Photo : S. Zoheir Par Abderrahmane Semmar Sa peau ocre et sombre traduit à elle seule toute la détresse de sa vie. Son regard fuyant est le symbole de cette existence en berne. Handicapé depuis son adolescence, Nourredine Abdelkader, 33 ans, garde toujours l'exclusion et la marginalisation dont il a été victime comme une plaie béante dans son âme. Enfant unique élevé par des parents pauvres et sans ressources, Nourredine découvre très tôt le dénuement. A Aflou, wilaya de Laghouat, région dont il est originaire, son père analphabète et sans aucune qualification fait survivre sa famille grâce à des petits boulots. La famille vit dès lors dans une précarité indescriptible. Mais à 14 ans, Nourredine perd ses deux parents l'un après l'autre suite à des maladies. Orphelin et seul, il est livré à l'adversité de la vie. Et pour cause, aucune famille n'a voulu prendre en charge cet adolescent qui erre dans les rues d'Aflou, ville où la pauvreté et la misère sont présentes dans tous les recoins, tel un clochard en proie à tous les fléaux. Son corps chétif ne résistera pas longtemps aux affres de la rue et les hivers froids et glacials d'Aflou finiront par ruiner sa santé. «Je marchais pieds nus et j'étais légèrement vêtu. J'étais un enfant issu d'une famille très pauvre. Mes parents ne pouvaient pas m'acheter des habits chauds. Malheureusement, c'est cette pauvreté qui a causé mon handicap», raconte, les larmes aux yeux, notre interlocuteur qui ne s'est toujours pas remis de son vécu dramatique. Un vécu qui le conduira tout droit à l'hôpital. Dans le coma pendant plus d'un mois, Nourredine se réveillera handicapé à 100%. Même son psychisme subit des traumatismes au vu des souffrances dues à sa galère d'enfant de la rue. Son adolescence sera donc marquée du sceau indélébile du handicap. Au fur et à mesure des années, son état de santé s'améliore, mais, psychologiquement, il demeure toujours un «homme cassé». Analphabète, Nourredine n'a jamais été scolarisé à cause de son vécu familial chaotique. Une fois orphelin, sa situation sociale s'est encore gravement dégradée. Mais lorsqu'il a été déclaré handicapé à 100%, il ne pouvait vivre qu'en mendiant dans la rue. Ne sachant ni lire ni écrire, il ne réussira jamais à s'en sortir. Sans la générosité de quelques personnes, Nourredine serait certainement mort dans le dénuement total. «J'ai énormément souffert à cause de mon handicap. Je ne pouvais guère travailler vu mon handicap physique. Aflou est en plus une région très pauvre où le chômage et la misère battent des records. Rares sont donc les personnes qui pouvaient me secourir. J'ai dû partir à Laghouat pour demander de l'aide à des gens bienveillants. Heureusement que là-bas des familles généreuses m'ont ouvert leur cœur. Sinon, je n'aurais jamais pu survivre», confie encore Nourredine. Petit à petit, la main tendue de ces personnes bienfaisantes le réconcilie avec l'espoir et la vie. Un espoir qui le poussera même à demander un logement social. En 2007, il retrouve le sourire lorsque le logement social lui est attribué. Toutefois, la Direction de l'action sociale d'Aflou lui refusera toujours la pension de handicapé. Pour quelles raisons ? La DAS de sa ville natale se montrera toujours vague à ce sujet. De ce fait, les 4 000 DA mensuels auxquels chaque handicapé algérien a droit, Nourredine n'en bénéficiera jamais. Aujourd'hui, il ne demande qu'une chose : un transfert de son logement social vers Laghouat. «A Aflou, je n'ai personne qui puisse m'aider, alors que je suis dans le besoin. Tous les proches et amis qui m'assistent sont à Laghouat. Je demande juste à la DAS d'accepter de transférer mon logement social à Laghouat. A quoi bon avoir un appartement si je risque de crever de faim entre ses murs ?» lance Nourredine. Va-t-on exaucer son vœu ?