Le musée Ahmed Zabana d'Oran, cette magnifique et imposante bâtisse coloniale, renferme une riche collection d'art pictural d'artistes algériens et d'orientalistes ainsi que des sculptures. Dans l'immense salle réservée à l'art plastique, c'est tout un florilège de figuratif, de semi-figuratif et d'abstrait qui s'offre aux visiteurs, bien nombreux, selon les propos de Mme Silem, la directrice par intérim. «Ce musée est le plus fréquenté d'Algérie au regard du nombre d'entrées», dit-elle. Les artistes peintres algériens sont à l'honneur. Issiakhem avec son tableau Le Deuil, Baya avec La Défunte, Mohamed Khadda avec La Terre s'offre aux Semailles, Abdelkader Guermaz avec Regards sur Paris. Il est à noter que deux toiles de Guermaz ont été vendues cet été à la célèbre galerie londonienne Sotheby's. Méconnu en Algérie, feu Guermaz a créé l'école de Paris. D'autres peintres témoignent de leur savoir-faire, à l'image de Zerhouni Sid Ahmed, Fatiha Bisker, Boukhari Zerrouki, Amer Hachemi, Larbi Areski, Abdelkader Khourisset, Benmansour, Affif Cherfaoui, Ali Khodja, Denis Martinez, Ali Silem, Mesli Choukri, Mohamed Oulhaci, Noureddine Belkhadem, Kour Nourredine, etc. Chaque tableau se décline à sa manière selon le style et la tendance de l'artiste. Scènes de la vie quotidienne, marines, paysages, portraits, autant de thèmes et de couleurs. Les Indifférents, La Cérémonie du thé, Arabesque, Lévitation, Encore un pas, La Grande Tente, L'être et le Paraître, des sujets qui interpellent et laissent transparaître une sensibilité sans bornes. Ce sont des peintures à forte consonance qui rappellent le vécu de chacun et ses espérances.
Des tableaux de grande valeur Dans la perspective orientaliste, de superbes toiles d'artistes connus et moins connus se retrouvent sur les cimaises de ce musée. Mis à part Eugène Fromentin, avec ses paysages du Sud qui l'avaient charmé, et Etienne Nasreddine Dinet, avec ses portraits d'hommes aux visages burinés et si expressifs, dégageant une lumière flamboyante, on retrouve d'autres tableaux qui marquent cette période donnée si propice à tant de créations. L'orientaliste, malgré sa connotation peu reluisante qui avait fait florès, a permis d'avoir des toiles sublimes qui rappellent sans nostalgie une belle époque. Certains se démarquent du lot, comme Gabriel Deneux avec son sublissime tableau Femmes de Tlemcen. Des femmes avec la chedda, habit traditionnel de mariée, évoluent à l'aise dans un espace garni de céramiques aux teintes ayant subi la patine du temps. D'un grand format, ce tableau est le clou de cette exposition. Cet artiste qui réalise des peintures décoratives à l'encaustique est passé maître de l'impressionnisme et du post-impressionnisme. Il en est de même de celui de Charles André Van Loo, dit Carl Van Loo, avec sa prodigieuse composition intitulée La Sultane. Cette belle femme qui joue d'un instrument de musique exhibe son charme angélique. Dans ce panel d'artistes orientalistes, citons Marius de Buzon avec sa Zaouia de Touggourt, Francis de Noailly avec Sources en Kabylie, Maxime Noiré avec Vues du Sud et Henri Valensi avec Paysage, Bouviolle avec Le Phonographe, Brest Fabian Germain, avec Bataille d'Algérie, Marc Chateaud avec sa Fantasia. L'Algérie vue par les orientalistes Ce sont de remarquables et impressionnants instantanés de vie d'une Algérie aux multiples facettes qui ont été pris au vif par ces orientalistes. Leur curiosité a focalisé sur ces paysages qu'ils découvraient, sur ces habits traditionnels, et sur ces visages si différents des leurs. Ils ont loué cette luminosité et intensité du soleil ainsi que ce désert qui les a tant fascinés. Ils étaient subjugués par ces visages si beaux et ces femmes au regard suggestif. es toiles de haute facture et d'une valeur inestimable représentent cette tendance orientaliste qui était en vogue et qui a laissé en témoignage d'extraordinaires toiles. Témoins inconditionnels de leur temps, ces artistes ont laissé un legs atavique de notre pays et de ses us et coutumes. Dans la même salle, l'école hollandaise du 18e siècle se décline avec d'innombrables tableaux exécutés avec finesse dans ce clair-obscur qui a fait sa renommée. L'école française du même siècle avec Sébastien Bourdin et Michelin avec ses natures mortes et portraits rappellent au monde cet art sublime qui a fait la grandeur de cette époque. Une éblouissante tapisserie des Gobelins montrant Moïse frappant de sa baguette le Rocher, trône au centre de cette salle. Elle retrace ce savoir -faire et cette dextérité. Cette inestimable collection dont les tableaux sont d'une grande rareté mérite vraiment le détour. Alors, férus d'arts plastiques ou simples profanes, déplacez-vous, le spectacle vaut l'enchantement.