Le tindé a enchanté le nombreux public venu assister à l'hommage rendu à l'artiste Othmane Bali jeudi dernier au niveau de la grande scène de la Safex. Une très belle initiative organisée par l'exposition Sahara dans le cadre du deuxième festival culturel panafricain d'Alger. Au début de la soirée, M. Ighilahriz Farid, commissaire de l'exposition retraçant l'histoire, la culture et la vie du Sahara algérien, et qu'accueille le pavillon U depuis le 7 juillet, a invité la ministre de la culture, Khalida Toumi à inaugurer en présence de la famille d' Othmane Bali, cet artiste disparu en 2005, un espace aménagé à sa mémoire. A l'intérieur, son luth, son taguelmoust (chèche) et son berrad (théière) ont été disposés par sa fille Houda. Un film d'une vingtaine de minutes présentant Bali y est diffusé en boucle. L'Afrique, source de rythmes Ce film sera projeté sur un écran géant aménagé sur la scène de la Safex, au moment où la ministre offre un disque d'or à titre posthume à Bali, remis à Khadidjata, sa maman. Khadjidata Othmani est elle aussi une grande interprète de tindé. C'est elle qui a appris à Bali les bases de la musique targuie. La musique prend sa place et c'est une envolée de percussions qui, à travers ses vibrations, donne le rythme aux battements de nos cœurs. Avançant avec leur tambour sur leur tête, les tambourinaires du groupe Akayazwe du Burundi ont cassé la baraque à l'ouverture de la soirée. A les écouter, on est convaincu que les percussionnistes du monde entier n'ont rien inventé, l'Afrique est la source. Badi Lala de Tamanrasset prend place au milieu, entourée par sa troupe Tisakta ; cette voix est la meilleure de tout l'Ahaggar. A 70 ans, Badi Lala Bensalem domine toujours le genre tindé qu'elle a appris auprès de sa mère Lisari Baka, elle aussi chanteuse. Le tindé désigne en même temps le nom du genre musical et celui de l'instrument. A l'origine, le tindé est un ustensile de cuisine qui se transforme en instrument de percussion lorsqu'on y tend une peau de chèvre. Les hommes, comme pour l'imzad, ne touchent pas cet instrument ; c'est chasse gardée, seules les femmes en jouent. Les musiciennes humectent la peau avec de l'eau, le spectacle commence, merveilleux son, merveilleuse interprétation de Badi, sa voix pénètre à l'intérieur de vous. Même si la soirée est dédiée à Bali, donc au tindé, une formation d'Oum El Bouaghi, non prévue au programme, montera sur scène pour présenter le folklore de sa région. Le ney, les bendirs accompagneront de très fortes et belles voix qui réussiront à faire réagir les présents par des youyous et des applaudissements nourris en chantant à la gloire de la liberté : «France prend tes affaires, le temps du départ est arrivé, tu n'as plus de place dans l'Algérie indépendante». L'hommage du fils à son père Retour au tindé avec la troupe de Miloudi Choghli, joueur de luth, qui faisait partie du groupe d'Othmane Bali.. Comme lui, il chante le tindé moderne, différent de celui de Badi Lala par l'introduction des instruments à corde. Choghli enflamme les sens de ceux qui l'écoutent. Avec son chœur composé de femmes, scintillantes avec leurs habits de couleurs, il murmure la beauté des femmes touaregs. Nabil Bali chantera le désert, Djanet et des tubes de son père alors que les images de l'artiste disparu défilent sur l'écran. Il chante ce soir pour son père. Il chantera des textes en tamashek jusqu'à mener avec lui les danseurs vers la transe. Cela devait être un rythme appelé «rohé» qui vous amène vers cette transe et fait fuir les esprits malins ou comme on les nomme chez les Touaregs les «kel essouf». Pour clôturer cet hommage, Nabil Bali chantera un joli alewen (poème) d'Othmane Bali, dans un très beau duo⊃2;oudi. Le tindé, l'âme des touaregs, a été l'âme de cette soirée. Dans un coin, Othmane Bali a sans doute enfourché une des notes diffusées par le luth ou le tindé pour survoler son désert.