rois millions d'Algériens sont attendus cet été en Tunisie. Enorme ! Le drame est qu'on présente la chose avec une sacrée dose de fierté. Mais quelle fierté, grand Dieu, pouvons-nous éprouver à «exporter» autant de compatriotes et surtout de devises en ces temps de crise financière aiguë ! C'est à tomber à la renverse face à une telle «logique» économique qui tente maladroitement de tirer gloire d'une moins-value pour le pays… Il serait facile de jeter la pierre à ces milliers, voire ces millions d'Algériens qui veulent s'offrir une place au soleil dans un ailleurs meilleur. Le problème n'est pourtant pas là. Ils auraient certainement aimé passer leurs vacances ici, chez eux, dans cet immense pays que le monde entier nous envie pour ses plages, ses montagnes, sa nature et, par-dessus tout, sa grande diversité. Mais où aller ? L'Algérie est-elle vraiment un pays de tourisme ? Une destination qui fait rêver les nationaux avant les étrangers ? La réponse est certainement dans la question. Si nos touristes préfèrent faire quelques économies durant l'année pour se permettre une escapade en Tunisie ou en Turquie, c'est qu'il doit bien y avoir une raison. L'offre touristique en termes d'infrastructures est presque anecdotique par rapport à ce que propose un petit pays comme la Tunisie. Le parc hôtelier reste très largement en deçà des normes qui font d'un pays une destination touristique. En quantité et en qualité. Et puis, le tourisme, c'est avant tout une tradition, une culture et désormais un moteur de croissance économique qui stimule très fortement le développement d'un pays. Or, comment attirer des touristes chez nous quand on n'a pas grand-chose à leur offrir, pas même l'hospitalité qui est l'alpha et l'oméga de ce métier ? Plus encore, parfois on se surprend à faire la promotion des destinations étrangères au détriment de quelques produits encore concurrentiels disponibles en Algérie. Faut-il souligner ici l'appel solennel lancé par un ministre de la République il y a quelques années aux touristes Algériens d'«envahir» la Tunisie pour sauver sa saison dans le sillage de l'attentat qui avait ciblé la station balnéaire de Hammamet ! C'était la pire des choses qu'un responsable du secteur pouvait commettre contre les intérêts et le prestige de son propre pays. A quoi bon confier en effet un secteur aussi stratégique à quelqu'un dont la seule feuille de route est d'ouvrir… la route aux touristes algériens vers un pays étranger, fût-il frère ? Hier encore, on nous annonçait que les services des douanes promettent de faciliter les formalités de passage aux frontières aux Algériens désirant se rendre en Tunisie. Faut-il alors s'étonner de ce que les agences de voyages affichent complet pour des vacances dans ce pays ou en Turquie ? La promotion du tourisme local est aujourd'hui, en plus d'être un besoin social et culturel, une nécessité économique. C'est un secteur à très forte valeur ajoutée pour peu qu'on se donne les moyens d'y parvenir. Mais surtout, qu'on se débarrasse de nos rapports compliqués à l'égard de l'étranger. N'est pas hôtelier qui veut. La stratégie de développement de ce secteur doit reposer sur la formation d'un personnel qualifié, capable de mieux vendre la destination Algérie. Mais auparavant il y a des prérequis sans lesquels il est illusoire d'espérer le renouveau. Ce n'est pas avec des salons du tourisme destinés à décliner les offres venues d'ailleurs qu'on pourra construire notre destination. C'est un chantier d'Hercule qui attend les pouvoirs publics dans le processus de mise à niveau des infrastructures existantes qui épousent les standards internationaux. On pourra déjà commencer par nommer un ministre du Tourisme pour ne pas laisser ce secteur en… vacances.