lorsqu'un inculpé pris en flagrant délit de vol dans un lieu public refuse de se mettre à table le jour où il est sommé de s'expliquer, il ne reste plus au tribunal qu'à revenir au dossier souvent rempli de renseignements sur les faits et gestes du malfaiteur. Ce dernier ne réalisera qu'il a été jugé qu'à l'issue de la lecture de la sentence. «alors, vous ne voulez pas expliquer au tribunal ce que vous avez fait, il y a trois jours, aux abords du marché ?», demande la juge, juste après que le détenu pour vol eut commencé une carrousel de protestations : «je suis innocent, c'est la police qui m'en veut, ce n'est pas moi l'auteur du vol. Pourquoi est-ce que la justice m'en veut à ce point ?» La présidente de la section correctionnelle tape du poing gauche et de la paume droite sur le pupitre : «abdelhalim ! ça suffit ! Vous avez le droit de nier, c'est inutile de soulever un inutile vacarme.» La magistrate ne pourra pas s'empêcher de relire un large passage du PV d'audition et les trois témoignages . «au moment où j'arrivais devant ma voiture, j'ai vu le jeune à la barbichette (comprenez l'inculpé) à terre prenant le portable à la main et lorsqu'il s'était relevé avec l'aide de celui qui l'avait maîtrisé au tournant de la sortie du marché, il n'avait pas l'appareil», avait dit sid ahmed k. quarante-cinq ans, chauffeur de son état. Puis la présidente relut le passage consacré à la déposition du policier en civil qui avait maîtrisé à même le sol le malfaiteur qui n'a pas cessé de nier avant de passer au dernier témoignage relatif à celui qui avait ramassé le téléphone dont s'était débarrassé avec ruse Abdelhalim, elle lança un regard à la procureure qui avait demandé la permission du tribunal de poser une question : «Inculpé le parquet voudrait savoir si vous avez couru au moment où la dame avait crié au voleur ?» L'inculpé fit le dos rond, baissa les yeux et trouva une réponse bancale : «J'ai couru car j'ai eu soudain peur de me voir être ramassé dans le panier à salade car la police m'en veut.» «Et voilà, nous y sommes ! La peur d'être ramassé ! donc, avec votre casier garni de récidives, le tribunal est édifié», balance la magistrate qui prendra note des deux ans de prison ferme demandés par la représentante du ministère public et rendra sur le siège le verdict assommant : «deux ans de prison ferme.» L'inculpé, dont le dernier mot aura été «je suis fatigué d'être harcelé par la police», a soudain pris au sérieux la punition de la justice en essuyant de grosses larmes.