Constantine a malheureusement perdu la grande joie de l'été qu'on lui connaissait. C'est la période des vacances, mais que faire en l'absence d'espaces de loisirs ? Les Constantinois se posent la question comment passer les vacances dans une wilaya qui enregistre un manque flagrant en matière d'espaces de détente et de distraction. Pour ceux qui ont les moyens financiers, la réponse est plier bagages et se diriger vers les villes côtières du pays. Les plus chanceux optent pour une destination plus éloignée à savoir, la Tunisie, alors que ceux qui font partie des «petites bourses» sont obligés de passer les vacances à la maison. En effet, de moins en moins de Constantinois partent en vacances durant l'été. Selon des observateurs de la scène sociale dans la wilaya, le nombre des familles qui ont des budgets serrés est en hausse. Ainsi, le taux des personnes qui quittent le territoire de la wilaya pour passer un agréable long séjour dans d'autres lieux est en nette régression. «Partir en vacances dépend du budget dont dispose chaque famille. Une large couche sociale ne peut plus se permettre des vacances. Cette dernière n'a que deux choix, à savoir passer les vacances d'été à la maison ou organiser des excursions», dira Nora, enseignante de sociologie à l'université de Mentouri. «Les mutations économiques que connaît le pays depuis quelques années sont la cause directe de cette situation», expliquera-t-elle. Les vacances à la maison… une obligation Nombreuses sont les familles constantinoises qui passent les vacances d'été à la maison, faute d'argent. Ces le cas de la famille de Salim, un agent de bureau dans une société privée, et de celle de Fadila, femme au foyer. Pour Salim, père de trois enfants, partir en vacances durant la période de son congé annuel est un luxe. Sa famille passe les vacances de l'été à la maison. «Mon salaire qui ne dépasse pas les 20 000 DA ne me permettra jamais d'offrir à ma famille un séjour au bord de la mer», affirmera-t-il. Le climatiseur et la parabole ont, heureusement, rendu leurs journées plus agréables. «Le crédit à la consommation nous a permis d'acheter un climatiseur qui a rafraîchi nos journées durant cette période des grandes chaleurs. Le soir, on se rend, à pied, à la place de la brèche pour déguster des glaces», enchaînera notre interlocuteur. De son côté, Fadila, mère de quatre enfants, nous confirmera que sa famille passe les vacances d'été à la maison, à cause de son budget, jugé limité. «J'aime la mer et la montagne, mais lorsqu'on n'a pas assez d'argent pour s'offrir des moments de relaxe et de loisirs dans un complexe ou dans un bungalow, on est obligé de rester chez-soi et de trouver d'autres moyens de repos et de divertissement», dira-t-elle. Et d'ajouter : «Pour notre famille, l'été ne signifie pas forcément plage et soleil. Mon mari touche 18 000 DA par mois, ce qui signifie que notre famille ne peut se permettre des vacances en dehors de la ville.» «La période des vacances de l'été, c'est l'occasion idéale pour mettre de l'argent de côté. Ma mère et ma sœur préparent les pattes constantinoises telles ‘'t'rida'' et ‘'t'litli'' à la maison avant de les vendre aux femmes qui travaillent», enchaînera Islam, le fils aîné de Farida. En effet, des centaines de femmes au foyer saisissent la période des grandes vacances pour élargir le budget familial. «Préparer la chakhchoukha à la maison et la vendre à 150 DA le kilo est une autre façon de passer les vacances chez-soi», nous a confié Karima, sans travail et titulaire d'un diplôme de formation professionnelle. Ainsi, des milliers de familles constantinoises font tout pour passer d'agréables vacances, en restant à la maison. «Notre maison a besoin d'une opération de toilettage. L'été est le moment propice pour peindre l'appartement. Ainsi, j'ai décidé d'accomplir la mission du peintre, étant donné que le budget familial est serré et pour combler mes journées vides et monotones», nous a révélé Djalil, étudiant à l'université des frères Mentouri. «J'ai passé une bonne partie de mes vacances à faire le grand ménage, à savoir laver les murs, les plafonds, le sol