Contrairement à ce qu'ont imaginé la plupart des Algériens, le samedi du premier week-end semi-universel en Algérie a été animé, comme à l'accoutumée. Aucun grand changement n'est perceptible. Les commerces étaient ouverts, au grand bonheur des consommateurs, qui, eux aussi, n'ont rien changé à leurs habitudes. Au cours d'une tournée dans les grands boulevards de la capitale, nous avons constaté l'animation d'une journée ordinaire. A l'exception des établissements bancaires et des assurances ainsi que les APC et les wilayas déléguées qui ont fermé boutique, les autres services, à l'instar de la poste, ont observé une journée de travail ordinaire suivant leur planning tracé. Pour certains citoyens, le samedi a bien remplacé l'animation vécue généralement le jeudi. Finalement, ce n'est pas un week-end prolongé comme cela était attendu, mais plutôt une semaine allongée puisque le samedi a été considéré comme le jour de la reprise, du moins pour certains secteurs qui ont travaillé hier. Outre les agences commerciales des opérateurs de la téléphonie mobile (Nedjma, Djezzy et Mobilis), qui recevaient des clients, des pharmacies, des horlogeries et bijouteries, les buralistes ont assuré leur service, sans grands changements. Les show-rooms des concessionnaires et les cafés ainsi que les restaurants n'ont pas également chômé. Ils ont opté pour une seule journée de repos, le vendredi. Les avis divergent au sujet du nouveau week-end : certains y voient un changement radical, en avouant que la société est gagnante par le fait que la durée de travail est plus étoffée, donc plus rentable. D'autres considèrent que le week-end a été chamboulé. «Notre employeur nous a demandé de travailler soit vendredi matin, soit samedi matin. Les deux choix ne nous satisfont pas. Si j'opte pour vendredi matin, il y a toute la symbolique de la journée de la prière hebdomadaire qui est touchée et si j'opte pour le samedi matin, j'aurais l'impression de ne pas avoir eu de week-end. L'idéal pour moi serait le repos vendredi et samedi», remarque Hamza, pharmacien. Un autre nous explique la perplexité des citoyens quant à l'entrée en vigueur de ce nouveau repos hebdomadaire. «Nous ne comprenons rien. Certaines boutiques sont ouvertes et d'autres sont fermées. C'est le flou total, nous ne savons pas qui travaille et qui ne travaille pas», s'exprime Louiza, propriétaire d'un magasin de meubles à Chéraga. La plupart des boutiques sise à Didouche Mourad étaient ouvertes alors que certains ont baissé rideau. De nombreux citoyens sillonnaient les rues pour faire les boutiques, ou étaient à la recherche d'un coin sympathique pour déjeuner. «Moi, ce week-end m'arrange. Je me détends convenablement le vendredi et je profite du samedi pour faire mes courses et voir mes copines», indique Lylia, réceptionniste dans une société étatique. Des raisons économiques Demandée depuis longtemps par les opérateurs économiques, cette décision répond à des considérations économiques. Plusieurs entreprises algériennes et étrangères activant en Algérie ont adopté ce week-end depuis plusieurs mois déjà. Pour les banquiers et les agents de l'APC, le week-end n'a pas changé.Il y a lieu de rappeler que dans les années 1990, les pouvoirs publics avaient envisagé de revenir au week-end universel pour des raisons politiques, soit «pour lutter contre l'influence des islamistes radicaux». L'Algérie s'est alignée sur le week-end semi-universel à l'exemple de certains pays arabes qui l'ont déjà adopté (vendredi-samedi), à savoir la Syrie, le Soudan, la Mauritanie, le Qatar, le Bahreïn, le Koweït, l'Irak, la Jordanie, la Libye, l'Egypte et les Emirats arabes unis. A noter que dans le monde arabe, il n'y a que le Maroc et la Tunisie qui ont opté pour le week-end universel (samedi-dimanche). Samira A. Dans le secteur économique privéLes opérateurs demandent plus de précisions Si l'application du week-end semi-universel dans le secteur administratif n'a rencontré aucun obstacle, la transition vers le nouveau week-end instauré en Algérie a complètement chamboulé les entreprises économiques privées. Contactés hier, les opérateurs économiques affirment qu'ils sont complètement