L'ENTV est terrible. Dans son infinie générosité, elle offre aux Algériens une grande récréation d'enthousiasme et d'élans populaires à partager. Pour leur faire sentir sa gentillesse, elle commence par les avertir, le discours culpabilisant et le ton hautain : si le reste du temps, c'est-à-dire entre deux événements auxquels ils ne peuvent se soustraire, la communion dans la joie est exclue de leur écran, ce n'est sûrement pas la faute de la télévision publique. Il faudra à l'ENTV un festival panafricain par mois, un Ramadhan par semaine et surtout un match de foot où semble se jouer le destin national, tous les jours. Et ses plateaux trouveront toujours quelques «confrères» et autres experts pour relayer le prétexte et l'artifice. Comme dans un contrat tacite, les règles du jeu sont fixées sans qu'on ait vraiment besoin d'en parler. Y compris dans ces moments bénits, où elle aurait quand même pu «glisser» quelques piques d'irrévérence ou, suprême caprice, de contradiction. Tenez, les derniers matches de qualification de l'équipe nationale pour la Coupe du monde sont un modèle du genre. Eu égard à la passion que ce sport suscite au sein de l'opinion la plus large et l'attachement des Algériens à leur sélection, tout le monde peut comprendre, et en redemander, que la télé emboîte le pas à la rue dans son infini optimisme pour ne pas déranger un rêve qui se dessine. On peut très bien chasser le doute sans renoncer vraiment à des moments de sérénité. La réflexion apaisée et la différence dans l'appréciation n'empêchent après tout pas la mobilisation pour un objectif commun. Il y a toujours quelque chose à voir et à partager dans ces moments-là et l'ENTV semble nous en faire profiter à son corps défendant, parce que manifestement, pour elle, il n'y a ni idées à confronter, ni regards à comparer, ni coup de gueule à savourer. Interdit de hausser le ton et d'intervenir de façon impromptue. Les plateaux de l'ENTV sont des rendez-vous pour fils de bonne famille, bon chic bon genre, qui se renvoient les politesses et oublient les sujets qui fâchent. L'autre fois encore, on a invité d'anciens joueurs qui ont participé à la Coupe du monde. Eh bien, ils «pensent» tous la même chose. On sait que Kouici est différent de Serrar, mais jamais sur un plateau de l'ENTV. On sait l'incurie qui a régné dans le vestiaire de Mexico, mais on l'évoquera à demi-mot, on sait que les remplaçants de Gijón n'étaient pas vraiment contents, mais on découvre, 27 ans plus tard qu'ils étaient aux anges d'être sur le banc, par la magie de la télé. L'équipe nationale ira peut-être au Mondial, d'autres festivals et d'autres Ramadhan gais reviendront, mais il y a quand même mieux pour les accompagner et, accessoirement, faire un peu de télé dans les intervalles. Cet e-mail est protégé contre les robots collecteurs de mails, votre navigateur doit accepter le Javascript pour le voir Laouari