de la maison, les couvertures et les couettes qu'on utilise en hiver», lancera Amel, employée dans une administration, dans le cadre du filet social. Les balades et les shoppings pour les moins chanceux Le centre-ville de Constantine, qui s'est transformé en un gigantesque centre commercial à ciel ouvert, est le seul endroit où des milliers de personnes, venues des différentes localités de la wilaya, se rendent chaque matin pour faire des courses et du coup passer plusieurs heures en flânant et en dégustant les succulents plats traditionnelles, les brochettes de viandes et les glaces. «Je me rend au centre-ville trois fois ou plus au cours de la semaine, pour aller aux restaurants avec des amies. J'habite dans la commune de Didouche Mourad, et je suis en congé depuis le début de ce mois d'août, mais je n'ai pas les moyens de profiter d'un séjour au bord de la mer. Le centre-ville de Constantine est le seul endroit où je décompresse, en compagnie de mes amies et de mes voisines», nous a dit Wafa, rencontrée en plein centre-ville. De son côté, Houda, qui faisait du lèche- vitrines à la Rue de France, nous a avancé qu'elle considère le centre-ville comme l'endroit le plus adéquat pour passer des moments agréables avec les amies. «Chaque fin de semaine, je me dirige avec mes amies vers le centre-ville, pour nous balader et faire des achats, car j'habite dans une localité dépourvue de centres commerciaux», dira-t-elle. Les excursions font le bonheur des petits et des grands La gare routière est et la gare ferroviaire de Constantine sont bondées dès l'aube, de voyageurs allant vers le «littoral est». Ce qui démontre que beaucoup de personnes font tout pour rendre leurs vacances plus attrayantes, à l'instar de Houcine, de Mohamed et de Nadir. «Chaque fin de semaine, je prends le train qui se dirige vers la ville côtière la plus proche de Constantine, en l'occurrence Skikda, en compagnie de ma femme et de mes trois enfants. Les plages de Skikda, distante de 80 kilomètres, seulement, de Constantine sont bondées d'estivants venant essentiellement de la ville des Ponts durant toute la semaine», dira Houcine. «La plage Ben M'hidi, ex-Jeanne d'Arc, est notre source de bien-être et de villégiature. Il suffit de dépenser environs 2000 dinars pour profiter d'une demi-journée au bord de la mer. J'ai programmé quatre voyages durant le mois de mon congé annuel, au profit de ma petite famille, composée de trois personnes», répliquera Mohamed, employé dans une entreprise publique. Le crédit à la consommation a permis à nombreux individus d'acquérir des véhicules et du coup de s'offrir des excursions en direction de la mer ou de la montagne. «Grand fut notre bonheur, lorsque j'ai pu acheter cette année, une voiture par crédit. Actuellement, je peux faire plusieurs voyages durant les vacances d'été, en direction de plusieurs villes côtières dont Jijel. Lorsqu' on est propriétaire d'un véhicule, le problème du coût élevé des déplacements ne se pose plus. La veille de chaque excursion en direction de la mer, ma femme prépare un repas à emporter. Le matin, les enfants armés du parasol et des chaises longues montent dans la voiture pour se diriger vers la plage et revenir le soir», expliquera avec joie Nadir, technicien supérieur de la santé. Pour Farida, les excursions organisées par le comité de sa cité populaire sont une aubaine pour des centaines de familles et des jeunes du quartier à la recherche de moments de loisirs durant cet été. «Les habitants de notre quartier ont la chance de se prélasser au bord de la mer deux fois par semaine pour la somme de 300 DA par personne. Chaque mercredi, une sortie est organisée au profit des familles, alors que le vendredi est réservé aux jeunes», racontera notre interlocutrice. Dans le même contexte, les personnes démunies bénéficient depuis le début de la saison estivale de sorties en mer dans le cadre du plan bleu, chapeauté par les APC et la direction de la jeunesse et des sports. En effet, chaque personne démunie débourse entre 50 et 100 DA seulement, pour une sortie vers une région côtière. Aussi, environs 1000 enfants issus de