déstabilisés et n'arrivent pas à décider d'un planning clair pour les nouveaux horaires de travail. La transition ne s'est pas faite de façon facile ni surtout normale dans le secteur économique privé où les chefs d'entreprise restent incapables de s'adapter avec ce changement imposé depuis la mise en application du nouveau week-end décidé, désormais, pour le vendredi et samedi. «Nous sommes complètement perdus. Ce n'est pas encore clair pour nous dans la mesure où nous n'arrivons pas à fixer les nouveaux horaires de travail» nous ont-ils affirmé. Les chefs d'entreprise dans l'embarras Beaucoup de ces entreprises ont ouvert hier. Mais beaucoup ont hésité entre libérer les travailleurs ou les retenir pour une journée ou une demi-journée de travail. L'activité n'a pas été dense en cette journée de repos. La place a été cédée à de multiples interrogations soulevées par les chefs d'entreprises sur le comment de l'application de ce week-end. «On se pose entre nous des questions et chacun dit qu'il a suivi le fonctionnement des établissement publics sans être très convaincu de cette mesure. On cherche à instaurer un régime de travail applicable à ce changement mais il a été, pour nous, difficile de le faire», ont affirmé des opérateurs. Ils affirment que les entreprises économiques, les unités de production et usines ont toujours instauré 44 heures de travail réparties sur 6 jours. «Le travail est réparti sur 6 jours de la semaine en intégrant une demi-journée les jeudis pour totaliser les 44 heures de travail par semaine comme stipule la loi. Mais là, on a décidé de changer le week-end en maintenant le vendredi comme journée de repos officiel et le samedi comme deuxième jour de repos pour les fonctionnaires. C'est-à-dire deux jours de week-end», a expliqué un chef d'entreprise. «Il est évident pour les administrations d'avoir deux journées de repos. Ce n'est pas le cas pour nous, puisqu'il nous est impossible d'obliger les travailleurs à se déplacer samedi pour assurer une demi-journée de travail alors que c'est une journée de repos pour les autres», a encore expliqué un autre. «Comment appliquer cette mesure ? Allons-nous ramener les travailleurs samedi, décrété journée de repos, en les payant en conséquence, c'est-à-dire en double journée avec le droit à une récupération, ou allons-nous libérer tout le monde pendant deux jours de repos total, se sont-ils interrogés. Situation équivoque «C'est le déséquilibre total pour nous. Les deux options envisagées ne règlent pas le problème et nous mettent dans l'embarras total. Il y a un calcul à faire en termes d'heures de travail, de payement, de rendement et de productivité. Décider de deux jours de repos aura beaucoup de répercussions sur la production nationale, et priver les gens d'un repos autorisé par les pouvoirs publics sera mal pris par les gens. Comment faire ?» Les opérateurs interpellent le ministre du travail et de la sécurité sociale pour donner plus d'éclaircissements et d'explications concernant les heures de travail et l'application de ce nouveau week-end dans le secteur économique. «Si l'on décide de deux journées de repos, il faut trouver une solution pour récompenser les heures de travail perdues. Allons-nous prolonger les horaires de travail de la semaine pour passer de 8 à 9 heures de travail par jour, ou allons-nous faire travailler les gens le samedi en appliquant la loi dans sa rigueur ?», s'interrogent-ils, en précisant que cela aura des répercussions lourdes sur l'entreprise. Pour rappel, Tayeb Louh, ministre du travail, de l'emploi et de la sécurité sociale s'est expliqué auparavant à propos de l'application du week-end semi-universel. Tout en soulignant le caractère de souplesse dans l'application de ce week-end, le ministre a souligné que son application dans le secteur économique se fait en fonction des contrats et conventions signés entre les deux parties. Il a également précisé qu'il n'y a aucune loi qui fixe le week-end dans le domaine de l'économie où l'application se fait en fonction des spécificités de chaque secteur d'activité. Des explications jugées insuffisantes par ces opérateurs qui demandent plus de clarté et de précisions.