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Wahran, une cité au passé florissant sous différents règnes
Publié dans Le Temps d'Algérie le 14 - 09 - 2009

Entre 910 et 1082, Oran, en arabe Wahran, devient un objet de conflit entre Omeyyades de Cordoue et Fatimides. Le conflit entre des fractions des Ifrenides et les Fatimides conduit en 954 à la prise de la ville d'Oran par Yala Ibn Mohamed des Ifrenides. Oran est détruite sur son ordre et reconstruite dans un autre endroit.
Par la suite, les Zirides reconstruisirent la ville d'Oran sur le site actuel. La ville passa ensuite sous domination des Almoravides, dynastie berbère originaire du sud de l'actuelle Mauritanie, jusqu'en 1145, lorsque l'émir Ibrahim Ibn Tachfin y périt en luttant contre les troupes Almohades déjà victorieuses devant Tlemcen. Il fut acculé au haut d'une falaise de la montagne Murdjadjo et se cassa le cou en tombant avec son cheval. Il voulait rejoindre le port de Mers El Kebir où il devait embarquer pour l'Andalousie.
La présence des Almohades fut marquée dès 1147 par le début des persécutions contre les juifs d'Oran. Créé en 1162, le nouveau port d'Oran devint vite le plus important du Maghreb, quand Abdelmoumen y ouvrit ses chantiers navals et leur confia la construction d'une partie de sa flotte de guerre. Oran et Honaïne s'associèrent pour construire les cent vaisseaux commandés par Abdelmoumen Ben Ali.
Oran connut neuf différents pouvoirs
L'empire qui domina le Maghreb plusieurs décennies s'émietta peu à peu pour finalement donner naissance à des dynasties plus locales. En 1230, les Hafsides de Tunis, en 1235 les Zianides de Tlemcen, puis en 1258 les Mérinides de Fès. En 1287, les juifs de Majorque firent leur première apparition à Oran.
«En moins d'un demi-siècle, dit M. L. Fey, Oran passa neuf fois sous différents pouvoirs. Ben Abbad réussit à se maintenir à la tête du gouvernement oranais, à la condition de se reconnaître vassal du royaume hafside (1437). Oran reçut dans ses murs vers cette époque le célèbre Mohamed IX Al Aysar, surnommé le gaucher, et quinzième roi de Grenade, obligé de fuir devant ses sujets insurgés.
A la mort de Ben Abbad, Oran obéit aux Zianides de Tlemcen.
Sous cette nouvelle domination, Oran jouit d'une grande prospérité, elle devient l'entrepôt d'un commerce très actif et très étendu. Marmo et Alvarès Gomès en rendent témoignage : l'ivoire, les dépouilles d'autruche, les peaux de bœufs tannées, la poudre d'or, les céréales étaient d'inépuisables sources de richesses pour les habitants, qui excellaient aussi dans la fabrication des étoffes de laine et dans celle des armes blanches.
Les Vénitiens, les Pisans, les Génois, les Marseillais et les Catalans achetaient à l'envi ces produits, écoulant par contre des étoffes, des verroteries, de la quincaillerie grossière et du fer. Oran comptait 6000 maisons, des mosquées splendides, de vastes entrepôts commerciaux et de nombreux édifices remarquables.»
Supérieure par son commerce
La protection de l'émir, le système douanier (tarifs), le commerce avec Marseille et les républiques italiennes de Gênes et de Venise, avec lesquelles Oran signe en 1250 un traité de commerce pour une durée de quarante ans, font d'Oran une ville prospère, à tel point que vers la fin du XIVe siècle le célèbre historien musulman Ibn Khaldoun la décrivait ainsi :
«Oran est supérieure à toutes les autres villes par son commerce. C'est le paradis des malheureux. Celui qui arrive pauvre dans ses murs en repart riche.» La ville excelle, en effet, dans l'exportation du plomb, de la laine, des peaux, des burnous fins, des tapis, des haïks, du cumin, des noix de Galle, mais aussi la traite des esclaves.
A partir de 1493, Oran va accueillir un nombre important de réfugiés grenadins. La ville va devenir le point de départ de nombreuses attaques contre les côtes espagnoles. L'envie de vengeance des Andalous expulsés et à mesure que leur nombre augmente feront que les côtes algériennes vont être de plus en plus impliquées dans les attaques contre les chrétiens.
Cela permettra à la couronne de Castille, alliée à celle d'Aragon pour le compte des rois catholiques au début du XVIe siècle, l'occupation de plusieurs ports d'Algérie (Honaïne, Mers El Kebir, Oran, Ténès, Cherchell, le Peñon à Alger, Béjaïa, Tedelès, Jijel et Annaba). Mais grâce à l'aide ottomane, les Espagnols seront refoulés de tous les ports, sauf Oran et Mers El Kebir.
La plus belle cité de l'époque
D'après Al Idrissi, «Wahran est près du bord de la mer, elle fait face à Almeria sur la côte d'Andalousie dont elle est séparée par deux journées de navigation. Marsa El Kebir est un port sans pareil sur tous les rivages de la Berbérie. On trouve à Wahran des fruits à profusion. Ses habitants sont des hommes d'action, puissants et fiers».
Ibn Khemis en dit : «Les deux villes frontières qui m'ont plu dans le Maghreb sont Oran de Khazer et Alger de Bologhine.»
Selon Léon l'Africain, «Oran est une grande cité bien fournie d'édifices et de toutes sortes de choses qui sont séantes à une bonne cité, comme collèges, hôpitaux, bains publics et hôtellerie, la ville étant ceinte par ailleurs de belles et hautes murailles».
