Le franc-parler et les vérités d'Ahmed Ouyahia, hier, devant les députés à l'occasion de la présentation du plan d'action du gouvernement, n'ont pas convaincu les partis de l'opposition siégeant à la chambre basse du Parlement. Alors que le soutien du FLN, du MPA et de TAJ qui voteront, jeudi prochain, et sans surprise, la feuille de route du Premier ministre, est acquis, l'opposition, elle, compte résister et profiter de la tribune qu'offrent les débats pour démasquer les failles et les tares du pouvoir et des gouvernements successifs. C'est, en somme, le discours qui revenait chez les représentants des partis approchés en marge des travaux de la séance. Le président du RCD estime que la franchise du Premier ministre «n'est destinée à rien d'autre qu'à faire passer toutes les mesures contenues dans son plan d'action». Mohcine Belabbas fait référence surtout à la planche à billets que consacrera la révision de la loi sur la monnaie qui, de son avis «est la création d'une fausse monnaie» et dont les conséquences se résument en «la dévaluation du dinar qui a déjà perdu 30% de sa valeur, et dans l'explosion de l'inflation». Le député RCD d'Alger appelle Ouyahia, qu'il accuse de «marchander à travers le mensonge face au peuple» à «se rapprocher de l'opposition et des partenaires sociaux, notamment les syndicats autonomes, pour réinstaurer la confiance». Au FFS, on est carrément dans une autre voie critique qui prend l'analyse de la situation politique du pays dans son ensemble. Djamel Bahloul, rejetant «le diagnostic de crise conjoncturelle et financière», défendu par le pouvoir, estime que «la crise est politique, de confiance et une crise structurelle». En réponse à l'appel au dialogue lancé par Ahmed Ouyahia, le député FFS de Bouira pense que «les solutions doivent être définitives pour passer d'une étape à une autre. C'est-à-dire une deuxième République». Un objectif à atteindre à travers «la reconstruction du consensus national», défend Bahloul. Pour ce qui est du volet économique du plan d'action, notre interlocuteur s'est montré étonné de l'argumentaire d'Ouyahia qui a cité des pays développés ayant recouru à la planche à billets. «La comparaison avec les USA, l'Allemagne ou le Japon n'a pas lieu d'être, car il s'agit là de pays qui produisent de la richesse, contrairement à l'Algérie», a-t-il dit. Craintes... De leur côté, les partis islamistes mettent en garde contre les conséquences de la mesure de recours au financement non conventionnel, doutant au passage de la volonté du gouvernement de dialoguer avec l'opposition. Nacer Hamdadouche, chef du groupe parlementaire du MSP, est catégorique : «être franc et dire les vérités ne servent pas l'économie (...) Ce que propose le Premier ministre ne règlera pas la crise. Bien au contraire, ce sont des mesures dénuées de volonté politique d'aller vers un dialogue politique, économique et social associant l'ensemble des partenaires». Le gouvernement, ajoute Hamdadouche, «est fidèle à ses traditions de dialogue avec lui-même en imposant le fait accompli à travers la dictature de la majorité». Si aujourd'hui, nous évitons l'endettement extérieur, le député du MSP n'écarte pas les risques de l'endettement interne qui «peut nous obliger dans l'avenir à y recourir avec des conditions difficiles pour l'Algérie». Qualifiant la révision de la loi sur la monnaie de «solution de facilité», Lakhdar Benkhellaf, chef du groupe parlementaire de l'Union Ennahda-Adala-Bina, pense que «nous sommes tombés dans un pièges, où le gouvernement se retrouvera toujours dans l'obligation d'imprimer davantage de billets, au risque d'incapacité à payer les salaires des fonctionnaires». Pourtant, il y a bien d'autres solutions. Benkhellaf s'interroge notamment sur «le volume de l'évasion fiscale, l'argent du circuit informel et les crédits accordés à l'ère de l'embellie financière». Autant de voies «alternatives», de son point de vue, qui peuvent nous éviter la planche à billets. «Nous craignons que la valeur du papier avec lequel on imprime les billets soit, un jour, supérieure à celle du dinar», avertit le député islamiste. Soutien «conditionné» du FLN et des indépendants Pour leur part, les députés indépendants, bien que divisés sur l'argumentaire d'Ahmed Ouyahia, jugent qu'il est encore temps de faire sortir le pays de la crise en laissant de côté les calculs politiques. «Certes, le Premier ministre a eu le courage politique de reconnaître la difficulté de la situation, mais ce n'est pas à l'administration de trouver des solutions», soutient Mohamed Lamine Osmani, chef du groupe parlementaire des indépendants. Il pense qu'il y a lieu d'associer toutes les forces vives, notamment «les experts qui détiennent tous les paramètres, pour tracer des politiques avec un esprit mathématique». Enfin, le premier parti majoritaire de l'APN est totalement favorable au plan d'Ouyahia, tout en incitant ce dernier à trouver des solutions durables. «Nous soutenons la décision du président qui a exclu tout recours à l'endettement extérieur pour ne pas mettre en péril notre souveraineté économique», a déclaré Abdelhamid Si Afif, estimant que le financement non conventionnel «vise à maintenir la dynamique du développement et de l'investissement». Seulement, «la responsabilité du gouvernement est engagée. Il doit chercher un autre mode de financement durable pour l'économie nationale et explorer des créneaux créateurs de richesse et de postes d'emploi», tranche le député du FLN.