familles nécessiteuses ont bénéficié de deux séjours en colonie de vacances, organisés par la Direction de l'action sociale de la wilaya. Les piscines ou le grand afflux Chaque été, les Constantinois sont à la recherche de nouveaux espaces, dotés de piscines, en vain. Le comble, c'est que les deux grands hôtels de la ville de Constantine, à savoir le Panoramique et Cirta, sont dépourvus de piscines. Des milliers de jeunes ne pouvant se permettre de se rendre à la plage sont déçus, car les piscines se font rares à Constantine. Les quelques piscines que compte la wilaya ne répondent plus à la forte demande des citoyens, sachant que les travaux de réhabilitation du bassin olympique du complexe Palmarium de Sidi M'cid, composé de trois bassins, d'un restaurant et d'une petit hôtel, sont toujours en cours ! Ainsi, les deux bassins annexes de ce complexe sont quotidiennement pris d'assaut par les baigneurs. Même constat au niveau des deux piscines de Aïn Smara et de Boussouf. «Chaque jour, nous accueillons pas moins de 200 enfants âgés de moins de 16 ans. Ces derniers, accompagnés de leurs parents profitent au maximum de la fraîcheur de la piscine. Les horaires de cette dernière sont aménagés pour les vacances d'été», dira M. Rouabeh, contrôleur au niveau de la piscine qui dispose de deux bassins. «Des 14 piscines, réalisées en 2002 par l'Etat, au niveau de plusieurs communes, seule la piscine de Boussouf est opérationnelle», indiquera la même source. « Je me déplace avec mes enfants, une fois par semaine jusqu'à la piscine de Boussouf, étant le seul lieu de loisirs à bas prix. Je débourse 180 DA seulement, pour que mes trois enfants fassent des plongeons durant trois heures», s'exprima Halima. La piscine de Aïn S'mara, située dans une auberge privée, enregistre depuis le début cet été un véritable afflux. Elle est bondée de familles aisées, à partir de 19 h. «Faute d'autres lieux de distraction, ma famille, composée de quatre personnes, préfère passer les soirées de chaque mercredi et jeudi dans cet auberge. Et pour que mes deux enfants, qui aiment nager, profitent de la piscine. C'est une occasion aussi pour dîner en plein air», dira Nacéra, cadre dans une entreprise privée. Des dizaines de familles se rendent chaque jour dans cette piscine pour que leurs enfants fassent des plongeons, alors que leurs parents sont attablés en face d'eux. Chetaïbi ou la destination prisée par les Constantinois Passer de longs séjours au bord de la mer durant l'été est l'une des traditions d'un grand nombre de familles constantinoises dont une bonne partie possède des logements, situés dans différentes villes côtières de l'est du pays, notamment Skikda et Annaba. «Passer l'été à Constantine est vraiment très dur. C'est une wilaya presque dépourvue des lieux de loisirs. Ma famille qui possède depuis des décennies une petite villa au quartier Belle-Vue, à Chetaïbi, passe les mois de juillet et d'Août de chaque année, dans cette localité paradisiaque. Et c'est le cas de dizaines de mes amies et de mes voisines», nous a dit Hannen. «Chaque matin, les véhicules portant l'immatriculation de Constantine traversent les artères de la ville. Les plages de cette dernière sont très prisées par les Constantinois», enchaînera-t- elle. Le nombre des familles constantinoises qui quittent le territoire de la wilaya, chaque été, pour se diriger vers les villes tunisiennes, afin de passer des séjours dans de luxueux hôtels et bungalows ou en louant des maisons à des prix, jugés abordables et même bas, est en hausse. Les familles de Wafa et d'Imen, à l'instar des centaines de familles ont passé de longs séjours en Tunisie où les lieux et les moyens de distraction et de repos ont été à leur porté, selon leurs propos. «L'été à Constantine est infernal. La canicule, le manque d'espaces de loisirs et la monotonie sont synonyme de l'été à Constantine. Ma famille peut se permettre des vacances à l'étranger. Ainsi, nous passons au moins dix jours, en Tunisie, durant chaque été», nous a révélé Wafa. «Passer 15 jours dans une ville balnéaire, en Tunisie, coûte moins cher qu'en Algérie», répliquera Imen.