Depuis un certain temps, nos magistrats manient le bâton ou la carotte, mais ces derniers temps, certains d'entre eux préfèrent ne pas encombrer la taule mais plutôt renflouer le cher et précieux Trésor public à des individus qui «dialoguent» à coups de bâtons ou de gourdins ! Il y avait grand monde ce mercredi à Hussein Dey. Devant Bahia Allallou, la présidente de la section correctionnelle, six jeunes sont debout pour répondre du délit de coups et blessures réciproques mais les deux procès ont été tenus séparément car il y avait un groupe de trois victimes ayant un arrêt de travail de neuf jours et le second groupe de trois autres jeunes inculpés qui ont recomparu en qualité de victimes. Et pour la juge, c'était plus que du chocolat. La tactique est simple. Ecouter d'abord les victimes se plaindre avec tout le chapelet d'exagérations, de port de gourdins, insultes qui ont abouti au délit du jour. Evidemment, l'autre son de cloche avait donné exactement la même version mais en mettant sur le dos des victimes le délit dans son intégralité. Aujourd'hui, nous vous narrons deux procès en UN !!! - Vous êtes arrivés à la Montagne ! lâche la magistrate en voyant les «supporters» des antagonistes. «Le tribunal prévient les gens venus assister à une audience publique qu'il ne tolérera pas de débordement, mais le premier qui tente seulement de troubler l'audience sera mis à la porte sans ménagements». Et c'est du Allalou tout cuit ! Un silence pesant suit le grave avertissement, ce qui va permettre à la présidente de reprendre les rênes des débats. «Houcine qui avait en main le gourdin et qui le lui a pris pour lui asséner deux coups sur le dos ?» dit sur un ton plus que menaçant la juge qui ne badine jamais, au grand jamais avec les inculpés qui ne disent pas toute la vérité. - Le gourdin ? Il était sur la chaussée. Je l'ai ramassé car je me suis dit qu'il vaut mieux qu'il soit entre mes mains qu'entre celles de Rachid, répond sans aucune intonation l'inculpé. - OK. Mais alors comment se fait-il que ce soit Azeddine qui ait agressé Réda ? Il y a une zone d'ombre et vous êtes le seul à pouvoir éclairer le tribunal, balance, la main sous les cheveux blonds, Allallou. Houcine n'ouvre pas la bouche. C'est Hamadache, le plus âgé d'entre tous qui va porter la lanterne aux feux salvateurs : «Madame la présidente, la vérité et afin d'abréger vos douleurs et vous faire gagner du temps, je vous avoue que ni Houcine, ni Azzedine, ni Rachid et ni Rida n'y sont pour quelque chose. C'est Saïd qui est l'agresseur mais je le lui ai bien rendu», reconnaît l'inculpé. - C'est bien vous qui avez le certificat médical de trois jours ? «Tout à fait madame la présidente. Ils sont tous ici et si je mens qu'ils le crient fort.» Un long silence s'instaure, Bahia Allallou va alors aller vite. Elle prend acte des demandes du procureur, le jeune Halim Boudra : six mois de prison ferme et dix mille dinars d'amende. Sur le siège, et pour chaque procès terminé, la présidente va remplir le Trésor public en infligeant à chacun des inculpés une amende de huit mille dinars chacun, histoire de tirer la sonnette d'alarme à l'intention des amateurs de boxe des artères que dorénavant, la poche sera tapée au lieu de décider de remplir les prisons, déjà encombrées...