Une guerre du visa oppose Washington et Ankara, après un désaccord politique qui dure depuis quelques mois. Washington a suspendu la délivrance de visas pour la Turquie, hormis ceux pour l'émigration. La Turquie a exhorté, hier, les Américains à annuler leur décision. Les autorités turques ont demandé la levée de cette décision à l'occasion de la convocation du numéro deux de l'ambassade des Etats-Unis à Ankara, selon l'agence de presse progouvernementale Anadolu. Les Américains ont suspendu dimanche leurs services de délivrance des visas de leurs missions en Turquie, à l'exception des visas d'immigration, quelques jours après l'arrestation d'un employé turc du consulat américain à Istanbul sur des accusations d'«espionnage». En réaction à la suspension par Washington de la délivrance des visas, la Turquie a à son tour suspendu dimanche la délivrance des visas sur son territoire pour les Américains. Cette guerre des visas survient après des mois de dissensions croissantes entre Ankara et Washington, liées notamment à des désaccords sur la Syrie, l'arrestation d'un pasteur américain et la demande d'extradition d'un prédicateur musulman accusé par la Turquie d'avoir orchestré le coup d'Etat raté de juillet 2016. En parallèle, la coopération engageant la Turquie et la Russie s'est spectaculairement réchauffée et ces pays, qui ont récemment conclu un important contrat d'armement, coopèrent étroitement sur la Syrie. La précédente crise d'une telle ampleur opposant Washington et Ankara, remontait à 1974, avec l'invasion militaire turque de Chypre Nord. Washington et Ankara sont confrontés à une crise politique depuis le coup d'Etat raté de 2016. Ankara reproche à Washington de ne pas avoir dénoncé le coup d'Etat. La coopération engageant Ankara et Moscou ne plait également pas à Washington. L'Iran, la Turquie et la Russie coopèrent pour l'instauration de la paix en Syrie, tandis que Washington dirige une coalition accusée d'avoir perpétré de nombreux massacres contre les civils, en Irak et Syrie. L'étincelle a été cette fois l'interpellation pour «espionnage», mercredi dernier, d'un employé turc du consulat américain accusé d'être lié au prédicateur Fethullah Gülen, qui s'est exilé en Amérique et qu'Ankara accuse d'être le cerveau du coup d'Etat manqué. Sans explicitement mentionner cette affaire, l'ambassade des Etats-Unis, qui a annoncé la suspension des visas, a noté que le gouvernement était forcé de réévaluer l'engagement de la Turquie à l'égard de la sécurité des services et du personnel des missions diplomatiques. Le ministre turc de la Justice Abdulhamit Gül a noté, concernant l'interpellation: La Turquie a le droit de juger un citoyen turc pour des activités menées en Turquie. Cette dernière arrestation suit celle d'un employé turc du consulat américain à Adana en mars pour avoir soutenu le Parti des travailleurs du Kurdistan, PKK, indépendantistes kurdes. La région d'Adana abrite la base aérienne américaine d'Incirlik, où sont entreposés des dizaines de missiles nucléaires américains et qui sert de plaque tournante aux actions en Syrie. Cette crise consulaire inédite survient après des mois de disputes sur plusieurs fronts, à commencer par la Syrie, où la Turquie reproche aux Etats-Unis d'appuyer des milices kurdes qu'elle considère comme terroristes. Autre sujet de discorde, l'extradition du prédicateur Gülen réclamée, sans succès, par Ankara depuis le coup d'Etat raté. La Russie, la Turquie, l'Iran et le Hezbollah accusent Washington de soutenir Daech. Un deuxième employé du consulat américain convoqué Un procureur turc a convoqué un employé du consulat général des Etats-Unis à Istanbul pour l'interroger, en pleine crise diplomatique après l'inculpation d'un de ses collègues, a rapporté hier, l'agence de presse progouvernementale Anadolu. Cette convocation, à laquelle l'employé en question du consulat ne s'est pas encore présenté, survient en plein pic de tensions entre la Turquie et les Etats-Unis depuis l'inculpation mercredi pour «espionnage» d'un de ses collègues par la justice turque. En réaction, Washington a suspendu dimanche l'essentiel des services de délivrance des visas en Turquie, une mesure à laquelle Ankara a répliqué en annulant ses propres services de visas aux Etats-Unis. Plusieurs médias turcs avaient annoncé lundi qu'un deuxième employé du consulat américain à Istanbul était visé depuis dimanche par un mandat d'arrêt, mais Anadolu, citant le procureur général d'Istanbul, fait état pour le moment d'une «convocation». Le journal Hürriyet a écrit dans la matinée que l'employé en question s'était réfugié au consulat des Etats-Unis à Istanbul. La «guerre des visas» entre la Turquie et les Etats-Unis survient après des mois de tensions croissantes entre ces deux pays partenaires au sein de l'Otan, en raison notamment de désaccords sur le dossier syrien et de plusieurs affaires judiciaires aux Etats-Unis impliquant notamment des gardes du corps du président Recep Tayyip Erdogan et un ancien ministre turc. Par ailleurs, la Turquie réclame, sans succès, l'extradition du prédicateur Gülen, qui s'est exilé aux Etats-Unis à la fin des années 1990 et qui nie toute implication dans le putsch avorté du 15 juillet 2016. En mars, un employé turc du consulat américain à Adana (sud) avait été arrêté, accusé d'avoir soutenu le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, séparatistes kurdes), une organisation classée «terroriste» par Ankara, Washington et l'Union européenne.