Il a laissé des traces ineffaçables partout où il est passé. Le Pr Abdelmadjid Meziane s'est éteint après une longue maladie, à l'âge de 75 ans. Sa mort a laissé un vide immense dans les milieux de la culture et de la politique. Le caractère ouvert et courtois, homme de grande culture, il a laissé des traces ineffaçables partout où il est passé. Né à Tlemcen, le 17 mars 1926, il a fréquenté l'école de la ville, puis la médersa qui formait des cadres bilingues (arabe et français); il a enseigné quelque temps à Dar Al Hadith, établissement libre de l'association des Oulama. Il s'est rendu par la suite au Maroc où il a exercé diverses fonctions, notamment celle d'interprète judiciaire. Mettant à profit ses moments de loisir, il a fréquenté la faculté des lettres de Rabat où il a obtenu une licence de sociologie-philosophie. Très tôt, il a adhéré au mouvement nationaliste. Pendant la guerre de Libération, il a rejoint le FLN qu'il a fini par représenter au Maroc jusqu'à l'Indépendance; il s'est chargé de diffuser le message de la Révolution à la Radio libre du Rif. Lorsque notre pays s'est définitivement libéré, il a occupé le poste de wali à Béchar, puis à Oran, avant d'être appelé auprès de la présidence de la République. A la suite du 19 juin 1965, il a été écarté temporairement de la scène politique, puis il a enseigné la sociologie à l'Université d'Oran et celle d'Alger. C'est au département de philosophie que nous sommes devenus des collègues et amis. Tout nous rapprochait: la double culture, l'enseignement, les conférences et les colloques, l'attachement aux valeurs du pays, le goût de la culture et de l'écriture. Il a préparé sa thèse de doctorat sur Ibn Khaldoun et l'a soutenue brillamment à Alger. Intervenant dans les débats de l'heure, il a publié de nombreux articles et participé à des émissions télévisées et radio-diffusées où son esprit critique et son érudition se sont donné libre cours. Il a également fourni de multiples études à des institutions nationales et étrangères et a été choisi en qualité de membre de l'Académie royale de Rabat. Appelé en 1981 à la tête de l'université d'Alger, comme recteur, il a rempli sa mission avec efficacité et souplesse, bénéficiant de la sympathie de ses collègues et de ses étudiants. Nous avons lié amitié séparément avec le philosophe islamologue Louis Gardet qui nous a invités à tour de rôle au collège philosophique de Toulouse pour donner des conférences à ses étudiants. Il nous est arrivé aussi de participer ensemble à des colloques sur le dialogue islamo-chrétien, surtout en France et en Tunisie, sans pouvoir toujours parvenir à un accord sur les conditions d'une compréhension mutuelle. Les préjugés nourris de part et d'autre ne l'ont pas toujours permis. Mais nous avons pu arriver au respect réciproque de nos croyances, sans lequel aucun dialogue sérieux et durable n'est possible. De l982 à 1986, il a été ministre de la Culture et du Tourisme. Après cela, il s'est retiré à Tlemcen pour se reposer, lire et écrire. Il a mis cette période à profit pour se soigner, sa santé lui donnant quelques soucis. En 1998, il a été rappelé à Alger pour occuper les fonctions de président du Haut conseil islamique (HCI) jusqu'à son décès survenu le 15 janvier 2001. Un nombreux public l'a accompagné jusqu'à sa dernière demeure au cimetière d'El Alia. Ses amis et ses collègues ont rendu hommage au savant, à l'homme, au patriote...Tous ceux qui l'ont connu de près ont célébré sa générosité, sa culture, son urbanité, sa foi et d'autres qualités humaines. Nous nous sommes inclinés devant la douleur de sa famille et nous avons partagé sa peine, comme tous ses amis et collègues. Que Dieu l'agrée dans sa miséricorde. (*) Président du Haut conseil islamique. Universitaire et ancien ministre.