Sitôt rentré de son congé, Abdelmadjid Tebboune est limogé. Le président de la République, Abdelaziz Bouteflika, a mis fin, hier, à ses fonctions de Premier ministre, et nommé au même poste Ahmed Ouyahia qui, jusque-là, était directeur de cabinet à la présidence de la République. «En application de l'article 91, alinéa 5 de la Constitution, Son Excellence M. Abdelaziz Bouteflika, président de la République, a mis fin, ce jour, aux fonctions de Premier ministre, exercées par M. Abdelmadjid Tebboune», indiquait dans l'après-midi d'hier, un communiqué de la présidence, relayé par l'agence officielle. Le chef de l'Etat a, «en application des mêmes dispositions constitutionnelles, et après consultation de la majorité parlementaire», précise encore la même source, «nommé M. Ahmed Ouayhia, Premier ministre». Une crise, un homme. Le secrétaire général du RND est donc rappelé pour diriger l'Exécutif pour la quatrième fois. Lui qui s'est toujours revendiqué être «un commis de l'Etat» et quelqu'un qui «ne refuse jamais l'appel de la patrie». Sa nomination intervient au moment où le maintien d'Abdelmadjid Tebboune en poste devenait quasiment impossible. Cela rappelle d'ailleurs l'épisode du limogeage, en 2003, d'Ali Benflis, alors chef de gouvernement, et son remplacement par ce même Ouyahia. A l'époque, le courant ne passait plus entre le président et Benflis que le 8e congrès du FLN venait d'élire secrétaire général pour un mandat de cinq ans. Avec son renvoi, Abdelmadjid Tebboune bat tous les records pour un Premier ministre débarqué moins de trois mois seulement après sa nomination. Dans les coulisses, on dit qu'«il a tellement accumulé les erreurs et créé une confusion généralisée qu'il n'a plus de crédibilité ni d'autorité à faire valoir sur ses ministres». Le 8 août dernier, et alors qu'il se trouvait encore en congé, Abdelaziz Bouteflika lui a adressé des instructions sous forme de rappel à l'ordre. Le chef de l'Etat a appelé le gouvernement à «mettre fin à l'anarchie née des dernières initiati- ves», dans une allusion aux mesures prises pour réduire la facture de l'importation. Le président s'était montré «agacé», selon les termes des instructions rapportées par une chaîne TV privée, - confirmées par la suite par Djamel Ould Abbès, secrétaire général du FLN-, par «le harcèlement contre des hommes d'affaires». Un recadrage en règle comme il n'y en a jamais eu pour un Premier ministre fraîchement nommé. Tebboune qui s'est constitué une image en prônant le fameux slogan de «séparation de l'argent de la politique» est désavoué. Sa feuille de route ne semble pas suivre l'esprit et les orientations de celui qui l'a désigné pour conduire le bateau dans une situation où l'Algérie a plus que jamais besoin de tous ses enfants et surtout de ses forces productives. Un «acte» de… décès ! Autre détail important, c'est que ce recadrage est venu au lendemain d'une réunion que le désormais ex-Premier ministre a tenue en France avec son homologue Edouard Philippe, à l'Hôtel Matignon. Une rencontre «informelle», avaient précisé les services du Premier ministère dans un communiqué. Mais, bien qu'il soit programmé avant son départ d'Alger, ce tête-à-tête semble avoir irrité au plus haut point, vu les principes sur lesquels repose la relation entre l'Algérie et la France et les mécanismes qui définissent la coopération. Les rencontres informelles n'ont pas de place, comme l'a si bien précisé Abdelkader Messahel, ministre des AE, lors d'une rencontre avec la presse. Et c'est là que Tebboune qui, en quittant Alger, avait laissé derrière lui une situation de grande confusion après avoir ouvert un front avec les partenaires du Pacte économique et social, a aggravé son cas. En l'espace de moins de trois mois, il a prouvé tout le contraire de sa «fidélité» qu'il crie envers le président de la République, sur le plan de l'orientation politique et économique et sur le plan des règles de conduite. Sa nomination le 24 mai dernier en remplacement d'Abdelmalek Sellal avait été, pourtant, bien accueillie, surtout qu'il s'agissait d'un homme décoré de l'Ordre du mérite national pour sa bonne gestion de l'épineux dossier du logement depuis des années. Mais cet ancien ministre de l'Habitat, visiblement pas fait pour diriger un gouvernement, ne tardera pas à signer sa mort en accumulant bourde après bourde. A Ahmed Ouyahia désormais, habitué à gérer des situations de crise, de rattraper vite le temps perdu par son prédécesseur…