L'annonce, vendredi, par la France, de la création d'une «fondation pour la mémoire de la guerre d'Algérie», remet au goût du jour la fameuse loi du 23 février 2005. On s'en souvient, l'adoption de cette loi qui avait consacré expressément dans son article quatrième le rôle «positif» de la colonisation, avait jeté un froid dans les relations algéro-françaises à un moment où les deux pays s'étaient engagés à tourner définitivement les pages du passé. Le sujet qui a fâché le plus et sur lequel les Algériens ne sont pas près de se taire, même après le retrait de l'article incriminé, est, sans conteste, cette volonté délibérée de la France officielle d'occulter ses responsabilités historiques en refusant, en particulier, de reconnaître les crimes dont elle s'est rendue coupable envers les peuples qu'elle a colonisés. On le sait, au plus haut sommet de l'Etat français, il n'a jamais été aussi question de «repentance» envers toutes ces jeunes nations anciennement sous tutelle de l'empire colonial français qui ont vécu l'enfer de la domination. Sarkozy considère qu'un tel acte s'apparentait à une forme de «haine de soi» et de «dénigrement de son pays». Exit donc les horribles massacres du 8 mai 1945 et du 20 août 1955, les «enfumades» du Dahra et les expéditions punitives du temps de la conquête, oublié le code de l'indigénat et le système d'apartheid que l'administration a eu à appliquer jusqu'en 1962… C'est, présentement, le but recherché à travers la création de cette fondation dont le rôle a été défini de façon précise par le secrétaire d'Etat français à la Défense et aux Anciens combattants. Devant les associations de harkis, réunies à l'occasion de la 7e «journée du souvenir», Hubert Falco a indiqué que l'objectif recherché à travers cette fondation est de construire «une mémoire historique commune» en s'appuyant sur «des travaux historiques sérieux». Autrement dit, dans le sens voulu par l'Etat français et les associations franchouillardes genre «Le souvenir français», «Les gueules cassées» et la «Fédération nationale André Maginot» qui vont la soutenir financièrement après avoir déjà versé dans ses comptes un premier pactole de 7 millions d'euros. On en est donc à défendre la vision étriquée d'une certaine classe politique française qui entend consacrer, contre vents et marées, une idée à contresens de l'histoire de l'humanité, et ce, non seulement en cachant la vérité historique à des générations de Français et aux autres peuples de la planète, mais en vantant les mérites d'un système basé sur la domination, l'oppression et l'exploitation des peuples. Le plus inadmissible du côté français est cette persistance à vouloir impliquer l'Algérie dans des affaires franco-françaises. Le «drame» des harkis dont parlent les officiels français est en fait destiné à occulter la responsabilité de leur pays vis-à-vis des supplétifs de son armée coloniale. Et tout le problème réside à ce niveau : d'un côté les associations de harkis revendiquent cette reconnaissance, de l'autre l'Etat se refuse de l'admettre. Pour des considérations électoralistes, Nicolas Sarkozy, alors candidat UMP à la présidence française, avait promis le 31 mars 2007 de reconnaître cette responsabilité dans «l'abandon et le massacre des harkis en 1962». Mais cette promesse est restée lettre morte. Pour les Algériens, le débat est de nature franco-française, les harkis ayant opté, dès leur enrôlement dans la Coloniale, pour la France. Ils se sont battus pour la France, ils ont tué pour elle. Comme récompense à leur loyauté, la mère patrie les a abandonnés à leur triste sort en les parquant dans des conditions inhumaines dans d'affreux bidonvilles. Les générations d'Algériens qui ont à connaître la répression durant les années de guerre ne sont pas près d'oublier la férocité de ces supplétifs qui parlent arabe, chaoui ou kabyle, se vêtent comme des Arabes mais qui «torturent leurs frères, violent leurs sœurs et tuent sans distinction les vieux, les femmes et les enfants». Les rescapés des camps de concentration vous le diront.