Jusque à nos jours, les villageois d'Iguer n'Sar, dans commune d'Iflissen au nord de Tizi Ouzou, demeurent solidement liés et fidèles aux valeurs et aux traditions ancestrales, léguées par leurs aïeux depuis la nuit des temps. Des us et des traditions, véhiculées des siècles durant, sont jalousement sauvegardées de génération en génération, comme c'est le cas un peu partout en Kabylie. Perché sur une colline surplombant magistralement la grande bleue, en Kabylie maritime, ce céleste petit village d'Iguer n'Sar a, l'espace d'une journée, célébré la fête d'iouedjiven, samedi. Cette fête légendaire propre à ce village seulement consiste, d'après les vieux de la région, à la célébration des premières pluies d'automne de chaque année, pour ainsi entamer, le lendemain, la saison des labours et cultiver la terre sous les meilleurs auspices tout en implorant les saints de la région. Tôt la matinée, les femmes et des vieilles préparent, collectivement, des plats à base essentiellement des légumes secs, notamment des fèves sèches, du blé et de l'orge pour préparer ce fameux plat réservé spécialement à cette occasion, comme cela se faisait jadis par leurs ancêtres. L'eau utilisée pour la circonstance est ramenée spécialement d'une vieille fontaine, construite en pierres. Une fontaine qui date des siècles derniers, appelée Tala Ouzemmour, située en bas de village, par des jeunes filles. Le soir venu, ce sont tous les villageois qui se rassemblent à tadjemaât, pour partager ensemble le repas, soigneusement préparé. Une ambiance de convivialité règne dans l'atmosphère. Cette journée de fête est considérée aussi journée de conciliation et des retrouvailles. Femmes, enfants, vieux, jeunes et moins jeunes, tout le monde mange dans un même plat. La cérémonie est suivie d'offrandes des habitants des villages limitrophes conviés eux aussi à prendre part à la cérémonie. Les vieilles entonnent des champs religieux puisés du patrimoine musical ancestral. Le lendemain matin, les fellahs partent aux champs pour travailler la terre et entamer la saison agricole, comme le voulait la tradition. «Jadis c'étaient les charrues et les bœufs qui ornaient nos champs. Aujourd'hui que les gens ne vivent plus de la terre, les hommes et les femmes partent aux champs avec des outils de jardinage pour perpétuer symboliquement une tradition bien ancrée dans notre village», nous a déclaré avec nostalgie une vieille du village en question. Cette fête, en fait, n'est qu'une parmi les dizaines d'autres. Noual, Lansla, Tislith b'Anzar sont d'autres fêtes qui sont restées à ce jour perpétuées en Kabylie, chacune avec ces propres symboles et occasions. Ce patrimoine culturel est préservé généralement par les femmes qui accordent une valeur particulière aux traditions kabyles, contrairement aux hommes qui affichent généralement un certain désintérêt. Ne dit-on pas que les femmes sont les gardiennes des traditions ?