Inédit ! 48 heures après sa nomination, le ministre du Tourisme et de l'Artisanat, Messaoud Benagoun, a été limogé par le président de la République. Du jamais vu dans les annales politiques en Algérie. Le président Bouteflika a pris sa décision «sur proposition» du Premier ministre, Abdelmadjid Tebboune. Le désormais ex-successeur d'Abdelwahab Nouri aurait «un CV noir». Outre le fait qu'il n'ait jamais occupé une fonction de sa vie, Benagoun, âgé de 32 ans, aurait un casier judiciaire entaché de condamnations dont une à six ans de prison. Dans un communiqué diffusé hier via l'agence APS, la présidence de la république a annoncé que «conformément aux dispositions de l'article 93 de la Constitution et sur proposition de M. Abdelmadjid Tebboune, Premier ministre, son excellence Monsieur Abdelaziz Bouteflika, Président de la République, a démis ce jour, M. Messaoud Benagoun de ses fonctions de ministre du Tourisme et de l'Artisanat». Selon la chaîne Ennahar TV, «ce sont les services de sécurité qui, après enquête, ont averti la présidence de ces détails». Jamais dans les annales politiques de l'Algérie, un membre du gouvernement n'a été limogé deux jours après sa nomination. Bien avant cette décision, des internautes s'étaient interrogés, à travers les réseaux sociaux, sur les critères qui ont conduit au choix de Benagoun. Un jeune sans aucune qualification ni expérience et dont le diplôme de licence aurait été obtenu de manière frauduleuse. Connu des milieux estudiantins pour avoir toujours été dans les organisations satellites, d'abord au FLN, puis au MPA, le ministre dont le règne n'a pas dépassé les 48 heures a été proposé à Tebboune par Amara Benyounès, lequel l'avait présenté comme étant «une compétence». C'en n'était pas une, semble-t-il, M. Benyounès ! Candidat tête de liste du parti à Batna lors des législatives du 4 mai, il n'est même pas parvenu à arracher un seul siège, bien qu'il y en eût 14 en jeu pour cette circonscription. Jusqu'à la veille de sa nomination, le désormais ex-ministre du Tourisme occupait une chambre dans l'ancien siège de l'Office national des œuvres universitaires (Onou) à Dely Ibrahim. Cependant, si le chef du MPA a choisi le mauvais exemple pour le représenter au sein de l'Exécutif, beaucoup et surtout de légitimes interrogations entourent sa nomination le 25 mai dernier. Comment le passé du «jeune diplômé» a-t-il pu échapper aux responsables sur toute l'échelle menant jusqu'au Palais d'El Mouradia ? A-t-on caché volontairement des points noirs dans son dossier ? Ou encore, y a-t-il eu volonté de créer le scandale pour décrédibiliser le gouvernement Tebboune ? Les jours à venir pourraient apporter quelques éclaircissements. Hier, nos tentatives de joindre le président du MPA sont restées vaines. Après ce précédent, c'est tout le processus de nomination des ministres et les critères selon lesquels sont choisies les personnes ministrables qui sont remis en cause. Devient-on ministre de la République pour ses compétences ou pour ses allégeances ? Une autre question qui reste posée. En tout cas, l'occasion aura été donnée, encore une fois, à des partis politiques de l'opposition de tirer sur le pouvoir. Abderrezak Makri, président du MSP dont le conseil consultatif avait décliné l'offre de Bouteflika de rejoindre le gouvernement, estime qu'il s'agit d'«un scandale d'Etat». «Cela reflète le processus de décomposition dont nous avons averti il y a quelques années déjà», écrivait hier Makri sur sa page facebook, quelques instants après le communiqué de la Présidence. Ce scandale n'est pas la maladie, a-t-il ajouté, «mais l'un des symptômes d'une dangereuse maladie qui a atteint l'Algérie».