A plus d'une centaine de kilomètres au sud de Batna, sur la route de Biskra, non loin de la commune de Ghassira, un magnifique canyon sinueux au bas duquel serpente l'oued Labiod s'offre à la vue des automobilistes de passage. D'une beauté unique au monde, classés patrimoine national en 1928 puis en 2005, les balcons du Ghoufi, du nom d'un village tout proche, surplombent une magnifique oasis agrémentée de palmiers où le pétillement de la vie tranche avec le côté majestueux mais figé des gorges naturelles. Cet endroit constitue de loin l'attraction touristique la plus prisée de Batna même si une meilleure valorisation des atouts du site reste à imaginer. Les responsables locaux du secteur touristique misent, pour requalifier ce site et intéresser de potentiels investisseurs, sur la classification du Ghoufi en zone d'expansion touristique (ZET). Selon le directeur du tourisme, Ghoufi fait partie de six zones (Timgad, Tazoult, El Mehmel, Arris, Ghoufi et Saïda) proposées pour constituer des zones de ce type, au moyen d'une étude «se trouvant actuellement au niveau du ministère en vue de la promulgation des arrêtés exécutifs de classification». La ZET proposée à Ghoufi s'étend, ajoute Abdelouahab Rabah, sur 338 ha, dont 10 aménageables et desservis par les divers réseaux d'électricité, d'eau potable, d'assainissement et de gaz naturel. Plusieurs vieux villages du site n'ont pas été découverts à ce jour Traversées par le mythique Ighzar Amellal (oued Labiod), les gorges du Ghoufi, accessibles par la route nationale n°31 reliant Batna à Biskra, viennent de bénéficier de l'aménagement d'escaliers en pierre permettant aux visiteurs de descendre jusqu'à la verdoyante oasis nichée 200 mètres plus bas, au pied des quatre balcons proprement dits du Ghoufi. L'initiative de cette opération est à mettre à l'actif de la commue de Ghassira, affirme Djamel Belkacemi, le président de l'APC, qui précise que 8 millions DA ont déjà été puisés à cet effet du programme de développement 2008. L'opération a porté sur la réalisation de 2 kilomètres d'escaliers sur les versants nord et sud du site, en plus de la requalification du mur des balcons dont les travaux «sont à 70% terminés». A proximité des deux premiers balcons, 24 locaux à usage commercial ont été construits et distribués à des jeunes sans emploi. Ils seront exploités après leur raccordement au réseau électrique, affirme le même élu. Pour Mohamed Benmedour, président de l'association Tourisme et artisanat traditionnel de Kaf Laârousse (Ghassira), une initiative intégrée «doit être lancée conjointement par les instances chargées du tourisme et de l'archéologie pour revaloriser ce site». Se disant «outré» par l'utilisation du béton armé dans certaines opérations récemment menées à Ghoufi, il assure que «plusieurs vieux villages du site n'ont pas été découverts à ce jour» faute de voies aménagées pour y accéder. Egalement seul guide touristique de la région, M. Benmedour estime que les vestiges archéologiques que représentent les vieux villages avec leurs habitations, mosquées et imposantes taqliâth (genre d'immenses bâtiments communautaires pour le stockage des aliments) doivent être classées et protégées car constituant «un précieux héritage de plusieurs siècles». Le plan d'urgence de protection du site du Ghoufi, réalisé en 2004 par la direction de l'urbanisme et de la construction, ainsi que l'étude de réhabilitation du site touristique menée depuis quelques années insistent également sur «l'impérative sauvegarde» du patrimoine archéologique au travers d'actions urgentes de préservation de ces vestiges «d'une grande valeur pour l'histoire de toute l'humanité». Une résurrection attendue Trois familles continuent à vivre dans certains de ces villages, rappelle M. Benmedour, qui cite la famille Tafsasset du village Idharène qui vient de réhabiliter la maison héritée de père en fils près de la taqliâth de Ath Mimoune. Son propriétaire Salah Benabdelkader a recouru aux vieux matériaux de construction composés de moellons, de troncs de bois et de palme pour remettre à neuf son habitation, véritable vestige d'un autre temps, a-t-on constaté in situ. En accédant à la région par Arris via les gorges de Tighanimine qui conservent toujours les transcriptions latines témoignant du passage en l'an 145 de la 6e légion romaine puis, 17 siècles plus tard (1850), de l'armée d'occupation française, le visiteur est saisi par la multitude de villages (Hitesla, Idharène, Ath Mimoune, Touriret...) accrochés sur les flancs des falaises le long d'Ighzar Amellal. Ces minuscules agglomérations agglutinées les unes aux autres semblent jaillir de la roche à laquelle elles s'agrippent comme pour ne pas glisser vers le fond de ces escarpements. En plein milieu de ces villages se dresse l'ex-hôtel Transatlantique (aujourd'hui simple vestige), construit au tout début du XXe siècle à même la roche avec laquelle il se fond, selon la tradition et les procédés des constructeurs autochtones. Rencontré sur le site, Mohamed, un vieux habitant de Ghoufi, affirme qu'au tournant de chaque balcon se trouve un village au milieu duquel se dresse une taqliâth, un bâtiment de plusieurs étages contenant un nombre de chambres égal au nombre des familles du village et servant pour l'entreposage des récoltes et des provisions. Chaque taqliâth a une histoire à raconter, affirme cette vieille personne. Les taqliâth de Ath Mimoune, Ath Yahia et Ath Mansour encore debout se présentent dans une architecture typiquement berbère. Les principaux matériaux utilisés sont des pierres sommairement polies et jointes avec un mortier localement constitué, ainsi que des troncs d'arbre dont les palmiers-dattiers. Ghoufi n'est pas que taqliâths, mosquées et paysages féeriques vivifiés par Ighzar Amellal dont la blancheur à l'origine de son appellation vire de plus en plus vers le vert du fait de la pollution. La région est aussi célèbre pour son artisanat traditionnel, notamment ses petits tapis à poils de chèvre et ses poteries délicatement modelées par les mains expertes des artisanes locales. Elle renferme également plusieurs vestiges de la civilisation romaine notamment à Tifelfel et Ouled Abed qui n'ont pas échappé au pillage et aux actes de vandalisme, affirment des habitants. En 1986, une importante découverte de pièces de monnaies frappées de l'effigie de Juba II a été faite dans la région par le défunt Brahim Melkani, rappelle notamment M. Benmedour, qui, comme les autres jeunes de Ghassira, nourrit l'espoir d'assister un jour à la résurrection de ces lieux extraordinaires.