Il faudra attendre le débarquement de Mers El Kebir, en 1505, pour voir l'Espagne s'engager dans la première expédition organisée contre Oran. La cité comptait alors 6000 feux, soit environ 25 000 habitants.
La cité s'agrandit vite et décline
Après l'occupation du port de Mers El Kebir (1505) et celui de la ville d'Oran (1509), la ville fut désertée puis totalement occupée par les troupes espagnoles. «C'est la plus belle ville du monde», s'écria en 1509 le cardinal Jiménez de Cisneros après avoir vu Oran la Joyeuse qu'il venait d'annexer par les armes à la couronne des rois catholiques. Dès cette même année, le cardinal entreprit de construire sur les ruines de la mosquée Ibn El Beitar l'église Saint Louis, qui domine la vieille ville des deux côtés.
En 1554, le gouverneur comte d'Alcaudete fit alliance avec le sultan marocain Mohamed Cheikh contre les Turcs, alors installés à Alger, et parvint à maintenir encore la présence espagnole. Au XVIe siècle, les Espagnols font ainsi d'Oran une place forte. En 1563, Don Álvarez de Bazán y Silva, marquis de Santa Cruz, fit construire au sommet du pic de l'Aïdour (Murdjadjo) le fort de Santa Cruz qui porte son nom.
Suite au décret d'expulsion des Morisques, plusieurs vagues vont débarquer à Oran.
Certains s'établirent aux alentours de la ville (Misserghin, les Andalouses, El Ançor, Bousfer, Krystel, etc.), d'autres se dirigèrent vers des villes telles que Tlemcen, Nedroma, Mostaganem, Blida, Alger, etc. Les juifs d'Oran n'eurent pas la vie facile avec les Espagnols, considérés comme des ennemis de la religion. Ceux qui habitaient Ras El Aïn et le Ravin Blanc furent expulsés hors d'Oran à partir de 1669. Malgré ses fortifications, la ville était l'objet d'incessantes attaques jusqu'au pied même des remparts.
En 1701, le Rozalcazar, ou Bordj Lahmar, ou encore Château Neuf, était considéré comme la plus grande des fortifications de la ville d'Oran. C'est ainsi qu'en 1707, Moulay Ismaïl, sultan du Maroc ayant tenté d'en forcer la défense, vit son armée décimée. La ville dès lors connaît une croissance continue : il lui faut gagner de l'espace et de l'air au-delà des remparts. La démolition des murailles est menée à bien sur plusieurs années. En ce moment-là, les Espagnols, coincés, s'enferment à l'intérieur du fort.
Par manque de ravitaillement, ils se nourrissent pour la première fois de la fameuse karantika. Ainsi, de 1708 à 1732, la ville redevient pratiquement déserte. En 1770, Oran est une ville de 532 maisons particulières et 42 édifices, une population de 2317 bourgeois et 2821 déportés libres se livrent au négoce. Entre 1780 et 1783, le ministre Floridablanca proposa à l'Angleterre d'échanger Oran contre Gibraltar. Et enfin en 1790, un tremblement de terre toucha complètement la ville et un incendie dévora le reste
Le bey Mohamed El Kebir va prendre possession de la ville
La domination espagnole avait connu une éclipse de 1708 à 1732, permettant au bey turc Mustapha Ben Youssef (dit Bouchelaghem), le fondateur de la ville de Mascara, de s'emparer d'Oran. Seule la victoire de l'armada du duc de Montemar à Aïn Turk permit aux Espagnols de chasser les Turcs. Sous leur domination, les exilés juifs avaient pu regagner la ville et durent repartir pour Tlemcen après 1732.
Le mois d'octobre 1790 plongea la ville dans la désolation et dans le deuil.
Dans la nuit du 8 au 9, un violent séisme fit plus de 3000 victimes en moins de sept minutes. A la suite de ce terrible événement, le roi d'Espagne Charles IV ne vit plus l'intérêt d'occuper Oran, qui devenait de plus en plus onéreuse et périlleuse, il entama des discussions, qui durèrent plus d'une année, avec le bey d'Alger.
Un traité est signé le 12 septembre 1792. Après un long siège et un nouveau tremblement de terre qui désorganisa les défenses espagnoles, le bey Mohamed Ben Othman, dit Mohamed El Kebir, prit possession d'Oran. Jusqu'en 1830, les beys firent d'Oran leur capitale au détriment de Mascara.
Mohamed Essenni Al Mahadji, le premier imam
En 1793 fut achevée la mosquée du bey Mohamed El Kebir, qui a servi de médersa dite de Kheng Ennitah et de cimetière familial au bey, appelé le borgne, et que fut édifié le mausolée (kobba) du patron de la ville au nom de Cadi Boulahbal. Dans la vieille ville (Casbah), le quartier porte le nom de l'imam El Houari El Maghraoui, qui appartient à des fractions de la tribu berbères des Maghraoua). En 1794, des pèlerins venus de La Mecque apportèrent une nouvelle épidémie de peste et la ville redevint pratiquement déserte.
En 1796, la mosquée du pacha, nommée en l'honneur de Hassan Pacha, dey d'Alger, est construite par les Turcs avec l'argent provenant du rachat des prisonniers espagnols, après le départ définitif de ces derniers. Le premier imam de la mosquée, Mohamed Essenni Al Mahadji, fut l'un des conseillers du bey d'Oran et exerçait comme inspecteur principal sous le règne du bey Mohamed El Kebir.
En 1800, Ben Abdelkader Ben Abdallah Al Mahadji obtint le poste de cadi d'Oran, qu'il conserva jusqu'à sa mort. Après le départ des Espagnols, Oran resta 39 années sous autorité turque.


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