Une désignation presque attendue. Abdelmadjid Tebboune, désormais ex-ministre de l'Habitat et de l'Urbanisme, remplace Abdelmalek Sellal. Le président Abdelaziz Bouteflika l'a nommé, hier, Premier ministre, «après consultation de la majorité parlementaire» issue des élections législatives du 4 mai. Membre du Comité central (CC) du Front de libération nationale (FLN) qui a obtenu 161 sièges à la Chambre basse du Parlement, Tebboune devra donner un cachet purement politique au prochain Exécutif, lequel devra gérer une période difficile sur le plan économique, avec une crise aux horizons flous. Mais aussi politique, puisque le gouvernement est l'émanation même d'une majorité mal élue, comme l'indique bien ce très faible taux de participation de 35.37% aux législatives. Il semblerait que cette donne exigeait un autre profil que celui qu'a renvoyé Sellal durant 5 ans. Diplômé de l'Ecole nationale d'administration (ENA) en 1969, le nouveau chef de l'Exécutif reflète l'homme de terrain, celui qui travaille beaucoup et parle peu. Sa réussite à gérer l'un des plus grands chantiers, si ce n'est le premier, du président Abdelaziz Bouteflika, le logement en l'occurrence, lui a valu, malgré les retards et les promesses parfois non tenues, bien des mérites. D'ailleurs, en mars 2016, le chef de l'Etat l'a décoré, au même titre que le wali d'Alger, Abdelkader Zoukh (qui peut être promu ministre à son tour), de la plus haute distinction, l'Ordre du mérite national, et ce, «pour son parcours et sa gestion du secteur de l'Habitat». Une récompense qui, faut-il le dire, l'a élevé au statut de ministre pas comme les autres. Et c'est à partir de là que cet homme qui aura entamé sa carrière politique à l'âge de 30 ans (né le 17 novembre 1945 à Mécheria, Naâma), en étant dès 1975 secrétaire général de la wilaya de Djelfa, va être sur le devant de la scène. Beaucoup d'observateurs l'avaient annoncé comme le successeur de Abdelmalek Sellal. Moins d'une année après, le rêve devient réalité. Abdelmadjid Tebboune est bel et bien Premier ministre. Un ministre, un statut Lui aussi, depuis cette distinction, et après avoir été chargé en janvier 2017 par Bouteflika d'assurer l'intérim du ministère du Commerce une semaine avant le décès de Bakhti Belaib, ne se gênait pas pour parler en dehors des «frontières» de l'Habitat, de l'Urbanisme et du Commerce. Durant le même mois, Tebboune n'a pas hésité à parler de sites étrangers qui visaient «la déstabilisation de l'Algérie», et parmi les accusés se trouve la journaliste d'origine algérienne de la chaîne qatarie Al Jazeera, Khadidja Benguena. «On commence par dire que les caisses sont vides, que la crise pointe son bout du nez, qu'il n'y aura plus de programmes de logements. Même les protestations au niveau des daïras obéissent aux règles de manipulation des masses», avait-il critiqué. Dernière sortie inattendue en date du ministre au «statut particulier» la semaine dernière, lorsqu'il s'en prendra vertement au ministre des Finances, Hadji Baba Ammi, l'accusant d'être «responsable du blocage du financement» des programmes de logements - de quoi s'attendre à l'éjection du grand argentier du pays. Le communiqué du département de l'Habitat a été tellement virulent que l'on ne croirait jamais qu'il s'agissait d'un ministre qui blâmait un confrère. Le fait que Baba Ammi n'ait pas réagi prouvait aussi que Tebboune était destiné à un tout autre avenir. Une longue expérience Gestionnaire chevronné des affaires publiques, le nouveau Premier ministre a occupé le poste de secrétaire général des wilayas de Djelfa, Adrar, Batna et M'Sila de 1975 à 1983, avant d'être wali d'Adrar (1983-1984), de Tiaret (1984-1989) et enfin de Tizi Ouzou (1989-1991). Après un bref passage dans les gouvernements Ghozali I et II comme ministre délégué aux collectivités locales, il disparaît de la scène avant que Bouteflika, arrivé au pouvoir en 1999, ne le rappelle. Après une année (2000-2001) à la tête du ministère délégué auprès du ministre de l'Intérieur, chargé des Collectivités, et une autre (2001-2002) comme ministre de l'Habitat et de l'Urbanisme, Tebboune ne reviendra qu'en septembre 2012 dans le gouvernement Sellal I pour reprendre le même département. Il survivra à trois remaniements (2013, 2014 et 2015) et restera en charge de l'Habitat et de l'Urbanisme jusqu'à ce 24 mai 2017. Avec son prédécesseur, Tebboune a eu une histoire de passe d'armes. En novembre dernier, le Premier ministre avait ordonné aux walis et au département de l'Habitat le prolongement des délais d'application de la loi 15-08 portant mise en conformité des constructions inachevées, alors que son ministre ne cessait de menacer que la loi allait être appliquée à l'égard des contrevenants. L'heure de la revanche a sonné ! Abdelmalek Sellal : «bonne chance» Le premier ministre sortant a assuré via les réseaux sociaux (Tweeter et Facebook) que son successeur, Abdelmadjid Tebboune est «capable» avant de lui souhaiter «bonne chance». «La mission que m'a confiée le Président de la République, Son Excellence Abdelaziz Bouteflika, le 03 septembre de l'An 2012 vient de s'achever. A mon ami Abdelmadjid Tebboune, j'ai transmis le flambeau. Il a les capacités de réussir. Je lui souhaite bonne chance», a écrit Sellal qui n'a pas oublié de remercier, également, les membres et cadres du gouvernement auxquels il a transmis ses remerciements et encouragements. Mais la «gratitude» revient surtout aux yeux de Sellal, au chef de l'Etat. «Mais ma profonde gratitude et estime va au Président Abdelaziz Bouteflika qui m'a tant fait confiance et qui a tout donné pour que l'Algérie vive éternelle», écrit encore Sellal qui n'omet pas aussi de louer son propre parcours. «Léger est mon souffle car ma vie durant je n'ai eu de cesse que de faire du bien et éloigner la haine pour rapprocher les cœurs. Que Dieu bénisse l'Algérie. Bon Ramadhan. Merci», a conclut le désormais ex-Premier ministre. Passation de consignes aujourd'hui M. Abdelmadjid Tebboune, nommé hier au poste de Premier ministre, prendra officiellement ses nouvelles fonctions aujourd'hui lors d`une cérémonie de passation des pouvoirs avec son prédécesseur, Abdelmalek Sellal, annoncent les services du Premier ministère. M. Tebboune a été nommé par le président de la République au poste de Premier ministre en remplacement de M. Sellal qui a présenté sa démission. «A la suite de la proclamation par le Conseil constitutionnel des résultats définitifs des élections législatives et de l'installation de la huitième législature de l'Assemblée populaire nationale, M. Abdelmalek Sellal, Premier ministre, a présenté ce jour à son excellence, M. Abdelaziz Bouteflika, président de la République, sa démission et celle de son gouvernement», avait indiqué la présidence de la République dans un communiqué. «Conformément à l'article 91, alinéa 5 de la Constitution, M. le président de la République a, après consultation de la majorité parlementaire, nommé M. Abdelmadjid Tebboune, Premier ministre», avait précisé le communiqué.