Désormais, tous les moyens sont bons pour devenir membre du Conseil de la nation en Algérie. Pour gagner les voix des électeurs, des candidats aux élections sénatoriales n'hésitent pas à mettre la main à la poche. A l'approche d'une échéance électorale, notamment les sénatoriales, les postulants ne lésinent pas sur les moyens pour gagner un siège à la chambre haute du Parlement. Devenir sénateur, c'est gagner un statut social, une indemnité mensuelle de 300 000 DA et une immunité parlementaire. Pour cela, certains n'hésitent pas à s'adonner à une pratique malsaine : la corruption. Les partis politiques reconnaissent à l'unanimité l'existence de ce phénomène. L'achat des voix électorales est qualifié d'immoral par les formations politiques qui avouent leur impuissance à combattre cette pratique. Pour le chargé de la communication du Front de libération national (FLN), Saïd Bouhedja, qui sortait d'une réunion du bureau national du parti consacrée aux sénatoriales de décembre, l'achat d'une voix électorale est un comportement malsain et immoral. «Certains opportunistes ne tiennent pas compte des règles de la déontologie et ne respectent pas les principes qui régissent le fonctionnement des partis politiques», dénonce notre interlocuteur. La seule manière de contourner ce phénomène lors du prochain renouvellement partiel des membres du Conseil de la nation, explique le responsable du FLN, est d'adopter une stratégie électorale bien réfléchie. «Lutter contre cette pratique relève du rôle des partis et non pas de l'Etat», souligne encore M. Bouhedja. Le secrétaire général du mouvement Islah, Djamel Benabdeslam, préfère parler de «ch'kara» (le sachet noir). «Ces cinq dernières années, nous assistons à la prolifération de cette forme de corruption qui consiste à acheter les voix des électeurs», indique notre interlocuteur. «On achète les voix comme on achète la pomme de terre dans un marché populaire», regrette le responsable du parti islamiste. PT : «Nos voix ne se monnayent pas» Le secrétaire général du mouvement Ennahda, Fatah Rabiai, condamne, pour sa part, ces comportements qui nuisent à la vie politique. «L'accès à une institution législative doit se faire par la voie d'élections libres, transparentes et honnêtes et non pas par la corruption», souligne notre interlocuteur. Des élections transparentes, explique le chef d'Ennahda, permettent aux cadres compétents de siéger dans les assemblées et de les renforcer. «L'achat des voix permet à des gens qui n'ont aucune relation avec la politique de devenir des législateurs. En réalité, ils ne sont motivés que par le gain et l'enrichissement personnel», regrette notre source. Ce phénomène, ajoute-t-il, ne fera qu'élargir le fossé déjà existant entre la classe politique et les citoyens. «La fraude électorale est l'une des raisons ayant poussé les Algériens à déserter le terrain politique. L'achat des voix les poussera à ne plus croire à l'acte de voter», indique M. Rabiai. Et d'ajouter : «Nous espérons que la classe politique et les pouvoirs publics combattront de toutes leurs forces ces dérives qui risquent de mettre fin à tout espoir des Algériens.» Pour sa part, Ramdane Taazibt, membre de la direction nationale du Parti des travailleurs (PT), affirme que ce procédé est très répandu dans notre pays. «Acheter une voix électorale est une pratique scandaleuse qui constitue une menace pour la démocratie et le pluralisme politique», indique M. Taazibt. Selon lui, il est «malsain» de mélanger la politique et l'argent. Alors que son parti ne prendra pas part aux élections sénatoriales, le responsable du PT affirme que les voix de son parti ne sont pas à monnayer. «Nous agissons en plein jour, c'est-à-dire dans le cadre d'accords politiques conclus que nous rendrons publics», souligne-t-il, appelant l'ensemble des partis et l'Etat à combattre ce procédé honteux. «Les partis doivent mettre de l'ordre à leur niveau et l'Etat doit adapter les lois du pays pour contrer ce nouveau phénomène», ajoute M. Taazibt.