nous mentent». Elle joute encore : «nous n'avons pas su quelle piste nous devons suivre pour nous approvisionner en médicaments». Elle ajoute : «Vous vous adressez aux laboratoires, grossistes ou même à un importateur, vous allez être pris dans un cercle vicieux. À titre d'exemple, un grossiste de produits de Sanofi Aventis Algérie vous appelle et vous dit que l'Insuline produite dans ces laboratoires va connaître une pénurie». L'astuce est simple : «Le même grossiste vous propose de prendre un petit quota de 10 boîtes d'insuline, mais en contrepartie, il vous oblige à prendre un autre médicament et en grande quantité». Excédée par ces pratiques, elle s'écrie : «c'est du chantage ! C'est de l'escroquerie !» Dans un autre contexte qui concerne les recrutements dans les officines et la formation des pharmaciens, la même gérante déclare que «seuls deux changements ont été apportés aux règles de recrutement de pharmaciens. Selon mes connaissances, le ministère de la santé a obligé les cliniques privées à recruter des pharmaciens parmi ses employés». Par ailleurs, toute pharmacie doit avoir au minimum un pharmacien doté d'un diplôme de docteur en pharmacie. Répondant à notre question sur les critères et choix appliqués pour le recrutement dans la pharmacie qu'elle gère, la même gérante nous confirme qu'«il est incontestablement impossible de ne recruter que des pharmaciens de formation. Nous avons aussi des chimistes et des biologistes», a-t-elle précisé. Le diktat des grossistes Même constat à Alger-centre où nous avons visité une grande pharmacie qui emploie 15 personnes. «Cette dernière période a été marquée par une pénurie catastrophique. Je vous cite à titre d'exemple Lovenox qui est un médicament de traitement hémostatique indispensable. Cetrotide, la Vitamne D3, Vitamine B12, Permuxon et aussi le Curacné pour les traitements dermatologiques», nous confie une pharmacienne. D'autres médicaments de traitement gynécologique manquent également, ajoute la même pharmacienne, à l'instar du Polygynax, Lysovul et autres produits oncologiques. Le manque touche aussi le médicament Dian 35, Zyretec, la vitamine K qui est obligatoire pour les nouveau-nés. Selon la pharmacienne, la cause de ces pénuries est d'ordre purement commercial. «Ce sont les importateurs et les grossistes qui sont la cause directe du manque de médicaments. Ce sont des lobbies qui cherchent leurs propres intérêts, à savoir l'argent. Ils ne se demandent pas s'il exposent la santé des citoyens au danger», a-t-elle ajouté. Quant au profil des employés de la pharmacie, la jeune pharmacienne affirme que 4 pharmaciens seulement sur les 15 sont des pharmaciens diplômés de la faculté de médecine, alors que les autres sont des biologistes ou des chimistes. Concernant la vente de médicaments sans ordonnance, elle précise : «nous avons le droit de conseiller un médicament ou deux à un patient, sans prescription du médecin, à l'exemple des antibiotiques des anti-inflammatoires et anti-antalgiques. Côté rémunération, notre interlocutrice souligne que «le responsable de la pharmacie préfère donner 30 000 DA à un biologiste que de payer un docteur en pharmacie 60 ou 70 000 DA.» Selon elle, «les pharmaciens de formation ont le droit de percevoir cette somme, mais notre budget ne le permet pas».