Est-il devenu fou, ce jeune prince héritier ? Quelle mouche a piqué Mohamed Ben Salmane ? Qu'est-ce qui le fait courir au point de rendre plausibles tous les scénarios catastrophes dans le Golfe et au Moyen-Orient ? Depuis une semaine, les Saoudiens, leurs voisins, et sans doute aussi de nombreux pays arabes, retiennent leur souffle. Les purges en série du jeune prince héritier au sein de sa propre famille donnent des sueurs froides. Sa mainmise sur tous les leviers du pouvoir (les trois armées et les puissantes entreprises, notamment l'Aramco) dessinent les contours d'une intronisation musclée qui risque d'embraser le royaume, voire toute la région. La monarchie wahhabite est maintenant clairement lézardée. La sainte alliance de façade de la famille des Al Saoud, soi-disant unie des décennies durant, n'est plus qu'un mirage du désert. A 32 ans seulement, le jeune prince Mohamed Ben Salmane s'apprête à recevoir la couronne de son père. Au prix d'une remise en cause inédite du mode successoral. Sans doute que les mains expertes des américains sont passées par là. Le président Donald Trump s'en donne à cœur joie à coup de tweets en rafales. Il a béni le vice-roi qui ne peut rien lui refuser. Y compris l'introduction en bourse de la précieuse Aramco, première compagnie pétrolière au monde. Trump sait que s'il arrive à lui mettre la main dessus, il aura réussi le jackpot historique au double plan géopolitique et géoéconomique. Mohamed Ben Salmane, auquel certains fieffés naïfs (?) prêtent des vertus modernistes, prend les faux airs d'un faucon du désert. Il est en train de faire exactement ce que le couple américano-israélien attendait depuis longtemps pour redonner vie au fameux Grand Moyen-Orient (GMO) cher aux faucons de la Maison-Blanche. Réinstaller une tension maximale avec l'Iran et son allié libanais le Hezbollah, et désigner «l'axe du mal». On savait que le royaume wahhabite était depuis toujours une sorte de protectorat des Etats- unis. Mais avec Trump et Mohamed Ben Salmane, cela risque d'évoluer vers un schéma style Dom-Tom à la française. Le fait est que le prince héritier, évidemment adoubé par l'Oncle Sam, a osé retourner son fusil contre sa propre famille, au prétexte de lutter contre la corruption. Qui pouvait croire à la soudaine «découverte» du prince Mohamed Ben Salmane ? Fallait-il attendre 2017 pour savoir que les richesses inestimables de ce pays étaient monopolisées par une faune d'émirs, de princes et de leurs smalas qui en usaient et abusaient pendant que 80% de la population trinquait ? Cette incroyable prise de pouvoir absolu du jeune prince obéit à un agenda externe, même si, tactiquement, il lui fallait étêter des forces internes qui pouvaient se rebeller contre lui. Pour ce faire, il a pu s'appuyer sur le président Donald Trump via son gendre Jared Kushner - un ami intime du nouvel homme fort d'Arabie saoudite - qui a ceci de particulier d'être un responsable américain et…israélien. Ce jeune homme d'affaires bombardé conseiller de son beau-père président des Etats-unis est en effet juif orthodoxe de confession. De fait, l'axe Washington-Riyad-Tel Aviv n'a jamais été aussi fluide… Les premiers dommages collatéraux de cette bruyante scène de ménage au sein de la famille régnante en Arabie saoudite, ce sont ces piques envoyées à l'Iran et au Hezbollah. On parle déjà de bruits de bottes au Liban dont le Premier ministre est incroyablement pris en otage à Riyad d'où il annonçait sa démission. Le scénario est assez classique. Israël a besoin de tester les capacités de défense du Hezbollah. Encore plus maintenant que ses troupes s'étaient aguerries en Syrie. De l'autre côté, Mohamed Ben Salmane qui s'embourbe dans sa sale guerre coûteuse au Yémen, veut finir le travail contre les Houthis. Mais il court le risque de s'attirer les foudres de l'Iran. A moins que ce ne soit justement l'objectif recherché par le triumvirat Trump-Netanyahu-Salmane. Trois profils explosifs qui peuvent mettre le feu au Golfe et au Moyen- Orient. Bêtement.