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Un nouveau bras de fer russo-américain ?
Le Caucase carrefour de tous les enjeux
Publié dans Le Temps d'Algérie le 25 - 07 - 2009

Mais qu'est donc parti faire dans le Caucase, particulièrement à Kiev et Tbilissi, le vice-président américain Joseph Robinette Biden ? En pleine période de vacances et alors que la communauté internationale a pris ses quartiers d'été, cette visite détonne quelque peu.
Obama, en chargeant son vice-président d'aller porter la bonne nouvelle et surtout réitérer le soutien des Etats-Unis à Kiev et Tbilissi, cherche-t-il, contre toute sagesse, à réenclencher l'historique «bouton reset», dans un compte à rebours inversé qui ne dit pas son nom ?
Tout porte à le croire.
Pourtant, Obama avait tenté de «rassurer» son homologue Dmitri Medvedev, début juillet, lors de son voyage à Moscou, en déclarant : «L'Amérique respecte la Russie, nous voudrions construire une relation d'égal à égal.»
Alors pourquoi ce «revirement» inattendu, puisque Obama sait pertinemment combien le Kremlin abhorre le fait de voir Washington se rapprocher sournoisement de ses anciennes Républiques soviétiques, un pré carré si cher à Moscou ?
Une nouvelle aire d'influence très convoitée
La visite faite à Viktor Iouchtchenko et à Mikhaïl Saakachvili par Joseph Biden n'est donc pas fortuite. Elle participe d'une vieille stratégie qu'ont toujours eue les Etats-Unis, s'agissant d'étendre leur aire d'influence, à travers le monde pour assurer leur suprématie. Le fait qu'Obama reprenne cette politique si chère à ses prédécesseurs, particulièrement George W. Bush, surprend donc, car en décidant, à son avènement, un rapprochement avec Moscou, Obama avait laissé suggérer tout le contraire et semblait avoir voulu changer d'option.
Il n'en est rien apparemment, et Obama comme tous les dirigeants américains se voit contraint de mener une politique qui garantit d'abord les intérêts supérieurs des Etats-Unis. Même si pour cela, il faut déroger à certains principes. Tout le monde le sait, l'Amérique est encore et toujours à la recherche de sources d'approvisionnement énergétiques, tout comme la Chine, l'Union européenne, l'Inde, etc. Or la région du Caucase est une zone très convoitée, et donc capitale et beaucoup plus stratégique, à bien des égards, que le Moyen-Orient «acquis» à l'Oncle Sam…
Moscou jaloux de son pré carré
Alors chercher à marcher sur les «platebandes» des camarades de Moscou en assurant Kiev et surtout l'agent et allié inconditionnel de Tbilissi, Mikhaïl Saakachvili, fait partie d'une tactique politique que Washington pratique pour «tester» les réactions du Kremlin. Malgré l'échec géorgien de l'été dernier ?
Une chose est sûre : cette attitude enrage Medvedev mais surtout Poutine qui la qualifie de belliqueuse. Et cela, même si Moscou n'a jamais caché son ambition de «récupérer» sous son giron, les Républiques qui lui ont échappé à la suite de l'effondrement de l'URSS et à la faveur de la «glasnost» si chère à Gorbatchev.
Alors, «je te tiens, tu me tiens par la barbichette» ? Le jeu en vaut-il la chandelle ? Sûrement ! Car en cherchant à «s'incruster» dans le Caucase, les Etats-Unis, même s'ils affirment ne pas vouloir construire une «sphère d'influence américaine», avancent leurs pions sur un échiquier géopolitique d'envergure.
De fabuleux gisements d'hydrocarbures
Dans ce petit jeu du chat et de la souris, les ex-Républiques soviétiques «libérées» de la tutelle communiste et souvent «démocratisées» à coups de révolutions colorées si chères aux armées de l'ombre, font office d'appâts tout en se vendant parfois au plus offrant.
Ainsi, Washington a jeté son dévolu sur la Géorgie car ce pays est au carrefour des routes du pétrole et du gaz caucasien qui est pompé de la mer Caspienne – qui abrite l'un des plus importants ensembles de gisements de pétrole et de gaz au monde – et de la mer Noire. Des routes qui «échappent» à Moscou et permettent donc à l'Occident de mieux gérer l'approvisionnement de ces ressources.
En effet, le pipeline dirigé par la British Petroleum qui dessert Bakou (Azerbaïdjan) - Tbilissi (Géorgie) - Ceyhan (Turquie) (BTC) et encouragé par les Américains, achemine le pétrole et le gaz caucasiens jusqu'à l'Est méditerranéen. Il a, selon les experts, «changé la géopolitique en Méditerranée occidentale et au Caucase en créant un nouvel axe pro-occidental avec l'Azerbaïdjan, la Géorgie, la Turquie et Israël son allié».
