C'est une vraie (mini) révolution de palais que celle qui a eu lieu hier mercredi en Arabie Saoudite, faussant du coup toutes les stratégies de défense et militaires, comme économiques dans la région. Par 31 voix sur 34, le conseil de l'allégeance de la famille royale saoudienne a désigné Mohammed Ben Salmane (33 ans, dit MBS) prince héritier du royaume d'Arabie Saoudite. «MBS» cumulait les fonctions de ministre de la Défense et de vice-prince héritier, est l'artisan de la guerre contre les Houtis, proches de l'Iran au Yémen, et du programme «Arabie 2030». Cette décision inédite, historique, vaut surtout par le fait que c'est le roi Salmane Ben Abdelaziz Al-Saoud qui est à l'origine de ce «coup de sang» contre le système adelphique, qui a été jusque-là en vigueur pour la succession au trône dans ce pays dont les frontières actuelles ne datent que de 1932. La désignation de Mohammed Ben Salmane comme prince héritier éjecte du coup son neveu Nayef qui, à travers un décret royal, a tout perdu. La crise actuelle dans le Golfe a-t-elle précipité les choses, servant d'alibi pour justifier une mainmise des Ben Salmane sur le pouvoir en Arabie Saoudite ? Est-ce également l'autre effet du passage de Trump dans la région ? Il n'empêche, la modification dans l'ordre de succession introduite par le décret royal de mercredi désignant «MBS» comme le prince héritier est en soi une révolution dans l'histoire et le système de succession de ce pays, et enterre (définitivement ?) le mode de succession adelphique en vigueur depuis plus d'un demi-siècle selon lequel le pouvoir dans ce pays se transmet entre frères avant le passage à la génération suivante. Last but not least, le choix de Mohammed Ben Salmane met un terme à l'épopée du clan des Soudeyris, du nom d'une des épouses du roi Abdelaziz, qui a longtemps désigné la lignée la plus puissante au sein de la famille royale saoudienne. Cette lente ascension de la famille des Ben Salmane Ben Abdelaziz, on la retrouve également dans la désignation en avril dernier de son autre fils, Khaled Ben Salmane, pilote de chasse, comme ambassadeur du royaume à Washington et chargé du réchauffement des relations américano-saoudiennes. Pour les observateurs, c'est le clan Salmane Ben Abdelaziz qui a, actuellement, les clefs du pouvoir et les futures successions, avec dorénavant la perspective d'un «jeune monarque», MBS n'ayant que 31 ans. Ce n'est pas pour déplaire dans certaines capitales occidentales, même si cela froisse dans une région gouvernée par des octogénaires, le voisin qatari «honni» étant l'exception qui confirme la règle. Les regards vont se tourner maintenant sur l'évolution de la situation dans le royaume, avec un prince héritier qui a déjà la haute main sur des secteurs stratégiques, et peut-être pour accélérer la succession, une «abdication» du père au profit du fils. MBS sera un appui privilégié de la politique militaire et énergétique US dans la région et un ennemi farouche de l'Iran et ses satellites. Sa désignation comme prince héritier n'est en définitive que l'un des aspects de la nouvelle politique américaine au Moyen-Orient, avec une tendance de plus en plus forte vers l'isolement de l'Iran, et tous les pays satellites de la Russie dans la région ou ayant des velléités belliqueuses envers Israël. La lutte antiterroriste devenant dès lors accessoire devant cette nouvelle reconfiguration des forces dans une région du monde devenue une véritable poudrière.