Après une année de labeur, l'été est l'occasion pour nombre d'Algériens de prendre un moment pour se reposer et se détendre. Mais ils butent sur une question : comment se payer des vacances ? Se reposer convenablement en déboursant une bonne somme d'argent ou rester chez soi en gardant son budget familial ? C'est la question qui préoccupe la plupart des familles algériennes. En effet, le luxe de passer des vacances en famille dans un complexe touristique, hôtel, camping ou bungalow, ou bien dans une colonie de vacances pour leurs enfants n'est pas permis aux bourses moyennes. «Les pauvres n'ont pas droit aux vacances dans notre pays», dira Chems Eddine, jeune étudiant au centre universitaire de Tissemsilt. Il ajoute : «Les trois mois d'été sont l'occasion pour moi de travailler et de gagner un peu d'argent, pour financer la prochaine année universitaire. Donc, je n'ai pas droit au repos.» «Les vacances, c'est pour les riches», nous lance un jeune. Avec un groupe d'amis, Mohamed a décidé, pour cette année, de louer un appartement à Cherchell. Simple fonctionnaire (professeur de maths dans un collège), il estime que «ce n'est pas tout le monde qui peut se permettre des vacances en Algérie. Il faut travailler toute une année et faire beaucoup d'économies pour pouvoir passer une dizaine de jours à Cherchell, à Tipaza ou à Mostaganem ou dans d'autres villes côtières». Effectivement, à Mostaganem, à Tipaza ou dans n'importe quelle autre ville côtière, le constat est le même, les vacances sont plutôt réservées à une infime partie de la société. Par ailleurs, et pour ceux qui, soi-disant, peuvent passer quelques jours de détente au bord de la mer, ils estiment que la plupart des complexes touristiques en Algérie appliquent des tarifs inabordables. En plus, dépassé une certaine période, ces complexes touristiques affichent complet. «Même avec ton argent, tu ne passeras pas», nous affirme «en connaissance de cause» un potentiel estivant. Le constat est le même à travers toutes les villes du littoral. Si ce n'est pas la saturation qui caractérise la saison estivale, c'est le prix à payer qui dépasse largement les capacités financières des cadres moyens. «Chères, très chères les vacances», affirme un père de famille. Et d'ajouter : «Dans ce cas, je me contenterai de prendre les enfants à la plage le matin et de rentrer le soir. Je n'ai pas le choix.» Et pour cause, passer quelques jours de détente au bord de la mer est permis aux seuls détenteurs de grosses bourses. C'est la canicule C'est la canicule à Tissemsilt. De jour comme de nuit, les Tissemsiltis se plaignent de la chaleur qui sévit. La ruée sur les climatiseurs bat son plein, les gens ne sortent qu'en fin d'après-midi. Pour se rafraîchir, ceux qui ne sont pas encore partis à la mer n'ont pas un grand choix pour se baigner. La piscine semi-olympique est fréquentée par différentes gens, dans la matinée et en début d'après-midi (quand ça chauffe fort) par les enfants, surtout ceux des quartiers populaires. En contrepartie de 600 DA pour les enfants de moins de 13 ans pour un abonnement d'un mois et 800 DA pour l'autre catégorie (les adultes), ils peuvent barboter dans l'eau durant une heure. De 10 à 17h, la piscine accueille une moyenne de 400 baigneurs par jour. La sécurité des lieux est assurée par les agents recrutés dans le cadre du filet social et l'emploi de jeunes ; des maîtres-nageurs diplômés surveillent les acrobaties des enfants. Les commodités élémentaires n'existent pas. La piscine de Tissemsilt se trouve à côté du boulodrome, au centre-ville du chef- lieu de wilaya, qui compte parmi les coins les plus fréquentés par la catégorie des jeunes et moins jeunes durant cette saison. Cette piscine est très ciblée par les jeunes, qui la préfèrent à la mer, faute de moyens. La piscine a ouvert ses portes au public depuis l'année 2004. Plusieurs formules sont proposées aux baigneurs pour l'abonnement cité plus haut. A 13h30, le mercure affiche 45°, la chaleur est suffocante. Le seul endroit où jeunes et moins jeunes convergent, c'est la piscine semi-olympique de Tissemsilt. C'est le deuxième bassin de baignade au niveau du chef-lieu de wilaya après la commune de Theniet El Had qui a ouvert ses portes cet été 2009, ces deux piscines sont littéralement prise d'assaut par les jeunes non seulement de la commune de Tissemsilt ou de Theniet El Had avec ses 305 000 habitants, mais également par d'autres jeunes venus des communes avoisinantes qui n'ont pas où se rafraîchir, à l'image de Ouled Bessem, Ammari, Lardjem Khemisti et Laâyoune. C'est un envahissement à l'entrée même de ses structures, une véritable effervescence, où des jeunes attendent la deuxième séance qui débute à 15h. 120 baigneurs dans une piscine de 25 m Le nombre important des baigneurs est tel, que ces derniers se marchent sur les pieds aux abords de la piscine et se bousculent dans le bassin, car ne pouvant même pas être en mesure de tenter deux brassées consécutives. Face à cette déferlante, Amine, le responsable