Obama sur les traces de ses prédécesseurs ?
Dès lors, on imagine aisément pourquoi le président Obama est obligé de suivre la même politique que celle des Bush. Car en plus de se garantir des approvisionnements conséquents et sûrs, l'Amérique et l'Europe affaiblissent un peu plus la Russie et empêchent le Kremlin d'assurer, sur ces réserves fabuleuses, un diktat.
Toutes les parties en présence le savent, celui qui parviendrait à mettre la main sur ces fabuleuses richesses, ou du moins contrôlerait les routes des hydrocarbures pourra s'assurer une puissance incontestée et une suprématie à toute épreuve, sur la région et dans le monde.
Les richesses de la Caspienne et de la mer Noire ont de tout temps attisé les convoitises des Anglo-Saxons, des Russes, de l'UE, de l'Iran, et de la Chine !
C'est dire si le Caucase s'inscrit comme un carrefour des plus stratégiques pour ces nouvelles voies que d'aucuns comparent désormais à une nouvelle route de la soie…On peut comprendre alors que dans ce jeu qui ne dit pas son nom, la Russie pratique également de son côté une politique à même de lui assurer, sinon une mainmise sur ces richesses, du moins une influence qui garantit la sauvegarde de ses intérêts.
Les stratégies américano-russes
Elle le fait, d'ailleurs, parfois en s'immisçant, ou en se rapprochant, tant bien que mal, d'anciennes Républiques, à l'exemple de l'Arménie, l'un des alliés stratégiques du Kremlin et qui abrite des bases russes d'importance.De leur côté, les Américains essaient, grâce notamment à leur bras armé l'Otan, de se rapprocher le plus possible de ces zones en faisant des appels répétés du pied à certaines républiques comme c'est justement le cas avec l'Ukraine et la Géorgie.
Et c'est en les arrosant de milliards de dollars et la promesse de les intégrer au sein de l'Alliance atlantique, en échange de bases militaires… Mais les Etats-Unis essaient surtout d'y implanter ces fameux boucliers antimissiles, actuelle pomme de discorde entre Washington et Moscou.
Nouveau bruit de bottes en Géorgie ?
Un nouvel affrontement entre Tbilissi et Moscou est-il à craindre, après la visite de Joseph Biden dans le Caucase et surtout après que ce dernier ait «assuré» de fournir en matériels militaires conséquents et appropriés Tbilissi afin que la Géorgie puisse concrètement aspirer à devenir membre à part entière de l'Otan ?
Nul ne peut le prédire tant les intérêts sont fabuleux dans la région. Une chose est sûre, Moscou a vivement réagit en déclarant qu'elle prendrait, le cas échéant, les mesures concrètes qui s'imposent. Le bras de fer est d'ores et déjà admis. Reste à savoir s'il ne serait pas plus sage de faire profiter de cette manne toutes les parties concernées et envisager de privilégier le dialogue et la main tendue si chers justement à Obama.
Israël veille… l'Iran surveille !
Dans ce cas-là, l'Iran se pose en interlocuteur incontournable, car l'acheminement de toutes ces richesses hors des frontières caucasiennes gagnerait à se faire de la mer Caspienne au golfe Persique en passant directement à travers l'Iran.Mais voilà, si l'idée plaît parce que la plus judicieuse et la moins onéreuse, le régime des Mollahs inquiète et les propos d'Ahmadinejad ne sont pas pour calmer les esprits.
D'autant qu'Israël est aussi partie prenante de l'actuelle stratégie US et joue un rôle non négligeable dans la région, particulièrement en Géorgie dans le cadre d'une coopération militaire soutenue, mais aussi avec son allié privilégié, la Turquie.
Cette dernière qui n'arrive pas à se faire intégrer dans l'Union européenne, malgré son appartenance à l'Alliance atlantique, projette très sérieusement de coopérer assidûment avec Israël pour acheminer vers Israël, à l'aide de pipelines sous-marins, de… l'eau, du gaz, de l'électricité à partir du port de Ceyhan jusqu'à celui d'Ashkelon avant de joindre Eilat sur la mer Rouge...
Ainsi, disent des observateurs avertis, cela autorisera Israël à exporter ensuite par bateaux une grande partie de ces richesses vers les marchés asiatiques… Ce qui lui permettrait aussi d'avoir l'œil sur la sécurité des transports des hydrocarbures de la Caspienne et de la mer Noire et d'assurer aussi la protection du trafic de produits énergétiques en Méditerranée orientale. On comprend alors pourquoi Israël reste le chouchou et le meilleur allié des Américains.


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