Le conférencier, auteur de plusieurs livres sur Krim Belkacem et d'autres figures de la Révolution algérienne ne mâche pas ses mots pour dénoncer l'injustice historique dont est victime le héros exceptionnel de la Guerre d'indépendance. Khalfa Mameri a raconté, lors de cette conférence organisée dans l'après-midi de samedi par la fondation Slimane Amirat au palais de la Culture, le parcours exceptionnel de Krim Belkacem, un homme hors du commun. Le conférencier a structuré son intervention sur trois étapes distinctes. Le premier volet est consacré à la qualité exceptionnelle de Krim Belkacem d'être un des Six historiques qui ont pris la décision du déclenchement de la Guerre de libération nationale, vingt jours seulement avant le déclenchement de la Révolution armée. «C'est une décision incroyable ! C'est un fait unique dans le monde», dit-il. Le conférencier a relevé le fait que la Révolution algérienne est déclenchée sans un chef unique, et a continué ainsi jusqu'à l'indépendance. C'est un fait qui a pesé sur elle durant toute sa durée. Ce qui est un fait unique dans l'histoire des mouvements de libération. L'ex-député du RCD, ambassadeur, ayant occupé plusieurs postes de responsabilités, rappelle le contexte général qui régnait juste avant cette prise de décision. A cet effet, il cite la tenue du 2e congrès du PPA-MTLD au mois d'avril 1953. Messali avait comme objectif de ressusciter l'OS pour préparer la Guerre d'indépendance. Mais le leader du PPA-MTLD avait tout foiré en demandant à son comité central de lui octroyer les pleins pouvoirs. La réunion de ce comité central en novembre de la même année avait signé l'implosion au sein de ce parti. Dans le but de ressouder les rangs des militants algériens pour la cause nationale, il a été procédé à la création du Comité révolutionnaire d'unité et d'action (CRUA). Celui-ci est composé de Mohamed Boudiaf, Mohamed Larbi Ben M'Hidi, Mostefa Ben Boulaïd, Mourad Didouche, Rabah Bitat, qui ont sollicité Krim Belkacem pour représenter la Kabylie. Ce dernier n'a pas hésité à rejoindre ce mouvement salvateur qui a conduit au déclenchement de la Guerre d'indépendance. Victimes d'être Berbères Pour le conférencier, Krim ne peut pas être impliqué dans la mort de l'architecte de la Révolution, Abane Ramdane, dans la mesure où les deux héros ont toujours été d'accord sur tous les plans. «Sans l'accord de Krim, le Congrès de la Soummam n'aurait jamais eu lieu. Abane a toujours été protégé par Krim Belkacem. Abane avait le bouclier protecteur de Krim», déclare Khalfa Mameri. «Absolument rien ne séparait Krim et Abane. Au contraire, tout les réunissait. L'élimination d'Abane entraînait automatiquement l'affaiblissement de Krim», dit-il, en ajoutant que «par la suite, Krim a été éliminé trois fois, de manière arbitraire, de la présidence du GPRA». Le conférencier cite les mémoires de Saâd Dahlab qui parle de ce triste épisode où le Lion du Djurdjura, qui avait tous les avantages et les mérites, plus que tous les autres, pour être propulsé à la présidence du GPRA mais qui fut éliminé pour des calculs inavouables. Le conférencier avoue avec force certitude que Krim a été victime des conséquences de la crise berbériste. «Cette crise, née en 1949, est tapie tout au long de la Révolution et même après. Aujourd'hui encore, cette crise obnubile encore l'Algérie. On a toujours peur du spectre berbère !», lâche-t-il sèchement. Après l'indépendance, le signataire des Accords d'Evian a connu un des sorts les plus dramatiques. Le point noir qui a marqué l'indépendance du pays est le déroulement catastrophique du congrès de Tripoli, qui a vu Ben Bella s'autoproclamer premier Président de l'Algérie indépendante, au détriment des plus méritants. Cette dérive marque encore l'Algérie de nos jours. C'est un constat partagé par l'historien Mohamed Haroun, présent lors de la rencontre. Celui-ci soutient que notre pays «paie encore les conséquences de ce congrès de Tripoli». M. Haroun ajoute que ces héros ont inscrit leurs noms en lettres d'or dans l'histoire éternelle de la nation algérienne. «Il y a de quoi être fou d'être chef de la Wilaya III, et avoir le parcours de Krim Belkacem et d'être confronté à son propre sort après la Révolution !», fulmine Khalfa Mameri. Le conférencier a été chaudement acclamé à la fin de la rencontre à laquelle a pris part la fille de Krim Belkacem, un grand nombre de Moudjahidine et des personnalités nationales.