est un éminent médecin, dirigeant le service pédiatrie de l'hôpital de Belfort, en même temps qu'il est de cette race d'hommes qui font tout ce qui est en leur pouvoir pour guérir, sinon au moins soulager les souffrances de leurs semblables. Pédiatre, c'est tout naturellement qu'il s'intéresse à l'enfance, particulièrement l'enfance souffrante. Très tôt, il s'est porté au secours des enfants traumatisés de Bentalha, en y mettant la bonne volonté et la compétence de l'association qu'il préside, soit la Fondation pour la promotion de la santé et le développement de la recherche (Forem). Le docteur Khiati a écrit un livre intitulé Algérie : l'enfance blessée, paru aux éditions Barzakh en 2003, et qui porte en sous-titre Les enfants de Bentalha racontent. Ce livre rapporte une expérience de cinq ans (1997-2002) de traitement psychologique des enfants choqués par le massacre tristement célèbre. Le livre est suivi d'une brochure éditée par les soins de la fondation sous le titre Les enfants traumatisés par la violence. Dans ce texte, il est question des violences de toutes formes qui traumatisent l'être innocent qu'est l'enfant et qui le marquent souvent à vie. Dans cette brochure, l'auteur note que «selon un décompte fait à partir des informations publiées par la presse nationale, il apparaît que plus de 12% des victimes de la tragédie nationale sont des enfants et des adolescents». Uniquement pour la période 1992-2000, la Forem a évalué à plus d'un million le nombre d'enfants traumatisés par la violence qui s'était déchaînée avec une rare intensité. «Parmi eux, 250 000 sont orphelins d'un des deux parents ou des deux. Ces enfants orphelins de la violence ont été dans leur grande majorité accueillis par des parents à eux, parfois même par de lointains parents. Les trois centres créés par l'Etat pour les accueillir (Relizane, Bouira et Jijel) affichent un taux de remplissage d'à peine 50%, ce qui représente environ 300 enfants.» Moins de 5% des enfants traumatisés bénéficient présentement d'une prise en charge psychologique. Le reste est livré à lui-même et «les enquêtes sur le terrain ont montré, quatre après les grands massacres, et parfois plusieurs années après les divers événements traumatisants que beaucoup de ces enfants devenus adolescents souffrent en silence». Nous avons pris là quelques passages de la brochure à laquelle nous renvoyait l'auteur pendant l'entrevue à la fin de laquelle nous lui posâmes ces questions : Comment appréhendez-vous toute cette violence multiforme qui s'abat sur la société ? C'est effarant, d'autant qu'il faille s'attendre à la recrudescence de la violence sociale. Tout l'indique : les traumatismes multiples, y compris la misère et le chômage, mais aussi l'incivisme et l'inculture. Pensez seulement au vocabulaire d'une extrême pauvreté dont use une bonne partie de la jeunesse. Tout y est violent et fait référence aux armes ; ainsi, on dit que tel a une parole «ki r'sassa» (comme une balle), et pour désigner une jolie fille ne dit-on pas d'elle qu'elle est «boumba» (c'est une bombe !). Alors, y a-t-il de quoi être optimiste ? Devant le déferlement de la violence sociale, pensez-vous que l'Etat est en mesure de faire quelque chose pour l'éradiquer ou, tout au moins, l'atténuer ? Trop tard, ou cela mettra beaucoup de temps et exigera d'énormes moyens. Il aurait fallu s'y prendre très tôt. Mais il ne faut désespérer de rien. Quant à nous, nous continuons à faire ce qui est dans nos possibilités, et nous avons créé cinq centres de traitement et de suivi psychologique dans les régions qui ont été et parfois demeurent éprouvées par la violence : Remka, Aïn Defla, Chlef, Tiaret et Tissemsilt. Enfin, un centre Forem est en construction à Zemmouri.