Le «Lupin» jeune et courageux n'avait pas beaucoup de champ pour manœuvrer face à un juge qui a d'abord bien appris le dossier de vols d'appartements et mieux encore bien mené l'interro qui a mené tout droit le «Lupin» vers les «quatre ha» pour sept ans de prison ferme à cause des cambriolages au nombre de dix-sept. Questions de... nombre ! Le très jeune beau voleur, cambrioleur d'appartement sur les hauteurs d'Alger n'était pas bien à la barre. Déjà, avant d'arriver au box, il était en bas du tribunal avec des co-détenus. Et parmi eux, il y avait des inculpés dont des proches avaient été volés ou leurs domiciles et locaux commerciaux «visités». Alors, aux «quatre ha», on ne vous dit pas...- Alors, inculpé vous vous sentez bien ? On peut y aller ? Dit le président de la section correctionnelle. Cette question avait été posée par le tribunal car à deux reprises, le procès avait dû être ajourné et les deux fois, Sid-Ahmed ne se sentait pas bien. Mais cette fois, il était décidé à suivre la justice. Il n'a pas d'avocat et il l'avait signifié trois semaines auparavant que s'il avait les moyens, il ne serait jamais arrivé jusqu'à l'article 350 du code pénal. Cela écrit le juge pose une première question en prenant soin de vérifier le matériel qui va de l'arrache-clou au tournevis en passant par une scie qui avait servi à sectionner les cadenas «gros calibre». - Reconnaissez-vous les faits, inculpé ? dit le juge en évitant le regard du détenu. - Monsieur le président, je reconnais en partie seulement, on m'a collé le cambriolage de dix-sept appartements et locaux. Or, je n'ai reconnu avoir «visité» qu'une demi-douzaine ! Les murmures qui s'échappent dans l'air déjà vicié de la salle d'audience sont éloquents pour la suite des débats. Des débats empreints de clarté car en détention, Sid Ahmed devait apprendre qu'en tout état de cause, le bras de la justice était assez long et que certains magistrats n'avaient que du temps pour arriver à la vérité. Sans le montrer, le président semblait ravi de la démarche choisie par l'inculpé qui pourtant donnera du fil à retorde au représentant du ministère public tout comme son avocat qui avait les jeux déjà faits car le défenseur n'aura même pas besoin de se diriger vers les circonstances atténuantes, à écarter du fait de la répétition du délit. A la question de savoir s'il avait épié les lieux avant chaque opération, le détenu a fait un humour qui a déplu au procureur mais amusé la «galerie». «Monsieur le procureur, vous me demandez si je prenais soin de surveiller les lieux avant les “opérations” ce n'était pas la peine. Ce sont mes voisins que je connais très bien et dont je n'ignore pas les va-et-vient. Et puis, est-ce que ma réponse va peser dans le verdict ?» Une fois que les rires cessèrent, le président tapa sur le pupitre et s'écria sans ire : - Inculpé, le tribunal vous somme pour la dernière fois qu'ici, à part le tribunal nul n'est censé poser des questions sans sa permission ! L'inculpé fit oui de la tête et cracha le morceau. Plusieurs victimes demanderont leurs réparations. Le procureur réclamera une peine de dix ans ferme. L'avocat lui, ballonné par tant d'évidence, plaidera l'indulgence du tribunal et c'est peu dire. Après une courte mise en examen, Sid Ahmed écope de sept ans ferme ! Le procureur interjette appel en fin d'après-midi, histoire de ne pas laisser dormir tous les cambrioleurs pris les pieds dans les chambres.