L'Algérie dispose-t-elle d'un week-end ? Avons-nous un seul jour de repos, deux ou bien trois ? Ces questions se posent aujourd'hui avec acuité vu l'état d'anarchie constaté dans divers secteurs, et qui a amené chacun à décider du week-end qui convient à son activité. insi, l'instauration du week-end semi-universel en Algérie a créé une véritable cacophonie dans plusieurs secteurs d'activités, qu'ils relèvent du secteur des services, du secteur public ou encore du secteur économique. Cette décision, prise en juillet et entrée en vigueur le 14 août, pourtant largement applaudie par les opérateurs économiques, puisque cela a constitué l'essentiel de leurs revendications depuis plusieurs années, a été loin de réussir à mettre en place une harmonie dans la gestion des différentes affaires économiques et a réellement endurci le processus d'adaptation de la population à ce nouveau régime. Problème : vide juridique et retard dans l'application des textes d'application qui devraient donner plus d'éclaircissements sur l'application de ce nouveau week-end tel qu'il devrait être appliqué.En effet, les premières déclarations de Tayeb Louh, ministre de l'Emploi, du Travail et de la Sécurité sociale, sur la mise en application de ce week-end ont été tellement simplifiées que personne n'attendait à avoir un aussi grand chamboulement. «Le vendredi est une journée de travail officielle et hebdomadaire tel que le stipule la loi. Le seul changement qu'il va y avoir concerne le balancement du programme de travail de jeudi pour le samedi afin de compléter les 44h de travail instaurées par la loi», avait-il expliqué devant la presse lors d'une rencontre tenue au siège de la SNVI pour expliquer les mesures de la LFC 2009. Secteur public et administration : très clair Le ministre a appelé les autres opérateurs à adopter les heures de travail en fonction des spécificités de chaque secteur. Sur le terrain, les déclarations des différents ministères se sont multipliées pour mettre en œuvre cette nouvelle organisation en opérant les modifications adéquates. La poste maintient le vendredi comme seule journée de repos, l'enseignement supérieur décide de deux jours de repos pour les universitaires, et celui de l'éducation sacralise le vendredi et demande l'ouverture des écoles samedi, une décision fortement contestée par les syndicats qui finissent par arracher deux jours de repos. Mais il se trouve que ces déclarations et négociations ont eu lieu avant la rentrée sociale. Les choses ont été complètement chamboulées dès la mise en œuvre de ces décisions qui n'ont arrangé finalement aucune partie. L'alignement sur le secteur financier et bancaire n'a été finalement bénéfique que pour le secteur de l'administration publique, où les choses sont plus ou moins claires et l'application n'a posé aucune difficulté visible. Les fonctionnaires ont deux jours de repos par semaine et maintiennent le même volume de travail avec les même horaires. Secteur économique : le flou persiste Dans le secteur économique, la pagaille a été générale. L'absence de clarification sur cette question a contraint les opérateurs à établir un nouveau planning de travail et parfois à le moduler plusieurs fois avant de prendre une décision définitive. Beaucoup de questions ont été posées à propos de la notion du week-end en Algérie. «Avons-nous un seul jour ou deux jours de repos ?» se sont-ils interrogés. Une question qui a été à l'origine d'autres interrogations, notamment celle relative au régime de rémunération qu'il faut adopter au cas où ils seront appelés à faire travailler les employés davantage. A ce propos, chaque entreprise a décidé de son propre week-end. Certains ont accordé deux jours de repos hebdomadaire et se sont alignés sur le secteur bancaire, d'autres ont décidé de fonctionner un samedi sur deux, alors que d'autres ont décidé du samedi comme journée de repos hebdomadaire et travaillent le vendredi, au moins durant la matinée, pour avoir un jour et demi de repos hebdomadaire. Un mois après la rentrée des classes, le débat sur l'application de ce week-end est plus que jamais d'actualité. La densité des programmes et la prolongation des heures des cours n'ont pas pour autant arrangé les parents d'élèves et les écoliers également, qui demandent l'ouverture des classes le samedi. Dans le secteur économique, les opérateurs estiment que la problématique du