De ses années estudiantines à l'Ecole supérieure des beaux-arts, l'homme n'a pas pris une ride dans ses principes, convictions et certitudes. Égal à lui-même, Karim Sergoua enseignant et plasticien du mouvement des Essebaghine a gardé ce trait de caractère combatif et revendicatif de sa personnalité. Abhorrant la médiocrité et l'injustice, et excluant tout esprit clanique, il a une vision universelle du monde et plurielle des arts plastiques. De son expérience en zone libérée dans la ville de Tifariti en territoire sahraoui, il relate cette expérience fructueuse, où l'art pluriel a été en débat lors d'une rencontre initiée à l'espace Noûn. Dans cet entretien, Karim, chef de projet de la délégation algérienne, explique ce travail personnel qui s'inscrit dans une communion d'esprit, d'idées, de conceptions et d'art. Peut-on connaître l'essentiel de ce projet ? Il est à indiquer que Tifariti est la première ville à être libérée en territoire sahraoui ; cette ville caserne bombardée et pratiquement rasée a été choisie par des Organisations non gouvernementales (ONG) pour faire des actions d'art plastique avec l'ouverture d'un musée d'art contemporain. Grâce à l'invitation des ONG espagnoles, cette manifestation intitulée «Artifariti» a rassemblé des artistes algériens de tendances diverses et d'autres de latitudes différentes notamment d'Argentine, d'Espagne, du Mexique, d'Italie et des scientifiques allemands. Parmi les artistes algériens, on retrouve les plasticiens Belkhouriat de Bel Abbès, Djelfal d'Oran, Seif de Mostaganem, Rafik sculpteur, Sergoua d'Alger, Walid Ayoud et Valdo designers et photographes vidéos Zinou et Sifax. Cette première édition a eu lieu en novembre 2008 et se renouvellera en octobre 2009 ; cet évènement culturel et artistique aura une périodicité avec l'institutionnalisation d'une biennale après la prochaine version. Quelle a été votre intervention artistique dans cette ville ? Il est à préciser que le choix du lieu a été envisagé six mois à l'avance à travers des photographies. Il s'agissait de faire de la peinture, des sculptures, des installations, des vidéos sur des supports tels que roches, tunnels, ou arbres. Ces divers travaux ont une thématique commune, celle de la guerre. Tifariti est une ville de nomades et de militaires parsemée de mines anti personnel qui se situe à 10 km du mur marocain ; aussi la délégation algérienne a pris comme support à ses travaux une maison où se réunissaient les Sahraouis ; elle a été le dernier rempart. Les onze artistes algériens ont intervenu sur cet espace durant 12 jours. Chacun selon son style avec un commun accord a peint ou sculpté ou photographié selon son imagination. Quel a été l'accueil et les impressions des Sahraouis ? Dans cette ville sans électricité (2h par jour) et sans téléphone, l'accueil des Sahraouis a été chaleureux avec les différents représentants de l'Unesco, de l'ONU, et des autres ONG, médecins du monde, reporters sans frontières et les 200 scientifiques allemands, et pratiquement royal vis-à-vis de la délégation algérienne. Cette dernière a un savoir-faire et une expérience dans des zones de crise et de guerre comme Sarajevo et Chypre. On a animé des ateliers d'art pictural et de photos en donnant aux enfants et adultes sahraouis des appareils de photos jetables. Ils ont pris des photos à travers leur regard sur la faune, la flore, l'aspect architectural et sur les dessins rupestres qui se trouvent sur le sol et les falaises. Les Allemands ont pour leur part montré le déminage, car la mine anti personnel très petite a un impact sur un rayon de 400 mètres. A qui incombe le financement de cette manifestation et de la construction achevée du musée ? On dénombre des ONG espagnoles, algériennes et le ministère de la Culture pour la billetterie et le matériel, ainsi que deux associations de solidarité algéro-sahraouie et hispano-sahraouie. La seconde édition d'octobre 2009 sera-t-elle identique ? On a prévu un festival de musique avec une star algérienne du raï, avec Bono de Yutu et Manochaou ainsi qu'un festival de cinéma. Pour le choix des artistes de cette édition, le 13 juillet à Séville se fera la sélection occidentale de six projets dans les arts plastiques avec comme continents l'Amérique latine et l'Europe ; la sélection algérienne s'effectuera à Alger avec les Sahraouis et moi-même comme chef de projet ; les Algériens auront quatre projets sur les six prévus. Cette expérience est meilleure qu'une formation car on est confrontés à d'autres visions.