de la piscine, est devant un dilemme : il ne peut être en mesure de prendre en charge tout ce monde en même temps. Et donc, faut-il refuser l'accès à la piscine à tous ces jeunes ? «Nous recevons jusqu'à 120 personnes par séance, un chiffre qui dépasse largement les normes d'une piscine de 25 m conçue pour 70 personnes. Mais c'est au niveau de la salle des machines que l'on s'aperçoit des conséquences de cette ruée, à travers l'activité des hommes qui font face au déferlement des eaux et à l'intense mise à contribution des pompes pour le maintien du volume d'eau requis pour le fonctionnement normal de la piscine», nous précise notre interlocuteur. A défaut de structures de substitution, cette piscine est constamment sollicitée de 9h jusqu'à 18h et toutes les catégories de la population en profitent, notamment les handicapés, les jeunes des mouvements associatifs, les femmes. Aussi, faudrait-il que les autorités locales s'impliquent davantage pour régler un problème qui s'annonce épineux. En ces temps de canicule et de chaleur infernale, le citoyen se trouve coincé entre les algues toxiques qui envahissent la mer et les prix trop élevés affichés par les piscines pour se rafraîchir. Il est sommé de débourser 600 DA par mois pour avoir accès à la piscine trois heures par semaine, un prix exorbitant surtout pour la majorité des citoyens qui ont deux ou trois enfants à charge. La piscine est devenue un luxe inaccessible au grand public. Une situation déplorable, surtout lorsqu'on sait que l'objectif principal de leur création est de permettre aux petites bourses de faire profiter leurs enfants du plaisir de la natation et d'offrir aux jeunes une possibilité d'éviter la rue et tous ses dangers. Devant cette situation, le citoyen n'a pas d'autre choix que de chercher la fraîcheur sous les quelques arbres des jardins ou sous sa douche s'il en possède une. Le vide sidéral Les enfants de la wilaya de Tissemsilt se plaignent d'un manque de moyens de loisirs. En effet, ils manquent d'espaces de jeu et n'ont nulle part où aller. Les chaussées sont dangereuses et les rares soi-disant jardins n'attirent guère. Un animateur de colonie de vacances nous dira à ce propos : «Nos enfants manquent vraiment de distractions, car peu de gens possèdent des voitures pour emmener leurs enfants au bord de la mer.» On devrait penser à organiser pour ces défavorisés des journées «aérées» dans ces centres de vacances au bord de la mer. A titre indicatif, la wilaya de Tissemsilt compte une population de 305 000 âmes dont environ 50% d'enfants. Par ailleurs, la wilaya de Tissemsilt ne dispose pas d'organisateurs de colonies de vacances à part l'Analj. Même cette agence étatique sous la tutelle du MJS offre un quota limité pour la wilaya. Tissemsilt compte des directeurs diplômés de centres de vacances ainsi que des animateurs et animatrices qui sont chaque été au chômage et qui ne sont pris en charge par aucun organisme. Nos interlocuteurs (directeurs CVL et animateurs CVL) lancent un appel au ministre de la Jeunesse et des Sports et à la direction de l'Analj pour au moins prendre en charge les enfants ainsi que l'équipe pédagogique durant la période estivale. Selon les observateurs, la première incidence de la disparition de l'OACV a été d'abord la réduction des centres de vacances puis, automatiquement, la chute vertigineuse du nombre de places offertes aux colons. En effet, à cette période, les wilayas bénéficiaient d'un important quota pour les colonies de vacances, par session de 21 jours. En conséquence, tous les enfants ont eu la joie de fuir la canicule et de profiter pleinement de leurs vacances scolaires sur les plages. Au moment où les piscines font largement défaut dans les localités de Tissemsilt, sauf la piscine semi-olympique du chef-lieu de wilaya, où l'eau manque dans les rivières et la chaleur atteint des pics jamais égalés par le passé, les enfants de la wilaya de Tissemsilt ont eu un quota de 1 sur 300 pour aller séjourner en mer. A titre indicatif, cette wilaya compte une population de 360 000 âmes dont environ 50% d'enfants, soit un ratio de l'ordre de 0,01%. Cependant, ces places sont réparties en 3 sessions de 18 jours chacune. Se rendre à la plage coûte de plus en plus cher. Fautes de moyens, de nombreuses familles se résignent à rester chez elles pendant tout l'été. Pour les privés de vacances, la débrouille est de mise pour éviter de rester cloîtré chez-soi. Ceux qui ne partent pas en vacances ne prendront même pas le taxi ou le bus. Ils resteront sur place. Dans leur cité, et dans leur pavillon, pour les plus chanceux. Pas spécialement nantis, loin de là. Les jolies colonies de vacances En fait, les vacances sont soumises à une condition toute simple. La disponibilité du dinar. Or, il est introuvable quelquefois, surtout quand on est smicard ou vivant d'allocations sociales. Donc, pas de vacances pour les pauvres. Du coup, le budget vacances a fondu comme du beurre en un juillet caniculaire. Tout est déprogrammé. On va se contenter