Sur le port de Rotterdam, il y a des islamologues qui irritent. Le plus célèbre parmi eux, l'intellectuel Tarik Ramadhan, vient d'être viré de bord par la mairie de la ville, où il occupait le poste de conseiller à l'intégration, et de l'université d'Erasmus où il enseignait depuis 2007. Terminus. L'islamologue, qui a fait tant tourner les plateaux télé en Occident, est invité par voie de communiqué à descendre. Les deux institutions pensent que Tarik Ramadhan a perdu toute «crédibilité» et par conséquent, il ne faut plus prétendre à rapprocher les communautés musulmanes des non musulmanes à Rotterdam. Le dialogue des cultures, à l'échelle municipale, l'islamologue devra en faire son deuil. Bel et bien fini le temps de dire la chose et son contraire. L'homme à la langue bien fourchée est prié d'aller prêcher ailleurs. Qu'est-ce qu'il lui est reproché au juste ? D'avoir maintenu son talk-show hebdomadaire «Islam and Life» sur la chaîne iranienne Press TV, considérée comme la voix officielle du régime iranien. D'où l'incompatibilité relevée par plusieurs élus de la municipalité de Rotterdam : le conseiller à l'intégration ne peut pas louer la tolérance aux Pays-Bas et continuer de percevoir le salaire des mains des mollahs. Il faut savoir choisir son camp, disait W. Bush quand le choc des civilisations touchait le fond. Parce que Tarik Ramadhan n'a pas claqué la porte de Press TV qu'il est convié à prolonger ses vacances au Maroc pour l'éternité ? Ce n'est pas que le maintien de son émission qui a fait tilt chez des élus à la mairie de Rotterdam. A un moment de la contestation post-électorale, il aurait dû prendre position. Contre les ultraconservateurs, évidemment. En faveur de l'opposition iranienne et de toute une jeunesse qui aspirent ensemble à la démocratie autre qu'islamique. L'islamologue aura beau publier une lettre ouverte dans les colonnes du journal NRC, expliquant qu'il a toujours critiqué l'absence de liberté d'expression (…) et qu'il a condamné les tirs et la répression contre les partisans de Moussavi, ses rappels n'y changeront rien. Il restera indésirable dans les couloirs de la mairie et de l'université d'Erasmus pour «non assistance positionnelle» au réformisme en danger. Considéré comme des leurs (les Néerlandais), le «frère» Tarik devait honorer par sa position tranchée (manquante) toute la confiance que les Pays-Bas ont placée en lui. Lui pardonneront-ils un jour sa façon de faire comme si de rien n'était alors que des ressortissants européens continuent de servir comme «monnaie d'échange» dans le jeu trouble Iran-Occident ? Il faudrait d'abord qu'ils consentent à ignorer la virulente critique que Tarik Ramadhan avait eue en 2006 au moment de la tenue de la conférence sur l'holocauste. Seule consolation de l'heure pour l'Etat hébreu et leurs alliés occidentaux : les principaux leaders réformistes iraniens qui rejoignent en masse le mouvement «chemin vert de l'espoir» de Moussavi et la Russie qui promet à Israël de reconsidérer sa livraison de missiles à l'Iran.