C'est du vrai délire : prendre la voiture de son père et se prendre pour un pilote de Formule 1. C'est un acte dont les parents sont responsables en cas d'accident, et ce fut le cas pour ces deux adolescents Mounir et Nourredine, âgés de 16 et 17 ans, qui se sont fait très mal en percutant de plein fouet une voiture familiale avant d'être empêchés par une balise sur l'autoroute. Fracture du tibia et lésions graves sur le front pour le premier et traumatisme crânien, fracture de l'avant-bras, perte d'un œil et état comateux pour le second. Sans permis de conduire pour les deux ! La famille de la victime a eu trois blessés légers, la voiture réformée et le moral «brisé». Hier au tribunal de Sidi M'hamed, la tension a atteint son paroxysme, un échange d'insultes et d'injures a caractérisé la séance. La famille de la victime promet une vengeance «hors la loi», ce qui a mis dans un état de nervosité extrême le procureur de la République. Les parents des deux accusés, encore sous le choc, ont fait savoir au tribunal que leurs enfants sont mineurs et que la voiture a été prise à leur insu. Les deux adolescents sont accusés de conduite sans permis de conduire, d'homicide involontaire et de dommages et collision sur des personnes. Le premier accusé avance à petit pas vers la barre afin de répondre pour ses actes. «Pourquoi avez-vous volé la voiture de votre père, tout en sachant que vous n'avez pas le permis de conduire ?», l'a interrogé d'emblée le magistrat. «Je reconnais que j'ai fauté, mais en aucun cas je ne voulais tuer quelqu'un. Pourquoi on m'accuse de ceci alors que je voulais simplement faire un tour avec mon ami, et Dieu en a décidé autrement.» Très peiné par son sort qui risque de le handicaper à vie, il ajoute : «Je dois payer pour ce que j'ai commis, à savoir la conduite sans permis de conduire, mais pour l'homicide, je pense qu'il n'y a ni volontaire ni involontaire.» Les déclarations de l'autre accusé sont identiques à celles de son ami, à une nuance près. Devant le juge, il dit ceci : «On aurait pu mourir et nous sommes les plus atteints dans ce terrible accident, je vous fais savoir monsieur le juge que les images du drame me hantent à ce jour, on a assez payé.» La parole fut ensuite donnée au parquet pour le réquisitoire qui a été aux yeux de l'assistance assez sévère : «Un an d'emprisonnement ferme et une amende de 100 000 DA.» L'avocate de la défense a mis en exergue la jeunesse et l'inconscience des accusés : «Ils sont très jeunes, et comme tout le monde le sait, la folie de jeunesse est quelque chose de normal et de naturel.» Et de renchérir en mettant l'accent sur la «gaffe» elle-même qui n'est pas voulue, mais «arrivée». «C'est une erreur, et l'accident n'a enregistré aucune victime grave.» L'avocate a ensuite montré les rapports d'expertise de la Gendarmerie nationale où on pouvait lire que «la cause de l'accident incombe au second automobiliste, c'est-à-dire à la famille des victimes». Et à l'avocate de commenter : «Si mes clients avaient leur permis de conduire, l'accusé serait cet homme qui s'est constitué en victime.»