des plages artificielles ici, à Tissemsilt, et quelques descentes à Mostaganem ou à Tipaza. «Il ne faut pas se mentir, les vacances ce n'est pas pour tout le monde», se désole un ancien manœuvre, aujourd'hui au chômage. Avec ses trois enfants, dont un en bas âge, et son épouse, il arrive difficilement à boucler ses fins de mois. La notion de colonie de vacances est faussée. La gestion d'une colonie de vacances implique une action éducative et socioculturelle qui assure l'intégration dans la vie communautaire et cela nécessite un personnel performant et qualifié. De ce fait, encadrer au mieux un centre de vacances et assurer un agréable séjour aux enfants suppose une équipe d'encadrement motivée et imprégnée des concepts de la vie associative. Le centre de vacances ne doit en aucun cas être considéré comme un simple lieu de regroupement pour jeunes ou encore un hospice pour vieillards. Les études effectuées à travers le monde insistent sur l'importance de la qualification du personnel, de sa spécialisation, de son niveau d'instruction. Pour saisir l'importance d'une session qui se répartit en 3 phases de six jours chacune : la première étant celle de l'adaptation ; la deuxième de l'intégration et la troisième phase de la participation active à la vie en groupe, cela implique l'épanouissement de l'enfant, si les encadreurs remplissent les conditions exigées pour une telle action éducative. Malheureusement aujourd'hui, le bricolage est de mise, par manque d'organisation réfléchie et de programme d'action, ou les activités culturelles et scientifiques – jeux éducatifs et de sensibilisation– font largement défaut. Alors que plusieurs organismes déploient d'énormes efforts pour assurer toutes les commodités utiles et nécessaires à leurs centres de vacances et mettent tous les moyens à la disposition des directeurs des CVL pour permettre aux jeunes colons de passer d'agréables moments de détente, de loisirs et de plaisir. Une clochardisation rampante Le comportement de certains membres d'organismes et d'encadrement des CVL, dépourvus de bases solides, influe négativement sur la bonne marche des CVL, où certaines manières de faire et d'agir au su des petits colons affectent la bonne morale, l'organisation pédagogique et l'action éducative, qui doivent rayonner dans une pareille vie associative. N'est-il pas aberrant qu'un ouvrier professionnel occupe un poste important comme responsable d'un organisme, organisateur de CVL ou poste de directeur de CVL, alors que cette fonction, en milieu de jeunes, requiert des compétences avérées ? Par l'insuffisance d'activités culturelles et scientifiques, en l'absence de l'aspect pédagogique, la monotonie occupe une place de choix. L e programme d'une journée se limite la plupart du temps à 7h30/8h30 petit déjeuner, 10h la plage, 13h déjeuner, longue sieste jusqu'à 17h et plus, goûter, promenade, parfois veillée. Les responsables sont souvent absents, d'après ce qui se dit et se raconte, dans certains centres de vacances appartenant un organisme étatique, connu par l'organisation des CVL ou rien ne passe inaperçu, la plupart des directeurs désignés dans les CVL sont préoccupés par leurs besoins personnels. Un autre fait de taille suscite l'attention du simple visiteur, ces centres enregistrent quotidiennement des invités de circonstance et des dizaines de prises en charge sont supportées par le budget attribué aux enfants colons. Confier les enfants à des responsables, dépourvus de capacités intellectuelles adéquates, cela n'engendre que des répercussions négatives sur le moral de cette vie communautaire. N'est-ce pas la raison pour laquelle les parents hésitent pour envoyer leurs enfants en colonie de vacances. Quoique le visa d'exercer soit attribué aux directeurs et gestionnaires par le MJS, ayant participé à des stages et regroupements de formation organisés par le MJS, les organisateurs doivent se pencher sérieusement sur la qualité de l'équipe d'encadrement par un choix rigoureux et ne sauraient tolérer des défaillances négatives sur l'attitude comportementale de l'enfant. Ce merveilleux lieu mérite mieux. Ne dit-on pas que les apparences sont trompeuses ? Cette année, même le privé a investi dans l'organisation des colonies de vacances, mais la question qui se pose : comment se fait le recrutement de l'équipe pédagogique, sur quel critère et est-ce que le ministère de la Jeunesse et des Sports inspecte ses colonies de privés ? Le marchandage se fait par plusieurs organismes sous le dos des enfants et de certains directeurs de CVL qui ne cherchent que leurs intérêts. Par ailleurs, un organisme privé a octroyé ces centres de vacances en sous-traitance à un directeur qui n'en a que le titre. En outre, des directeurs de CVL interpellent le ministre de la Jeunesse et des Sports : «Il est temps que le MJS découvre tous les dépassements et les passe-droits.» Certains organismes ont pour mission de contribuer à la promotion et au développement des activités de loisirs éducatifs et de plein air.