Outre le groupe des huit d'autres plasticiens ont été conviés pour exprimer leur talent et leur savoir-faire et ce, jusqu'au 25 mars. Le collectif Essebaghine est de retour cette semaine avec une exposition toujours aussi enjouée que décalée, baptisée modestement «Ce n'est que H'na». Cet événement artistique et culturel organisé au Bastion 23, entre dans le cadre de la commémoration de la 10e année de la disparition tragique de Mohamed et Rabah Sélim Asselah, respectivement père et fils, mais aussi pour saluer la ténacité et le courage d'une femme, Anissa Asselah, partie à jamais il y a quatre ans et dont l'Association Anissa Culture Action «Mémoire» ne cesse d'activer sur la terrain afin que le combat continue...Et quelle plus belle façon de raviver la mémoire qu'avec des couleurs justement! Fidèle à leur délire, à leur talent et à leur générosité surtout, Essebaghine ont convié cette année plusieurs autres artistes peintres à se joindre à eux pour que la fête soit grande, synonyme de partage et que la vie l'emporte sur la mort. D'Oran, de Constantine et d'Alger, ces artistes sont venus apporter leur savoir-faire et partager leur passion avec ces fous du pinceau, de la palette et tout autre matériau susceptible de donner corps à une idée, à transfigurer la matière pour exprimer une philosophie, un peu d'amitié ou tout simplement pour voir la vie en beauté...Une vision d'espoir que s'attache à traduire Yasmina Saâdoun de Constantine à travers sa peinture semi-figurative et ses tonalités chaudes. Cette beauté est dévoilée en signes multiethnique dans la peinture de Noureddine Hamouche qui se plaît à transcrire des motifs sur différents objets (miroir, table, bouteille...) sans donner de signification particulière à ces «dessins». Mériem Aït El Hara, du groupe Essebaghine, s'est surpassée cette année à travers une installation qui donne vraiment à réfléchir. Elle met en opposition deux échiquiers, l'un se trouvant à l'étage au-dessus représentant les valeurs humaines et l'autre, celui d'en bas, l'échiquier qui gère le pouvoir, l'économie mondiale, à savoir : l'argent. Pour ce faire, Mériem a reconstitué des dollars et des euros qu'elle a pris le soin de poser sur la table ou carrément collés dessus. Une idée assez ingénieuse qui a trouvé écho chez le public. Kheïra Slimani qui travaille, elle aussi, sur le grand format, a opté pour divers matériaux comme le carton, le papier, le velours pour faire naître la céramique et nous faire voyager dans les eaux de la Méditerranée sur les champs de lavande du Sud de la France... Amar Bouras, à travers des images découpées et regroupées, accompagnées de textes, fait une «déclaration à l'amour», tout en dénonçant la chasse aux sorcières dont a fait l'objet il n'y a pas si longtemps les couples... Toujours aussi créatif, Karim Sergoua a collé des photos de Geiser qu'il a agrandies et réinterprétées à sa façon avec cette expression que l'on peut lire sur un paravent: «Ouech, ça va?» juste à côté, un jeu de dames est ouvert pour qui veut jouer. «Un acte populaire» que Sergoua aime revendiquer. Et pour rendre hommage à ces Essebaghine bourrés de talent et de sensibilité, Mériem Dib a choisi d'exposer leurs portraits à travers des peintures en noir et blanc. Fidèle à son trait caustique, à cette âme juvénile et cette extrême tendresse qui émane de lui, Jaoudet Gassouma, Joe, pour les intimes, croque l'état d'esprit des gens en les transposant crûment sur le tableau comme ce bonhomme à plusieurs yeux qui, l'acuité visuelle accrue donc, voit loin et peut-être profondément. Ces portraits de figures humaines ne laissent pas indifférents tant ils interpellent la conscience par la vérité grotesque des hommes (rictus, rire jaune...). Dans un tout autre registre, Zoubir Hellal s'attache dans son installation à représenter les pays du G8 par de grosses niches et de petits soldats de plomb tandis que le Nepad (pour les pays pauvres ou en voie de développement), par des couffins vides... Dans un registre plus poétique, Noureddine Ferroukhi apporte sa touche sensuelle à cette exposition à la faveur d'une jolie installation faite de papillons, pétales de fleurs et nappe brodée. Un chaînon manquant, Djeffal, qui n'a pu être présent. Outre le vernissage de cette expo, Samira Negrouche, accompagnée du plasticien Amar Bouras par une projection vidéo, a lu quelques fragments poétiques de son recueil A l'ombre de Grenade. La sensualité de ses écrits rehaussée par les images colorées et surréalistes donnaient le ton à cette atmosphère intime qui rebondissait dans le coeur plein de secrets de cette ancienne chambre du Palais du Dey. Poésie, peinture mais aussi musique. Celle-ci était omniprésente tout au long de cette sympathique quaâda lors de ce magnifique vernissage. Du chaâbi festif à volonté ou de recueillement était servi par le sage chanteur qui, assis dans un coin à l'intérieur du patio du Bastion, s'évertuait à interpréter les plus beaux morceaux chaâbis sur son délicat bonjo. Ami Mohamed Sergoua, donnait du baume au coeur et surtout l'envie de danser, de chanter et de s'amuser. Car c'est ainsi qu'on revit la mémoire. Et que la douleur fait place au rêve, au sourire, à l'espoir. Pour que «L'instant mémoire» soit un vrai instant de bonheur. L'exposition est ouverte jusqu'au 25 mars.