Falsification des notes, harcèlement sexuel, réorientations abusives, les problèmes ne manquent pas à l'université de Bouzaréah. Ce qui a poussé les étudiants de l'institut des langues étrangères à observer un arrêt des cours. La faculté de Bouzaréah a été hier le théâtre d'un rassemblement initié par les étudiants anglophones et francophones qui s'estiment lésés dans leur droit. La situation dans laquelle se trouve la faculté des sciences sociales et humaines en général et les départements d'anglais et de français en particulier n'augure rien de bon pour l'année universitaire qui a commencé depuis un mois déjà. «Toutes les conditions sont réunies pour une année blanche», nous déclare un des responsables du comité autonome installé à l'occasion. Les conditions catastrophiques d'enseignement, la fuite en avant des responsables, la vente et l'achat des modules sont devenus les maîtres-mots de ce lieu du savoir. Approché par nos soins, Younes s'est dit outré par le comportement et les agissements antipédagogiques des enseignants et de l'administration. «Chacun se renvoie la balle, et la balle c'est nous», nous dit-il. Pour les étudiants, ce qui se passe dans ce campus est inadmissible. Anissa, étudiante en 3e année langue et littérature françaises, est représentante du comité : «L'Université algérienne est à plaindre, elle est devenue un lieu où tout est permis, même l'insoutenable. J'ai refusé de coucher avec mon professeur, je le dis et mentionnez-le dans votre article, le prix du refus, c'est une note éliminatoire, ce qui m'empêche d'accéder en 4e année.» Comme Anissa, une dizaine de filles ont tenu à «alléger leur cœur». «Moi, j'ai eu une moyenne de 9,80/20 et j'ai été ajournée, alors que d'autres étudiants ont obtenu des moyennes de 9,20/20 et ont été admis, n'est-ce pas une injustice caractérisée ?», nous dit Lynda. L'étudiante nous a aussi révélé cette terrible vérité : «J'ai été voir la secrétaire du responsable et elle m'a demandé de payer 40 000 DA pour avoir mon année ! Elle m'a expliqué qu'elle procédera au changement de ma note sur le procès-verbal du professeur.» La réorientation a été aussi contestée par les étudiants qui voient en ce système une aberration. Younes a parlé de 12 réorientations, parmi eux des étudiants en quatrième année qui sont réorientés vers la sociologie après un cursus de quatre années passées à étudier la langue anglaise. Pour rappel, la réorientation est appliquée aux étudiants doublants ou triplants. Le sit-in à l'entrée de la fac dure depuis une semaine mais cette action ne semble pas émouvoir outre mesure l'administration. Le chef de département a promis de prendre en charge ces revendications mais aucune décision concrète n'a vu le jour. Les étudiants campent sur leur décision de continuer ce mouvement de protestation jusqu'à satisfaction de la plateforme envoyée aux différents responsables. «L'année blanche ne nous fait pas peur» Nous avons tenté de joindre les responsables des départements respectifs, en vain. La réponse qui nous a été donnée par l'un d'entre eux a été sèche : «Je ne parle pas sans la permission de ma hiérarchie. Et puis la loi va être appliquée, malgré ces tentatives… Il y a manipulation.» Sur le lieu du rassemblement, les étudiants distribuaient des exemplaires de la plateforme de revendications. Il s'agit, entre autres, de la suppression de la réorientation, de l'affichage du corrigé-type après chaque épreuve, de baisser la moyenne du rachat et de l'affichage des noms et des moyennes initiales des étudiants admis au rachat. Sur le plan organisationnel, les universitaires demandent la vulgarisation du règlement intérieur, la suppression du système des quotas, le droit au rattrapage et à la synthèse à tous les étudiants sans condition, et enfin l'instauration du régime des dettes. Les universitaires de la faculté de Bouzaréah sont décidés à faire accepter ces changements. «Nous allons organiser une marche demain (aujourd'hui, ndlr) dans l'enceinte de l'université, et nous assumerons les conséquences d'une telle manifestation.» «Un signal est donné aux autorités pour la prise en charge de l'élite ; la balle est dans leur camp», conclut Younes.