Le gouvernement est bien décidé à sauver les entreprises publiques pour les engager au cœur de la nouvelle stratégie de relance économique. Après l'Eniem (Entreprise nationale des industries de l'électroménager) qui a bénéficié d'un effacement total de ses dettes estimées à 16 milliards de dinars, dont 13,4 milliards de dinars de découvert auprès des banques , la Société nationale des véhicules industriels se prépare à un processus d'apurement de ses dettes s'élevant à plus de 40 milliards de dinars et un découvert bancaire de l'ordre de 40 milliards de dinars. Le PDG de cette entreprise, Mokhtar Chahboub, rencontré dans le cadre de la conférence-débat organisée dans la soirée d'avant-hier par le Forum des chefs d'entreprises, nous a confié que les dettes seront prises en charge par l'Etat. «Le niveau des dettes importe peu dans une entreprise publique, parce que nous avons accepté de supporter certains projets. Le problème est de décider du devenir de cette société», affirme-t-il dans cette interview qu'il a bien voulu nous accorder. Quel regard portez-vous sur le thème de la conférence-débat organisée par le Forum des chefs d'entreprises sur la place de l'entreprise algérienne dans le nouveau plan quinquennal ? Ce que je souhaiterais dire en tant que gestionnaire d'une société publique, c'est l'importance de restituer le rôle d'une entreprise dans le contexte économique algérien. Le constat a été déjà fait il y a quelques mois. Nous avons appris que le secteur public est malade. Il faudrait donc le soigner. Il existe un secteur privé industriel, mais embryonnaire. A partir de ce constat, il faudrait développer une entreprise industrielle algérienne capable de relever les défis. Si je prends le cas de notre entreprise qui crée de la richesse et qui est une entreprise de transformation avec un taux d'intégration qui dépasse les 50%, elle a besoin d'être soutenue par les pouvoirs publics pour pérenniser ses activités et se développer. A partir de ce type d'entreprise, il faudrait créer un processus qui va permettre de générer un tissu industriel important qui fait actuellement défaut en Algérie. L'industrie algérienne ne peut être constituée aujourd'hui que d'entreprises PME et PMI éligibles. Le deuxième point que je voudrais souligner concerne cette vision vis-à-vis des actions des pouvoirs publics. Il ne faut pas toujours braquer les yeux vers le haut et critiquer la démarche de l'Etat. Les pouvoirs publics ont besoin de nous pour être informés. Il faut donc voir comment créer des rencontres régulières entre nous. Il existe un cloisonnement notamment entre le secteur public et privé. Il n'y a pas de passerelles et de synergie entre les organisations de chefs d'entreprises. Aussi, je pense qu'il ne faudrait plus passer le temps à nous comparer aux pays voisins. Il faudrait construire notre pays par rapport à des objectifs clairs et identifier les besoins réels des entreprises. Il y a nécessité d'ouvrir un débat sur les moyens à mettre en œuvre. Si je prends l'exemple du véhicule industriel, il y a 20 ans, les besoins de l'Algérie étaient de moins de 10 000 véhicules. Aujourd'hui, nous sommes à 40 000 et peut-être même 50 000 véhicules. Du fait de l'état des équipements de la production nationale, le débat consiste à dire : comment doit-on répondre en tout ou en partie à ces besoins. Malheureusement, ce débat n'existe pas encore. Que pensez-vous justement des mesures prises par les pouvoirs publics dans le cadre de la loi de finances complémentaire 2009 ? J'approuve totalement les décisions qui ont été prises par les pouvoirs publics dans le cadre de la loi de finances complémentaire, même si cela fait mal à certains opérateurs. C'est une manière de réguler les importations. Pensez-vous que les entreprises algériennes seront en mesure de prendre en charge les projets inscrits dans le nouveau plan quinquennal ? C'est possible. Il y a un élément très important à rappeler. Il faudrait établir un véritable état des lieux de nos capacités nationales et ce, pour définir le potentiel existant et dans quel état se projeter dans l'avenir. Il faudrait associer les chefs d'entreprises et nous avons de la matière grise et de l'expertise. Nous avons des compétences qui peuvent créer et concevoir des projets. Qu'en est-il de l'avenir de la SNVI ? Vous êtes confrontés au problème de dettes et de découvert bancaire ? Effectivement, nous ne serons bien qu'une fois notre dette assainie. Certains vont dire que l'Etat continue à jeter de l'argent dans les entreprises publiques. Personnellement, je ne partage pas cet avis. Il faut savoir qu'une entreprise comme la SNVI n'a pas bénéficié d'un assainissement depuis les années 90. Une entreprise qui n'est pas dotée d'un fonds de roulement et qui a commencé à fonctionner avec un découvert ne peut pas faire face aux investissements et aux coûts de développement. Et lorsqu'elle a livré des produits, elle n'est payée que trois mois après. Donc, elle voit son chiffre d'affaires bloqué à l'extérieur. Elle sombre dans le découvert de cette manière. On se dirige vers l'assainissement de vos dettes… Nous sommes dans un processus d'assainissement, mais avec une condition qui est le respect d'un contrat de performance. Aujourd'hui, nous ne pouvons pas négocier un contrat de performance sans avoir les moyens de le réaliser. Il a été décidé par les pouvoirs publics de manière formelle de traiter le problème des entreprises publiques et de les mettre dans des situations de sociétés bancables à même de fonctionner normalement et de leur demander des comptes à travers des contrats de performance. Nous sommes dans la phase de préparation de ce processus qui normalement va être traité dans les trois mois prochains et qui deviendra effectif en 2010. Il faut dire qu'il y a eu des études d'experts qui ont démontré que cette entreprise (SNVI), sous réserve de son assainissement, peut fonctionner normalement et développer son activité. Ces études ont démontré la viabilité de l'entreprise, à condition d'éponger le passif. Propos recueillis par Farouk Belhabib