Le prince héritier saoudien accuse Téhéran d'«agression militaire directe» Rien ne va plus dans le Golfe. L'escalade entre les pays de la région va crescendo. Si pour l'instant l'Arabie saoudite se contente de mener la guerre des mots à son voisin, ennemi juré, l'Iran, rien n'exclut à l'avenir de voir ces échanges musclés prendre une autre tournure. Le prince héritier d'Arabie saoudite, déjà occupé sur de nombreux fronts dont une purge anticorruption inédite, s'est brusquement immiscé mardi dans la guerre des mots avec l'Iran, qu'il a accusé «d'agression directe» dans le cadre du conflit au Yémen. « L'implication de l'Iran dans la fourniture de missiles aux (rebelles yéménites) Houthis est une agression militaire directe par le régime iranien et pourrait être considérée comme un acte de guerre contre le royaume », a déclaré Mohammed ben Salmane, cité par l'agence officielle saoudienne SPA. Lundi, déjà, l'Arabie saoudite sunnite et l'Iran chiite -les deux grands rivaux du Moyen Orient-, avaient échangé de violentes accusations à propos du Yémen, pays en guerre où ils soutiennent des camps opposés. La tension est montée d'un cran après l'interception samedi soir au-dessus de la capitale saoudienne d'un missile balistique tiré par les rebelles chiites houthis soutenus par l'Iran. Des débris de l'engin sont tombés dans le périmètre de l'aéroport international de Riyad, soulignant les risques pour le trafic aérien civil. L'Arabie saoudite a directement accusé l'Iran d'avoir fourni ce type de missiles aux rebelles. Téhéran, qui nie toute aide militaire aux Houthis, a démenti, accusant à son tour Riyad de «crimes de guerre» au Yémen. Depuis mars 2015, Riyad est à la tête d'une coalition de pays sunnites aidant les forces gouvernementales yéménites dans leur guerre contre les Houthis et leurs alliés, maîtres de la capitale Sanaa depuis septembre 2014. Le conflit a fait plus de 8.650 morts et quelque 58.600 blessés, dont de nombreux civils, et provoqué «la pire crise humanitaire au monde», selon l'ONU. Le prince Mohammed, également ministre de la Défense, est considéré comme l'inspirateur de l'intervention saoudienne au Yémen. La polémique autour du tir de missile risque d'exacerber les tensions et de donner lieu à une escalade régionale, ont prévenu des experts. Lundi, la coalition menée par l'Arabie saoudite a souligné qu'elle se réservait le droit de riposter «de manière appropriée et au moment opportun». L'organisation Human Rights Watch (HRW), souvent critique à l'égard de l'intervention saoudienne au Yémen, n'en a pas moins considéré mardi le tir de missile sur Riyad comme un «crime de guerre apparent» des rebelles. Le renforcement du blocus a été dénoncé mardi par les Nations unies qui se sont alarmées de l'impossibilité d'acheminer de l'aide au Yémen. «Les opérations humanitaires sont bloquées à la suite de la fermeture ordonnée par la coalition dirigée par l'Arabie saoudite», a déploré le porte-parole du Bureau des affaires humanitaires de l'ONU à Genève, Jens Laerke. La tension entre Riyad et Téhéran coïncide avec une purge sans précédent menée en Arabie saoudite contre des princes, des ministres, d'anciens responsables et des hommes d'affaires accusés de corruption. Elle a été lancée par une commission de lutte contre la corruption dirigée par le prince héritier, âgé de 32 ans. Le président américain Donald Trump a apporté lundi un soutien appuyé à l'action du roi Salmane et de son fils. «J'ai entière confiance dans le roi Salmane et le prince héritier d'Arabie saoudite, ils savent exactement ce qu'ils font», a-t-il écrit sur Twitter. «Certains de ceux qu'ils traitent durement +saignent+ leur pays depuis des années!», a-t-il ajouté.