week-end a été soulevée à maintes reprises sans qu'une solution «fédérée» n'ait pu être trouvée. «Le vendredi, comme journée de repos hebdomadaire officielle, est indiscutable. Alors nous avons été obligés de prolonger le samedi également, même s'il est très difficile de s'y adapter», a expliqué un patron d'entreprise. Les répercussions de l'application de ce week-end sont visibles. «Nous travaillons donc quatre jours au lieu de cinq, et le volume de travail a diminué dans le mesure où nous n'assurons plus les 44h de travail comme avant. Le dimanche continue d'être une journée morte car la semaine commence réellement le lundi», nous a-t-il expliqué. «Certaines entreprises ont tenté d'appliquer en fonction des spécificités mais ce n'est pas évident pour tous les secteurs. Certains travaillent un samedi sur deux, d'autres ont prolongé à neuf heures de travail par jour et d'autres ont tout simplement sacrifié le samedi», a-t-il relevé, en soulignant que beaucoup de chefs d'entreprise travaillent le samedi pour préparer la semaine, alors que les employés arrivent le dimanche. Le changement s'impose Les citoyens et notamment les travailleurs ne se retrouvent pas dans cette nouvelle organisation. L'unification du week-end a eu pour impact la fermeture simultanée des banques et des administrations publiques durant les jours de repos de la majorité des citoyens, ce qui les empêchent d'effectuer les différentes transactions bancaires ou de retirer des papiers administratifs. Les services des APC, des daïras, des impôts, des banques et autres sont quasiment vides les jeudis, «alors que ça a été la journée où on retirait les salaires et réglait les autres affaires administratives», nous dira un citoyen. Une situation qui a fait que des appels sont lancés pour l'ouverture de ces services durant la matinée du vendredi. D'autres appellent au retour à l'ancien week-end où les choses sont plus simples. A quand les textes d'application ? En matière de législation, le secteur public a toujours été régi par une loi qui détermine et fixe les horaires de travail et ceux de repos. Ainsi, le décret exécutif n°09-244 du 29 Rajab 1430 correspondant au 22 juillet 2009 détermine l'aménagement et la répartition des horaires de travail à l'intérieur de la semaine dans le secteur des institutions et administrations publiques. «L'aménagement des horaires de travail est fixé du dimanche au jeudi, de 8 heures du matin à 12 heures, et de 13 heures, le soir, à 16 heures 30 minutes, avec une heure de pause de 12 à 13 heures.» Avec une précision sur les horaires de travail dans les wilayas du sud. Dans l'ancien week-end, le décret exécutif n°97-59 du 9 mars 1997 détermine l'aménagement et la répartition de ces horaires qui est «fixé de samedi au mercredi et s'effectuent sous le régime de la séance continue et sont répartis sur cinq jours ouvrables», lit-on dans les articles 2 et 3 de cette loi. L'ordonnance n°97-03 du 11 janvier 1997 fixe la durée légale du travail en se référant à la loi 90-11 fixant la relation de travail entre le travailleur salarié et l'employeur. Selon l'article 2, la durée hebdomadaire du travail est de 40 heures réparties sur cinq jours ouvrables. L'article 3 précise que la répartition des horaires de travail à l'intérieur de la semaine est déterminée par les conventions ou accords collectifs et est déterminée par voie réglementaire au sein du secteur des institutions et administrations publiques. La loi fixe dans le détail les modifications apportées en cas de diminution ou de hausse des horaires de travail selon les besoins exprimés. Elle évoque le contenu des conventions ou accords collectifs qui doit comporter «la liste des postes concernés et précisent pour chacun d'entre eux le niveau de réduction ou d'augmentation de la durée du travail effectif». L'ordonnance fixe la durée légale du travail dans le secteur agricole à 1800 heures par an réparties par période et par région. L'article 6 précise que l'employeur est tenu d'aménager un temps de pause au cas où le régime de travail est en séance continue estimée à une heure avec un volume de travail n'excédant pas les 12 heures par jour. Toutes ces précisions ne figurent malheureusement pas dans la nouvelle réglementation définissant l'organisation et l'aménagement des horaires de travail en dépit d'un changement de week-end décidé pour des raisons purement économiques.