Le constat établi par Ahmed Ouyahia dans son plan d'action sur la situation actuelle des finances publiques est critique, voir même catastrophique. Le nouveau premier ministre tire la sonnette d'alarme et n'écarte pas «la faillite de l'Etat» si l'on ne prend pas les mesures qui s'imposent pour redresser la situation. En effet, le nouveau Plan d'action du gouvernement rendu public, jeudi, sur le site web officiel du premier ministre évoque une situation financière préoccupante. Le gouvernement a tenu à fournir des indications sur la situation financière du pays, les risques qu'elle véhicule et sur les solutions pour y faire face. En premier lieu, le gouvernement reconnaît que «la crise financière qui découle d'une chute brutale des prix des hydrocarbures sur le marché international s'annonce durable, car rien ne prévoit, à court et moyen terme, un redressement sensible des prix du pétrole». Dans ce contexte, l'Algérie enregistre un important déficit commercial (plus de 20 milliards de dollars en 2016), et un déficit continu de la balance des paiements (plus de 26 milliards dollars à fin 2016). Sur le plan extérieur, l'Algérie demeure, selon la feuille de route d'Ahmed Ouyahia, économiquement souveraine grâce aux réserves de change accumulées durant les années passées. Toutefois, ces réserves de change fondent sans cesse, passant de 193 milliards de dollars en mai 2014 à 105 milliards de dollars en juillet 2017. Au niveau intérieur, la situation des finances publiques est également préoccupante. Le premier ministre a souligné à ce propos le recul de la fiscalité pétrolière qui a généré des déficits budgétaires répétés, entraînant la consommation de la totalité de l'épargne du Trésor qui était logée au Fonds de régulation des recettes (FRR) épuisé en février 2017. Il précisera que le Trésor a eu également recours à d'autres ressources complémentaires ces deux dernières années, notamment l'emprunt obligataire national et un emprunt extérieur auprès de la Banque Africaine de Développement, pour l'équivalent d'une centaine de milliards DA. La situation demeure donc, selon le premier ministre, extrêmement tendue au niveau du budget de l'Etat. «L'année 2017 sera clôturée avec des difficultés réelles, alors que l'année 2018 s'annonce plus complexe encore», a-t-il souligné. En l'absence de solutions, des risques réels pèsent sur le pays. Le gouvernement n'écarte pas «une incapacité à assurer la dépense publique, avec des conséquences économiques, sociales et même politiques périlleuses», ou alors, un processus de perte de souveraineté économique, se traduisant par un recours massif à l'endettement extérieur. A moyen terme, Ahmed Ouyahia prévoit carrément «une incapacité à honorer le servi de la dette, entraînant le recours aux institutions financières internationales en contrepartie de mesures économiques et sociales draconiennes. L'Algérie a déjà vécu cette situation dans les années quatre vingt dix», nous rappelle-t-il. Comment y faire face ? Tout en dressant ce constat accablant, Ahmed Ouyahia fait des propositions pour éviter ces scénarios catastrophiques. Se référant aux instructions du Président de la République notamment celles émises lors du Conseil des Ministres en août 2016, sur la démarche budgétaire destinée à restaurer, à moyen terme, l'équilibre des finances publiques, sans le recours à l'endettement extérieur, le gouvernement veut promouvoir à titre exceptionnel, des financements internes non conventionnels, qui pourraient être mobilisés pendant une période de transition financière. La feuille de route pour le redressement des finances publiques comprend ainsi plusieurs instruments. Outre la réforme de l'administration fiscale pour améliorer les recouvrements, une gestion pluriannuelle du budget de l'Etat ainsi qu'une rationalisation des dépenses publiques, limitant les dépenses de fonctionnement au maximum, au niveau des recettes de la fiscalité ordinaire uniquement sont préconisées. La réforme de la politique des subventions publiques et la mobilisation d'un financement interne non conventionnel font partie des propositions du gouvernement. S'agissant du financement non conventionnel, Ahmed Ouyahia a estimé que les puissances occidentales ont eu recours çà ce type de financement, qui consiste pour le Trésor public à emprunter directement auprès de la Banque centrale, afin de permettre aux Pouvoirs publics d'éviter un effondrement de l'économie, et de maintenir la dynamique de la croissance. L'introduction du financement non conventionnel est prévue dans le projet de Loi portant amendement de la Loi sur la Monnaie et le Crédit adopté mercredi dernier par le Conseil des ministres. «Le financement non conventionnel sera mis en œuvre à titre exceptionnel, pour une période transitoire de 5 années, et permettra au Trésor d'emprunter directement auprès de la Banque d'Algérie, pour faire face au déficit budgétaire, convertir certaine de ces dettes contractées auprès de Banques ou d'entreprises publiques, et alimenter le Fonds National de l'Investissement de sorte qu'il puisse concourir au développement économique», lit-on dans le document. Le Premier ministre se donne un délai de 5 ans pour rétablir l'équilibre budgétaire.